Commentaires liturgiques du Samedi Saint Jusqu’à ce que la porte du ciel ait été ouverte par le sang rédempteur, aucun juste ne peut monter vers Dieu. Au sortir de ce monde, les âmes les plus saintes ont dû descendre dans les entrailles de la terre. Mille endroits de l’Ancien Testament désignent les enfers comme le séjour des justes qui ont le mieux servi et honoré Dieu ; et c’est seulement dans le Nouveau qu’il est parlé du Royaume des Cieux. Cette demeure temporaire ne connaît cependant pas d’autres peines que celles de l’attente et de la captivité. Les âmes qui l’habitent sont pour toujours dans la grâce, assurées d’un bonheur sans fin ; elles supportent avec résignation cette relégation sévère, suite du péché ; mais elles voient avec une joie toujours croissante approcher le moment de leur délivrance.
Le Fils de Dieu ayant accepté toutes les conditions de l’humanité, et ne devant triompher que par sa résurrection, et n’ouvrir les portes du ciel que par son Ascension, son âme, séparée du corps par le glaive de la mort, devait descendre aussi dans ces lieux bas de la terre, et partager un moment le séjour des justes exilés. « Le Fils de l’homme, avait-il dit, sera trois jours dans le cœur de la terre [18]. » Mais autant son entrée dans ces lieux sombres devait être saluée par les acclamations du peuple saint, autant devait-elle déployer de majesté, et montrer la force et la gloire de l’Emmanuel. Au moment où Jésus a rendu sur la croix son dernier soupir, le limbe des justes s’est vu tout à coup illuminé des splendeurs du ciel. L’âme du Rédempteur unie à la divinité du Verbe est descendue en un instant au milieu de ces ombres, et du lieu de l’exil elle a fait un paradis. C’est la promesse du Christ mourant au voleur repentant : « Aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis. »
Qui pourrait dire le bonheur des justes, à ce moment attendu depuis tant de siècles ; leur admiration et leur amour à la vue de cette âme divine qui vient à la fois partager et dissiper leur exil ? Quels regards de bonté l’âme de Jésus arrête sur cet immense troupeau d’élus que quarante siècles lui ont fourni, sur cette portion de son Église qu’il a acquise par son sang, et à qui les mérites de ce sang divin furent appliqués par la miséricorde du Père, avant même qu’il fût verse ! Nous qui, au sortir de ce monde, avons l’espoir de monter vers celui qui est allé nous préparer une place dans les cieux [19], unissons-nous aux joies de nos pères, et adorons la condescendance de notre Emmanuel, qui daigne s’arrêter trois jours dans ces demeures souterraines, pour ne laisser rien dans les destinées, même passagères, de l’humanité, qu’il n’ait accepté et sanctifié.
Mais, dans cette visite aux lieux infernaux, le Fils de Dieu vient aussi manifester son pouvoir. Sans descendre substantiellement au séjour de Satan, il y fait sentir sa présence ; et il faut à ce moment que le superbe prince de ce monde fléchisse le genou et s’humilie. Dans ce Jésus qu’il a fait crucifier par les Juifs, il reconnaît maintenant le propre Fils de Dieu. L’homme est sauvé, la mort est détruite, le péché est effacé ; désormais ce n’est plus au sein d’Abraham que descendront les âmes des justes : c’est au ciel, avec les Anges fidèles, qu’elles s’élèveront pour y régner avec le Christ, leur divin Chef. Le règne de l’idolâtrie va succomber ; les autels sur lesquels Satan recevait l’encens de la terre sont ébranlés et crouleront partout. La maison du fort armé est forcée par son adversaire divin ; ses dépouilles lui sont enlevées [20] ; la cédille de notre condamnation est arrachée au serpent, et la croix qu’il avait vu s’élever pour le Juste, avec tant de joie, a été pour lui, selon l’énergique expression de saint Antoine, comme un hameçon meurtrier que l’on présente sous un appât au monstre marin qui meurt en se débattant, après l’avoir avale.
L’âme de Jésus fait sentir aussi sa présence aux justes qui soupirent dans les feux de l’expiation. Sa miséricorde allège leurs souffrances et abrège le temps de leur épreuve. Plusieurs d’entre eux voient finir leurs peines durant ces trois jours, et se joignent à la foule des saints, pour entourer de leurs vœux et de leur amour celui qui ouvre les portes du ciel. Il n’est pas contraire à la foi chrétienne de penser, avec de doctes théologiens, que le séjour de l’Homme-Dieu dans la région voisine du limbe des enfants leur apporta aussi quelque consolation ; et qu’ils connurent alors qu’un jour ils reprendront leurs corps, et verront s’ouvrir pour eux une demeure moins sombre et plus riante que celle où la divine justice les retient captifs jusqu’au jour du grand jugement.
Nous vous saluons et nous vous adorons, âme de notre Rédempteur, durant ces heures que vous daignez passer avec nos pères, dans les entrailles de la terre. Nous glorifions votre bonté ; nous admirons votre tendresse envers vos élus dont vous avez daigné faire vos frères. Nous vous rendons grâces d’avoir humilié notre redoutable ennemi ; daignez l’abattre toujours sous nos pieds. Mais, ô Emmanuel, assez longtemps vous avez habité la tombe, il est temps de réunir votre âme à son corps. Le ciel et la terre attendent votre résurrection, et déjà votre Église impatiente de revoir son Époux a prononcé l’Alléluia ! Sortez du sépulcre, auteur de la vie ! Triomphez de la mort et régnez à jamais.
Source : Introibo
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Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde