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 L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L

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MessageSujet: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 27 Oct - 8:48

Rappel du premier message :

A LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU
patronne de la bonne mort en signe de profonde gratitude et d'humble obéissance.

PREMIÈRE PARTIE
LA PROFONDEUR DE L'AME ET LA VIE PRÉSENTE


Pour procéder avec ordre, considérons d'abord les profondeurs de la sensibilité éclairée par la connaissance sensible, puis celle de la volonté éclairée par l'intelligence. Le progrès des vertus acquises, plus encore celui des vertus infuses ou surnaturelles nous manifestent ces profondeurs, en particulier le progrès de la charité dans l'âme des Saints, soit aux heures d'épreuves, soit dans leurs joies et leur apostolat débordant.

CHAPITRE I - LA SENSIBILITÉ ET LA CONNAISSANCE SENSIBLE

La sensibilité, principe des émotions et des passions, est, comme les sens et l'imagination, commune à l'homme et à l'animal. On l'appelle aussi appétit sensitif, pour la distinguer de la volonté spirituelle, commune à l'homme, à l'ange et à Dieu, et qui en nous mérite le nom d'appétit rationnel.

Les mouvements de l'appétit sensitif, émotions et passions, se produisent du fait que les sens ou l'imagination nous proposent un objet sensible, soit attrayant, soit redoutable. Ainsi l'animal désire sa nourriture, et chez lui l'émotion et la passion ont tantôt une forme douce, comme chez la colombe ou chez l'agneau, tantôt une forme violente, comme chez le loup, le tigre ou le lion.

Parmi les passions, la première de toutes, supposée par les autres, est l'amour sensitif ; par exemple chez l'animal, celui de la nourriture dont il a besoin. De cet amour naît le désir, la joie, l'espoir, l'audace ou la haine de ce qui lui est contraire, l'aversion, la tristesse, le désespoir, la crainte, la colère.

La passion n'est pas toujours vive, véhémente, dominatrice, mais elle peut le devenir. Chez l'homme les passions doivent être réglées, disciplinées par la droite raison et la volonté ; elles sont alors des forces utiles, pour défendre une grande cause. Mais au contraire les passions déréglées ou indisciplinées deviennent des vices ; l'amour sensitif devient gourmandise et luxure ; l'aversion devient jalousie et envie ; l'audace devient témérité ; la crainte devient lâcheté ou pusillanimité.

On voit alors, soit dans l'ordre du bien, soit dans celui du mal, la profondeur de la sensibilité. Cette profondeur apparaît déjà dans l'animal, dans l'amour et la haine ; par exemple chez le lion qui désire sa proie, ou chez la lionne qui défend ses petits, par l'amour instinctif de la conservation de son espèce.

Mais cette profondeur de la sensibilité apparaît plus encore chez l'homme, car chez lui au-dessus de l'imagination, il y a l'intelligence qui conçoit le bien universel, et la volonté qui désire un bien sans limite lequel n'est réalisé qu'en Dieu. Si donc l'homme, par sa volonté, ne suit pas le droit chemin, s'il cherche le bonheur suprême, non pas en Dieu, mais dans les créatures, alors sa concupiscence devient insatiable, car elle poursuit un bien apparent, qu'elle désire sans bornes.

Si la volonté, faite pour aimer le bien suprême et son rayonnement universel, est dévoyée, alors sa tendance vers l'universel se retrouve dans sa déviation. Cette faculté supérieure devenue folle influe lamentablement sur les autres. C'est une triste preuve, mais encore une preuve, de la spiritualité de l'âme, comme un souvenir de sa grandeur en sa déchéance.

Saint Thomas dit à ce sujet : « La concupiscence naturelle, ou véritablement fondée sur notre nature, ne peut être infinie, car elle porte sur ce qu'exige notre nature et celle-ci ne demande qu'un bien sensible limité ; aussi jamais l'homme ne désire une nourriture infinie, ni un breuvage infini. Au contraire la concupiscence qui n'est pas naturelle, ou fondée sur notre nature, peut-être infinie ; elle procède en effet d'une raison dévoyée qui conçoit l'universel sans limites. Ainsi celui qui désire les richesses, peut les désirer sans fin, il peut désirer devenir toujours plus riche. C'est ce qui arrive chez celui qui met sa fin dernière dans les richesses (Cf. SAINT THOMAS Ia, IIae, q. 3o, a. 4.).

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 20 Déc - 8:31

DEUXIÈME PARTIE

LA CONNAISSANCE PRÉTERNATURELLE


De même l'âme séparée conserve les actes de ces facultés supérieures et des habitudes qui sont restées en elle. Cependant l'exercice de ces actes est en partie empêché, parce qu'il n'y a plus le concours de l'imagination, ni de la mémoire sensitive, concours qui est très utile pour se servir des idées abstraites des choses sensibles. Que serait un prédicateur qui n'aurait plus l'usage de l'imagination au service de son intelligence ?

Aussi les théologiens enseignent-ils communément que le mode d'être de l'âme séparée de son corps étant préternaturel (car l'âme est faite pour animer son corps), elle a aussi un mode d'agir préternaturel, et qu'elle reçoit de Dieu, à l'instant de la séparation, des idées infuses presque semblables à celles des anges, et dont elle peut se servir sans le concours de l'imagination (Ia, q. 89, a. 1).

Ainsi, sur terre, un théologien devenu aveugle, ne pouvant plus lire, devient davantage homme d'oraison et reçoit des inspirations supérieures pour mieux connaître l'esprit même de la Théologie. Peut-être qu'auparavant il travaillait trop et ne priait pas assez ; maintenant il se consacre à la prière intérieure ; ce qui est un progrès.

Mais de ces idées infuses reçues par l'âme séparée dérive une autre difficulté, fort différente de la précédente. Tandis que l'usage des idées abstraites et acquises est difficile sans le concours de l'imagination, l'usage des idées infuses est difficile parce qu'elles sont en quelque sorte trop élevées pour l'intelligence humaine qui est la dernière de toutes et qui a pour objet proportionné le dernier des intelligibles dans l'ombre des choses sensibles.

Ces idées infuses sont pour ainsi dire trop hautes, comme des conceptions métaphysiques pour un esprit non préparé, ou comme une armure géante pour un jeune combattant : le jeune David préférait sa fronde à l'armure de Goliath.

Cependant cette double difficulté, dans la connaissance de l'âme séparée, est compensée parce qu'elle se voit intuitivement elle-même comme l'ange se voit (Ia, q. 89 a. 2). Par suite elle voit très clairement, sans aucun doute possible, sa spiritualité, son immortalité, sa liberté, et en elle-même, comme en un miroir, elle connaît avec une certitude parfaite Dieu, auteur de sa nature. Ainsi les grands problèmes philosophiques sont résolus avec une parfaite clarté. Saint Thomas dit même, ibid : « anima quodammodo sic liberior est ad intelligendum ».

Il suit de là que les âmes séparées se connaissent naturellement les unes les autres, quoique moins parfaitement que les anges.

Par les idées infuses, qu'elles ont reçues, elles connaissent non seulement l'universel, mais les singuliers, par exemple les personnes restées sur la terre, qui ont un rapport spécial avec elles, soit par les liens de la famille ou de l'amitié, soit par une ordination divine. La distance locale n'empêche pas cette connaissance, qui ne provient pas des sens, mais des idées infuses (cf. ibid., a. 4 et 7). Ainsi l'âme séparée d'une bonne mère chrétienne, se rappelle au purgatoire les enfants qu'elle a laissés sur la terre.

Ces âmes connaissent-elles ce qui arrive de nouveau sur terre ? Saint Thomas (ibid. a. Cool répond naturellement elles l'ignorent, car elles sont séparées de la société de ceux qui sont encore en état de voie.

Cependant, s'il s'agit des âmes bienheureuses, il est plus probable qu'elles connaissent, comme les anges, ce qui arrive sur la terre, surtout à ceux qui leur sont chers ; cela fait partie de leur béatitude accidentelle.

Celles qui sont au purgatoire peuvent avoir soin de nous, même si elles ignorent notre état actuel, comme nous prions pour elles, bien que nous ignorions ce qui leur arrive, par exemple si elles sont encore au purgatoire ou si elles sont déjà délivrées.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 20 Déc - 22:08

DEUXIÈME PARTIE

L'ÉVITERNITÉ ET LE TEMPS DISCONTINU


Quelle est la durée des âmes séparées ? (Saint Thomas traite cette question Ia, q. 10, a. 4-6, surtout a. 5. c. et ad. Im (Cf. CAJETAN, JEAN DE SAINT THOMAS, GONET). On distingue trois principales durées : le temps, l'éternité et une durée intermédiaire appelée l'aevum ou l'éviternité dont nous allons parler.

Sur terre notre durée est le temps continu, qui est la mesure du mouvement continu, surtout du mouvement apparent du soleil ; c'est ainsi que nous distinguons les heures, les jours, les années, les siècles. - Lorsque l'âme est séparée de son corps et n'est pas encore béatifiée, elle a une double durée : l'aevum, l'éviternité et le temps discontinu.

L'éviternité est la durée de ce qu'il y a d'immuable dans les anges et les âmes séparées, la durée de leur substance, de leur connaissance naturelle de soi et de Dieu et de l'amour qui en résulte. L'éviternité ne comporte pas de variété, de succession, c'est un perpétuel présent ; mais elle diffère de l'éternité, parce que de fait elle a commencé et parce qu'elle est unie au temps discontinu qui suppose l'avant et l'après.

Le temps discontinu ou discret, opposé au temps continu ou solaire, est dans les anges et les âmes séparées, la mesure de leurs pensées et affections successives. Une pensée dure un instant spirituel, la pensée suivante dure un autre instant spirituel.

Nous en avons quelque idée en réfléchissant à ceci que, sur terre, une personne en extase peut rester deux heures solaires et plus dans une seule pensée, qui représente pour elle un seul instant spirituel. De même l'histoire caractérise les siècles, par exemple le XIIIe ou le XVIIe par les idées qui prédominent en chacun d'eux ; on dit : le siècle de saint Louis et celui de Louis XIV.

Il suit de là qu'un instant spirituel dans la vie des anges ou des âmes séparées peut durer plusieurs jours et même plusieurs années de notre temps solaire, comme une personne qui est en extase pendant trente heures de suite, peut être absorbée par une seule pensée.

Pour les âmes béatifiées, à cette double durée de l'éviternité et du temps discontinu, s'ajoute l'éternité participée, qui mesure leur vision béatifique de l'essence divine et l'amour qui en résulte. C'est l'unique instant de l'immobile éternité, sans aucune succession.

L'éternité participée diffère pourtant de l'éternité essentielle, propre à Dieu, comme l'effet diffère de la cause, et parce qu'elle a commencé. De plus l'éternité essentielle de Dieu mesure tout ce qui est en lui , sa substance et toutes ses opérations, tandis que l'éternité participée ne mesure en l'âme béatifiée que la vision béatifique et l'amour de Dieu qui en résulte.

L'éternité est comme le point indivisible qui est le sommet d'un cône, ou d'une montagne ; le temps continu est figuré par la base de ce cône ; l'éviternité et le temps discontinu sont entre les deux comme une section conique circulaire et comme le polygone inscrit en cette section circulaire.

Le temps continu s'écoule sans cesse ; son présent (nunc fluens) fuit toujours entre le passé et l'avenir ; notre vie présente comporte dès lors une succession d'heures variées de travail, de prière, de sommeil. L'éternité au contraire est un perpétuel présent (nunc stans) sans passé, ni futur, l'unique instant d'une vie qui se possède toute à la fois (tota simul).

L'éviternité s'en rapproche, elle permet de mieux concevoir l'immutabilité de la vie de l'âme séparée, non béatifiée ou non encore béatifiée : l'immutabilité de la connaissance qu'elle a d'elle-même, l'immutabilité du vouloir qui se porte sur la fin dernière choisie, l'immutabilité du vouloir dans le bien ou dans le mal, qui est la suite de l'immutabilité du jugement sur la fin dernière, à partir de l'instant de la séparation du corps.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 21 Déc - 22:42

DEUXIÈME PARTIE

L'ÉVITERNITÉ ET LE TEMPS DISCONTINU


Il convient de se rappeler ces paroles de saint Augustin : « Unis-toi à l'éternité de Dieu et tu seras éternel ; unis-toi à l'éternité de Dieu et attends avec lui les événements qui se passent au-dessous de toi » (Comm. in Ps. 91).

Considérons les divers moments de notre vie terrestre, non pas seulement sur la ligne horizontale du temps qui s'écoule entre le passé et l'avenir, mais sur la ligne verticale qui les rattache à l'unique instant de l'immobile éternité.

Alors nos actes seront de plus en plus méritoires et accomplis par amour de Dieu, ils passeront du temps à l'éternité, où ils resteront inscrits à jamais au « livre de vie ».

Cet enseignement théologique sur les diverses espèces de durée, de la terre, du purgatoire et du ciel, permet de mieux distinguer, dès la vie présente, ce qu'on peut appeler le temps du corps et celui de l'âme. Le temps du corps, c'est le temps solaire qui mesure la durée de notre organisme et de ce point de vue, quelqu'un qui a 80 ans est un vieillard, mais son âme peut rester très jeune.

Ainsi comme on distingue trois âges de la vie du corps : l'enfance, l'âge adulte, la vieillesse, on distingue chez le juste trois âges de la vie de l'âme : la voie purgative des commençants, la voie illuminative des progressants, et la voie unitive des parfaits.

Alors on comprend de mieux en mieux que chez beaucoup de ceux qui sont sauvés ou seront sauvés, il y a eu, au cours de leur vie terrestre, quelque grand acte qui n'a pas été rétracté dans la suite et qui a porté ses fruits, bien que peut-être il n'y ait eu rien de bien saillant après lui.

C'est ainsi que j'ai connu un jeune israélite, fils d'un banquier de Vienne en Autriche, qui vers l'âge de 25 ans, au moment de se décider à faire un procès au plus grand adversaire de sa famille, procès qui l'aurait enrichi, se rappela cette parole du Pater qu'il avait entendu quelquefois réciter. « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».

Il se dit : mais si, au lieu de faire ce procès qui m'enrichirait, je pardonnais ! Et il pardonna complètement, en renonçant pour toujours à faire ce procès. Au même moment, il reçut la foi à tout l'Évangile, il fit l'ascension de cette montagne de lumière qu'est l'Évangile, par ce sentier qu'était cette parole du Pater.

Dans la suite il devint prêtre, religieux dominicain, il mourut vers l'âge de 90 ans ; il n'y eut rien de particulièrement saillant dans sa vie ; mais son âme resta au niveau où elle avait été élevée au moment de son admirable conversion, et elle se rapprocha insensiblement de l'éternelle jeunesse qu'est la vie du ciel.

Nous devons être particulièrement attentifs à certains grands actes que le bon Dieu peut parfois nous demander ; il arrive qu'un grand acte de dévouement décide ainsi non seulement de toute notre vie spirituelle d'ici-bas, mais de celle de l'éternité. On juge d'une chaîne de montagnes par ses sommets, ainsi Dieu juge de la vie des justes.

TROISIÈME PARTIE

L'ENFER


Nous parlerons assez longuement de l'enfer pour trois raisons. Aujourd'hui on ne prêche plus guère sur ce sujet, et on laisse ainsi oublier une vérité révélée très salutaire ; on ne fait plus assez attention à ceci que la crainte de l'enfer est le commencement de la sagesse et porte à se convertir. En ce sens on a pu dire : l'enfer a sauvé beaucoup d'âmes.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 22 Déc - 22:04

TROISIÈME PARTIE

L'ENFER


De plus il y a dans le monde beaucoup d'objections très superficielles contre l'enfer, et qui paraissent à certains croyants plus vraies que les réponses traditionnelles. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont jamais approfondi ces réponses.

Il est très facile de saisir une objection superficielle, faite d'un point de vue inférieur et extérieur, et il est difficile de bien saisir une réponse qui vise les profondeurs de la vie de l'âme ou la hauteur sans mesure de la justice de Dieu. Il y faut plus de maturité et de pénétration.

Un jour un prêtre chargea un de ses amis avocat de préparer pour une conférence contradictoire des objections contre la doctrine de l'enfer ; l'avocat présenta très brillamment les objections communes conçues d'un point de vue inférieur accessible à tous, et qui frappent l'imagination.

Comme le prêtre ne s'était pas assez préparé pour répondre, les objections parurent plus fortes que les réponses, celles-ci semblèrent verbales, elles ne captivaient pas l'imagination et ne conduisaient pas assez l'intelligence des auditeurs aux notions du péché mortel sans repentance, de l'obstination, de l'état de terme si différent de l'état de voie, à la notion enfin de la justice infinie de Dieu.

Il faut donc insister sur tous ces points, d'autant que le dogme de l'enfer fait plus apprécier par contraste le prix du salut. De même on ne connaît bien le prix de la justice que lorsqu'on souffre d'une grave injustice ou qu'on en est menacé. Notre Seigneur a éclairé Sainte Thérèse sur la beauté du ciel, après lui avoir montré la place qu'elle aurait eue en enfer, si elle avait suivi la route où elle avait fait quelques pas.

L'enfer désigne à proprement parler l'état des damnés, des démons et des hommes morts en état de péché mortel, qui sont éternellement punis ; il désigne aussi le lieu où sont les damnés.

L'existence de l'enfer a été niée au IIIe siècle par Arnobe qui soutint à la suite des gnostiques, que les réprouvés sont annihilés; cette erreur a été renouvelée par les Sociniens au XVIe siècle. Les Origénistes, au IVe siècle surtout, ont nié l'éternité des peines de l'enfer ; pour eux tous les réprouvés, anges et hommes, finalement se convertiraient. Cette erreur a été reprise par les protestants libéraux et par les spirites.

Tous les rationalistes disent que l'éternité des peines répugne à la sagesse de Dieu, à sa miséricorde, à sa justice, comme si la peine devait être proportionnée au temps qu'il a fallu pour commettre la faute, et non pas à sa gravité et à l'état perpétuel où l'âme se trouve après elle, lorsque cette faute est sans repentance.

L'Église dans le Symbole dit de saint Athanase ( « Qui bona egerunt, ibunt in vitam aeternam : qui vero mala, in ignem aeternum ») et en plusieurs Conciles affirme comme dogme de foi l'existence de l'enfer et l'éternité des peines (du dam et du sens) et aussi l'inégalité des peines proportionnées à la gravité des fautes commises et restées sans repentance, cf. 4° Concile de Latran ( Illi cum diabolo paenam perpetuam (recipiunt)) (Denz. 429) Concile de Florence (Denz. 693), BENOIT XII (Denz. 531) cf. ibid. 50, 321, 410, 464. Le Concile de Trente (Denz. 835) mentionne « les peines éternelles ».

Voyons d'abord ce que nous enseigne sur ce point la Sainte Écriture. Ce qu'elle nous en dit prépare à mieux entendre la doctrine du purgatoire, où il y a la certitude du salut, et la doctrine de la béatitude éternelle.

Les ténèbres et le mal montrent à leur manière le prix de la lumière éternelle et la sainteté inamissible.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 23 Déc - 22:14

TROISIÈME PARTIE

CHAPITRE I - L'ENFER DANS LA SAINTE ÉCRITURE


Le mot enfer vient du latin infernus, qui désigne les lieux inférieurs, souterrains et ténébreux. Dans l'Ancien Testament le terme correspondant, scheol, désigne la demeure des morts en général, justes et impies, (GEN., XXXVII, 35 ; NUM., XVI, 30) ; ce qui n'a rien de surprenant, car, avant l'Ascension de Jésus-Christ, aucune âme ne pouvait entrer au ciel. C'est encore dans le même sens qu'il est parlé de la descente de Jésus aux enfers. Mais dans le Nouveau Testament, l'enfer des damnés est souvent appelé la géhenne (MT., V, 22, 29; XXIII, 15, 33, etc., de même MARC, LUC), qui signifie en hébreu la vallée de Hinnôm, un ravin du sud de Jérusalem où l'on jetait des immondices de tous genres et des cadavres dévorés par les vers ; des feux y brûlaient presque perpétuellement pour consumer ces pourritures. C'était depuis Isaie une figure du véritable enfer ; l'enfer était cela pour toujours : un vers qui ne meurt pas, un feu qui ne s'éteint pas.

L'ENFER DANS L'ANCIEN TESTAMENT

Dans le Dictionnaire de théologie catholique, l'auteur du savant article sur l'enfer, M. Richard, a fait une étude approfondie des textes de l'Ancien Testament, qui peuvent être allégués pour prouver l'existence de l'enfer au sens strict. Il remarque qu'avant les prophètes le sort des méchants après la mort reste assez obscur, bien que les sanctions ultra-terrestres soient plusieurs fois affirmées ; par exemple ECCLÉSIASTE XII, 13, 14 : « Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est là le tout de l'homme. Car Dieu citera en jugement sur tout ce qui est caché, toute oeuvre soit bonne, soit mauvaise. » Item PROV., XI, 4.

Mais c'est aux grands prophètes que Dieu a commencé de découvrir clairement les perspectives de la vie future. Nous avons déjà cité quelques-uns de ces textes en parlant du jugement dernier. ISAIE, LXVI, 15-24 expose la grande vision prophétique de l'au-delà. C'est la restauration d'Israël pour l'éternité avec « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » 22. « Toute chair viendra se prosterner devant moi, dit Jahvé, et quand ils sortiront, ils verront les cadavres des hommes qui se sont révoltés contre moi, car leur ver ne mourra point et leur feu ne s'éteindra point, et ils seront en horreur à toute chair. » Tous les commentateurs y voient l'affirmation du jugement dernier, et sous une forme symbolique celle de l'enfer éternel. Ce dernier texte est cité dans MARC, IX, 43, par Jésus Lui-même et dans Luc, III, 17, par Saint Jean-Baptiste.

DANIEL XII, 1-2, dit plus clairement : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour un opprobre, pour une infamie éternelle », c'est ici que l'Ancien Testament annonce pour la première fois la résurrection des pécheurs pour un jugement de condamnation.

Le livre de la SAGESSE (IIe siècle avant Jésus-Christ) V, 15, après avoir décrit les peines réservées aux méchants après la mort, dit au contraire : « Mais les justes vivent éternellement ; leur récompense est auprès du Seigneur et le Tout-Puissant a souci d'eux », Il ajoute : VI, 6 : « Aux petits on pardonne par pitié, mais les puissants seront puissamment châtiés, XV, 8, il est dit de l'impie : « on lui redemandera son âme qui lui avait été prêtée ».

L'ECCLÉSIASTIQUE VII, 17 parle de même : « Humilie profondément ton âme, car le feu et le ver sont le châtiment de l'impie ». Au livre II des Macchabées, c. VII, 9-36, il est dit que les sept frères martyrs sont soutenus dans leur supplice par la pensée de la vie éternelle et disent à leur juge : « Le Roi de l'univers nous ressuscitera pour une vie éternelle ; ... mais toi par le jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil ».

Tous ces textes de l'Ancien Testament parlent de l'enfer proprement dit, et plusieurs affirment l'inégalité des peines proportionnées à la gravité des fautes commises et restées sans repentir.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 25 Déc - 11:32

TROISIÈME PARTIE 

L'ENFER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT


Dès le début pour préparer par la pénitence la venue du Sauveur, le Précurseur dit aux plus coupables : « Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ». « Faites donc de dignes fruits de pénitence » MATTH., III, 7. « Il vient Celui qui est plus puissant que moi... sa main tient le van, ou le crible pour trier le grain, et il nettoiera son aire, et il amassera le froment dans son grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint point ». LUC, III, 7, 17.

Jésus annonce simultanément le salut éternel pour les bons et la géhenne pour les méchants. Il le fait d'abord en exhortant à la pénitence. Aux scribes qui disaient de lui : « c'est par le prince des démons qu'il chasse les démons », il répond : « Tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes qu'ils auront proférés. Mais celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, n'obtiendra jamais de pardon ; il est coupable d'un péché éternel, MARC, III, 29, cf. MATTH., XII, 32 ; JOAN., VIII, 20-24, 35 ( Ce péché contre le Saint Esprit lutte en effet contre la lumière et la grâce qui remet le péché, et de sa nature il est ainsi irrémissible, quoique parfois par une Miséricorde exceptionnelle Dieu le remette en la vie présente.). Il ordonne la charité fraternelle et d'éviter la luxure à tout prix « pour que le corps ne soit pas jeté dans la géhenne ». MATTH., V, 22, 29, 30.

A Capharnaüm, après avoir admiré la foi du centurion, Jésus annonce la conversion des Gentils ; tandis que certains juifs infidèles et obstinés « seront jetés dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » MATTH., VIII, 12. Cette expression se trouve jusqu'à six fois en SAINT MATTHIEU, on la lit aussi en SAINT LUC, XIII, 28.

Il prémunit les Apôtres contre la crainte du martyre en leur disant : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme ; craignez plutôt celui qui peut perdre l'âme et le corps dans la géhenne ». MATTH., X, 28.

Toute cette doctrine est résumée dans SAINT MARC, IX, 42-48 : « Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la : mieux vaut pour toi entrer mutilé dans la vie, que d'aller avec les deux mains dans la géhenne, dans le feu inextinguible, là où le ver ne meurt point, et où le feu ne s'éteint point... » Item SAINT MATTHIEU, XVIII, 8-9.

Cet enseignement est exposé aussi dans les paraboles, celle de l'ivraie, du filet, des noces royales, des vierges sages et des vierges folles, des talents.

De même dans les malédictions adressées aux Pharisiens hypocrites, qui perdent les âmes : MATTH., XXIII, 15 : « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, guides aveugles,... semblables à des sépulcres blanchis pleins de pourriture ; serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d'être condamnés à la géhenne ? » MATTH., XXIII, 13-37.

Plus clairement encore dans le discours sur la fin du monde et le jugement dernier, Jésus dit, MATTH., XXV, 33-46 : « Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez les bénis de mon Père... car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger... S'adressant ensuite à ceux qui seront à sa gauche, il dira : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger... j'ai eu soif... j'étais étranger... j'étais nu... j'étais malade... j'étais en prison, et vous ne m'avez pas secouru. Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice et les justes à l'éternelle vie ». 

C'est la dernière sentence, sans appel et sans fin. On ne peut pas dire que le mot « éternel » à propos du feu est dit seulement au sens large, car il s'oppose à la vie éternelle comme l'exige le parallélisme, et tout le monde accorde que la vie éternelle est ainsi appelée au sens propre du mot ( Cf. SAINT-AUG. De Civitate Dei, XXI, 23.)

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptySam 26 Déc - 7:00

TROISIÈME PARTIE 

L'ENFER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT


L'Évangile de saint Jean parle constamment de l'opposition entre la vie éternelle et la perte éternelle, qui est surtout la privation de Dieu. « Celui qui ne croit pas au Fils, n'aura pas la vie éternelle », mais la colère de Dieu demeure sur lui, » III, 36. 

Aux Pharisiens qui s'obstinent : « Vous mourrez dans votre péché. Où je vais vous ne pourrez venir » VIII, 24. « Quiconque se livre au péché est esclave du péché, et l'esclave ne demeure pas toujours comme les fils dans la maison », VIII, 34. « Si quelqu'un ne demeure pas en moi il est jeté dehors, comme le sarment et il sèche ; puis on jette ces sarments au feu, et ils brûlent », XV, 6.

Les Epîtres de saint Paul annoncent de même aux justes la vie éternelle et à ceux qui s'obstinent dans le mal l'enfer éternel : ceux qui font les oeuvres de la chair n'entreront pas dans le royaume de Dieu, GAL., V, 19-21 ; EPH., V, 5 ; I COR., VI, 9, 10. 

Il y en a qui périssent II COR., II, 15, 16 ; IV, 3 ; XIII, 5. Il y a deux cités irréconciliables, celle du Christ et celle de Bélial, II COR., VI, 14-18. Il y a des réprouvés à jamais, I TIM, V, 6, 11-15 ; II TIM., II, 12-20. On lit dans l'Épître aux Hébreux X, 31 : « Il est effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant ». 

Saint Pierre annonce aux faux prophètes qu'ils vont à leur perte éternelle, II PETR., II, 1-4, 12, 14 ; III, 7. L'Épître de saint Jude, 6, 13, parle des « chaînes éternelles, d'épaisses ténèbres pour l'éternité ». L'Épître de saint Jacques, II, 13, menace d'un jugement sans Miséricorde celui qui ne fait pas Miséricorde ; les mauvais riches sans coeur à l'égard des pauvres s'amassent des trésors de colère pour le dernier jour, IV, 4-8 ; V, 3.

Enfin l'APOCALYPSE oppose la victoire éternelle du Christ, dans la Jérusalem céleste, et la damnation de tous ceux qui seront jetés dans « l'étang du feu et du soufre », XXI, 8. Cette damnation éternelle est appelée « la seconde mort » ibid. ; c'est la privation de la vie divine, de la vision de Dieu XXI, 27 ; XXI, 15, en un lieu de supplice éternel, où seront tourmentés par le feu tous ceux qui porteront le signe de la bête, et qui seront exclus du livre de vie, XIII 18 ; XIV, 10, 11 ; XX, 6, 14.

C'est ce qu'annonçaient déjà les grands prophètes en particulier ISAIE , LXVI, 15-24 ; depuis lors jusqu'à l'Apocalypse, la révélation de l'enfer éternel n'a cessé de se préciser en même temps que celle de l'éternelle vie ; on y trouve la peine du dam, celle du feu, l'inégalité des châtiments et leur éternité, à cause du péché mortel sans repentance, qui a laissé l'âme dans la révolte habituelle et perpétuelle contre Dieu infiniment bon.

Nous ne pouvons rapporter ici le témoignage de la tradition. Rappelons seulement qu'avant le III° siècle et la controverse des Origénistes, les Pères enseignent l'existence et l'éternité des peines de l'enfer ( Cf. ROUET DE JOURNEL, Enchir. patristic., Index theologicus n° 594.- Dict. theol. Cathol., art. Enfer (M. RICHARD), c. 47-56. ). Les martyrs disent souvent qu'ils ne craignent pas le feu temporel, mais le feu éternel.

Du III° siècle au V°, la plupart des Pères combattent l'erreur d'Origène et des Origénistes sur la non éternité des peines de l'enfer ; parmi eux il faut citer surtout saint Méthode, saint Cyrille de Jérus., saint Épiphane, saint Basile, saint Chrysostome, saint Ephrem, saint Cyprien, saint Jérôme, surtout saint Augustin ( Cf. R. DE JOURNEL, op. cit., ibid. - Dict. theol. cath., art. Enfer, c. 56-77.). 

Pour tous ces Pères l'affirmation de la conversion finale des démons et des hommes réprouvés est contraire à la révélation, pour eux un démon converti est une impossibilité, de même un damné converti.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 27 Déc - 7:10

TROISIÈME PARTIE

L'ENFER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT


Au V° siècle la controverse finit par la condamnation de cette erreur d'Origène au Synode de Constantinople (année 553) confirmé par le Pape Vigile (Dent., 211).

Les Pères citent souvent les paroles d'Isaïe, rappelées par Jésus : « le ver qui ne meurt pas et le feu qui ne s'éteint pas » ; la controverse origéniste a servi à mieux préciser le sens des mots de l'Évangile (MATTH., XXV, 41-46) « feu éternel », « supplice éternel» ; saint Augustin en particulier ( De Civitate Dei, XXI, 23.) montre que le mot éternel ne peut pas être pris ici au sens large, puisqu'il s'oppose, comme le parallélisme l'exige, à la vie éternelle ainsi appelée de l'aveu de tous au sens propre du mot.

NOTE : CONFIRMATION

La Maçonnerie, qui nie l'enfer, est une preuve de son existence.

En lisant l'Encyclique de Léon XIII Humanum genus sur la maçonnerie, avril 1884, et les ouvrages les plus objectifs sur cette question, ouvrages résumés dans l'article Franc-maçonnerie du Dict. de théol. cath., on voit quel est le but réel de celle-ci ( Voir aussi dans le Dict. Apologétique de la Foi catholique, le bon article Franc-Maçonnerie par l'historien A. GAUTHEROT.).

Depuis que la malice du démon a divisé le monde en deux camps, dit en substance Léon XIII, la vérité a ses défenseurs, mais aussi ses adversaires implacables. Ce sont les deux cités opposées dont parle saint Augustin ; celle de Dieu représentée par l'Eglise de Jésus-Christ, avec sa doctrine du salut éternel ; et celle de Satan avec sa révolte continuelle contre l'enseignement révélé.

La lutte est perpétuelle entre ces deux armées, et depuis la fin du XVIIe siècle, date des débuts de la Franc-Maçonnerie, qui a réuni toutes les sociétés secrètes, les sectes maçonniques ont organisé une guerre d'extermination contre Dieu et l'Église. Elles ont pour but de déchristianiser la vie individuelle, familiale, sociale, internationale, et pour cela tous ses membres se regardent comme des frères sur toute la surface du globe ; ils constituent une autre église : une association internationale et secrète.

Léon XIII à la fin de la même Encyclique signale la manière dont ces sectes clandestines s'insinuent dans la confiance des princes, sous le prétexte fallacieux de protéger leur autorité contre la domination de l'Église ; en réalité c'est afin de saper tout pouvoir, comme le prouve l'expérience ; car ensuite, dit le Pape, ces hommes fourbes flattent les multitudes, en faisant miroiter à leurs yeux, une prospérité dont les rois et l'Église seraient les seuls ennemis.

En définitive ils précipitent les nations dans l'abîme de tous les maux, dans les agitations révolutionnaires et la ruine générale, qui ne profitent qu'à quelques habiles.

Ce but réel de déchristianisation de la société a été d'abord masqué par un but apparent. La secte s'est présentée au début sous les dehors d'une société philanthropique et philosophique. Mais ensuite, après ses triomphes, elle a jeté le masque. Elle se glorifie de toutes les révolutions qui ont bouleversé l'Europe, en particulier de la Révolution française, de toutes les lois contre le clergé, les ordres religieux, de la laïcisation des écoles, de l'enlèvement du crucifix dans les hôpitaux et les tribunaux, de la loi du divorce, de tout ce qui déchristianise la famille, et diminue l'autorité du père, pour lui substituer celle d'un État athée.

Elle pratique la devise : diviser pour régner : séparer de l'Église les rois et les états ; affaiblir les états en les séparant les uns des autres pour les dominer par un pouvoir occulte international; préparer des conflits de classes, en séparant des patrons les ouvriers ; affaiblir et ruiner l'amour de la patrie ; dans la famille séparer les époux en rendant le divorce légal et toujours plus facile, séparer enfin des parents les enfants pour faire de ceux-ci la proie de l'école dite neutre, mais impie, et de l'État athée.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 27 Déc - 21:32

TROISIÈME PARTIE

L'ENFER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

NOTE : CONFIRMATION


Elle prétend travailler aussi au progrès de la civilisation, en rejetant toute révélation divine, toute autorité religieuse ; les mystères et les miracles doivent être bannis du programme scientifique.

Le péché originel, les sacrements, la grâce, les prières, les devoirs envers Dieu sont absolument rejetés, de même la distinction du bien et du mal, le bien est réduit à l'utile, toute obligation morale disparaît ; les sanctions de l'au-delà n'existent plus. L'autorité ne vient pas de Dieu, mais du peuple souverain.

En particulier la haine de Jésus-Christ règne dans la Maçonnerie, le blasphème et l'imprécation sont spécialement réservé à son saint nom ; on se procure même des hosties consacrées pour les profaner de la façon la plus outrageante.

L'apostasie est de rigueur lors de la réception dans les grades élevés. Aux yeux des initiés, comme à ceux des juifs endurcis, la condamnation de Jésus de Nazareth par l'autorité judiciaire est parfaitement justifiée et la crucifixion légitimée. L'Église catholique est donc combattue comme l'ennemie. Enfin la notion de Dieu d'abord tolérée, est rayée du vocabulaire maçonnique.

La perversité satanique de l'œuvre apparaît enfin par le secret dont elle enveloppe ses desseins. Les principaux projets, discutés dans des comités mystérieux, sont absolument soustraits à la connaissance des profanes et même de beaucoup d'affiliés de rang moins élevé.

Quant aux initiés, lors de la réception aux grades supérieurs, ils jurent de ne jamais révéler les secrets de la société, et eux qui se posent comme les défenseurs de la liberté, se livrent complètement à une puissance occulte, qu'ils ne connaissent pas et dont ils ne connaîtront probablement jamais les projets les plus cachés.

Le vol, la suppression de documents des plus importants, le sacrilège, l'assassinat, la violation de toutes les lois divines et humaines pourraient leur être imposés ; sous peine de mort ils devraient exécuter ces ordres abominables.

L'arbre se juge à ses fruits ; la racine de ce mauvais arbre est la haine de Dieu, du Christ Rédempteur et de son Église ; c'est donc une oeuvre satanique, qui est à sa manière une preuve de l'existence de l'enfer, de cet enfer que la même secte prétend nier.

Il ne faut donc pas s'étonner que l'Église ait condamné à plusieurs reprises la Franc-maçonnerie, sous Clément XII, Benoît XIV, Léon XII, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, cf. Denz., 1697, 1718, 1859 sq.

Le saint Office dans sa circulaire de février 1871 à l'épiscopat, impose même l'obligation de dénoncer les coryphées et les chefs occultes de ces sociétés dangereuses ; le fils n'est pas dispensé de dénoncer son père et réciproquement.

L'époux doit agir de même à l'égard de son épouse, le frère à l'égard de sa soeur ( Cf. Dict. théol. cath., art. Franc-maçonnerie, col 728.).

Le bien général de la société requiert cette sévérité. Le motif de cette décision du Saint Office est fondé sur les supercheries auxquelles recourent les loges, en livrant au public des noms d'emprunt.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 28 Déc - 22:00

TROISIÈME PARTIE 

L'ENFER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT 
NOTE : CONFIRMATION


La Maçonnerie qui est la première à nier l'enfer, est donc par sa perversité satanique, une preuve de l'existence de celui-ci. Cela apparaît surtout dans les profanations de l'Eucharistie ; elles sont manifestement inspirées par le démon et supposent sa foi en la présence réelle.

Cette foi du démon comme l'explique saint Thomas, IIa, IIae, q. 5, a. 2, n'est pas la foi infuse et salutaire avec l'humble soumission de l'esprit à l'autorité de Dieu révélateur, c'est une foi acquise qui se fonde seulement sur l'évidence des miracles, car le démon voit bien que ce sont de vrais miracles, tout à fait distincts des prestiges dont il est l'auteur. 

Ces horribles profanations d'hosties consacrées sont donc à leur manière une preuve sensible de la malice satanique, et par suite de l'enfer auquel Satan est condamné. Ainsi le démon lui-même confirme le témoignage de l'Écriture et de la Tradition, qu'il voudrait nier.

Du reste de temps à autre comme dans la guerre qui vient de finir apparaît parfois une haine effroyable, on dirait l'enfer qui s'entr'ouvre sous nos pas. Cela confirme la révélation : les crimes dont on ne se repent pas seront punis par une peine éternelle.

CHAPITRE II - RAISONS THÉOLOGIQUES DE L'ÉTERNITÉ DES PEINES

( Saint Thomas a traité cette question en plusieurs endroits, surtout Ia, IIae, q. 87, a. I, 3, 4, 5, 6, 7, IIIa, q. 86, a. 4, Suppl. q. 99, a. 1. C. Gentes III, c. 144, 145 ; IV, c. 95. )

Nous avons vu le progrès de la Révélation sur les peines de l'enfer. Selon bien des théologiens, il est très probable que seuls les pécheurs invétérés et obstinés dès la vie présente vont en enfer. Cf. II, PETRI, III, 9, car « le Seigneur use de patience avec nous » et ne punit qu'à regret. Cf. infra, ch. III.

Il convient de considérer d'abord la raison des peines ultra-terrestres, et ensuite la raison de l'éternité des peines de l'enfer.

Tout d'abord la justice de Dieu exige que les péchés qui n'ont pas été expiés en cette vie, soient punis dans l'autre. Comme Souverain juge des vivants et des morts, Dieu se doit en effet à lui-même de rendre à chacun selon ses oeuvres ; c'est affirmé souvent dans l'Écriture : ECCLÉS., XVI, 15 ; MATTH., XVI, 27 ; ROM., II, 6. De plus, comme Souverain Législateur, recteur et rémunérateur de la société humaine, Dieu doit ajouter à ses lois une sanction efficace.

Saint Thomas montre bien Ia, IIae, q. 87, a. 1, que celui qui s'insurge injustement contre un ordre justement établi doit être réprimé par le principe même de cet ordre, qui veille à son maintien. 

C'est l'extension à l'ordre moral et social de la loi naturelle de l'action et de la réaction, selon laquelle l'action nuisible appelle la répression qui répare le dommage causé. C'est ainsi que celui qui agit librement contre la voix de la conscience mérite le remords ou le reproche de celle-ci ; celui qui agit contre l'ordre social mérite une peine infligée par le magistrat gardien de l'ordre social ; celui qui agit contre la loi divine mérite une peine infligée par Dieu, soit en cette vie, soit en l'autre. Il y a là trois ordres manifestement subordonnés.

Platon dit même dans un de ses plus beaux dialogues, le Gorgias, que le plus grand malheur d'un criminel est de rester impuni, et que s'il connaissait son vrai bien, il viendrait dire aux juges : « c'est moi qui ai commis ce crime ; infligez-moi la peine que j'ai méritée, pour que, par l'acceptation volontaire de cette peine, je puisse rentrer dans l'ordre de la justice que j'ai violé. » Cette vue sublime s'applique de fait, d'une façon surnaturelle, par la grâce divine au tribunal de la pénitence et ensuite au purgatoire où les âmes sont heureuses de payer leur dette à la justice divine, et d'expier pleinement leurs fautes.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 29 Déc - 22:06

CHAPITRE II - RAISONS THÉOLOGIQUES DE L'ÉTERNITÉ DES PEINES

On s'explique dès lors les peines d'outre-tombe. Mais pourquoi l'éternité de celles de l'enfer ?

Il faut d'abord remarquer que cette éternité des peines des réprouvés ne peut être apodictiquement démontrée. C'est un mystère révélé, mystère de justice qui est la suite d'un mystère d'iniquité : le péché mortel resté sans repentance. Or les mystères d'iniquité et leurs suites sont plus obscurs que les mystères de grâce, car ils sont obscurs non seulement pour nous, mais en soi. Les mystères de la grâce en soi sont très lumineux, ils ne sont obscurs que pour nous, à cause de la faiblesse de notre esprit semblable à l'oeil de l'oiseau de nuit devant le soleil. Au contraire les mystères d'iniquité sont obscurs en soi et non seulement pour nous ; ils sont les ténèbres mêmes. Il en est surtout ainsi de l'impénitence finale, dont l'enfer est la suite. Et comme on ne peut démontrer apodictiquement ni la possibilité, ni l'existence des mystères de la Sainte Trinité, de l'Incarnation rédemptrice, de la vie éternelle, de même on ne peut démontrer apodictiquement l'éternité des peines.

Mais on peut en donner des raisons de convenances, qui sont des arguments probables, fort profonds et qu'on peut toujours approfondir, sans jamais les transformer en arguments démonstratifs ; ainsi dans un autre ordre on peut toujours multiplier les côtés du polygone inscrit dans la circonférence, et jamais le polygone ne s'identifiera à la circonférence elle-même.

Les principales raisons de convenance de l'éternité des peines sont celles données par saint Thomas Ia, IIae, q. 87, a. 3 et 4, à savoir que le péché mortel sans repentance est un désordre irréparable, et de plus qu'il est une offense d'une gravité sans mesure.

Le péché, dit-il, mérite une peine parce qu'il renverse un ordre justement établi, et donc tant que ce désordre dure, le pécheur mérite de subir la peine due au péché. Or ce désordre est irréparable si le principe vital de l'ordre violé a été détruit, par exemple l'oeil ne peut être guéri, si le principe même de la vue a été détruit, et tout l'organisme lui-même est inguérissable lorsqu'il est touché à mort. Or le péché mortel détourne l'homme de Dieu fin dernière et lui fait perdre la grâce, principe ou germe de la vie éternelle. Il y a donc là un désordre irréparable, qui de sa nature dure toujours.

Sans doute, de fait, par une Miséricorde spéciale, Dieu relève souvent le pécheur au cours de la vie terrestre, mais si celui-ci résiste au dernier moment et meurt dans l'impénitence finale, le péché mortel reste comme un désordre habituel qui dure sans fin ; il mérite donc une peine, qui, elle aussi, dure toujours.

Une deuxième raison de convenance de l'éternité des peines est fondée sur ceci que le péché mortel, comme offense à Dieu, a une gravité sans mesure, en tant qu'il dénie pratiquement à Dieu la dignité infinie de fin dernière ou de souverain bien, auquel le pécheur préfère un bien fini, en s'aimant soi-même plus que Dieu, bien que le Très-Haut soit infiniment meilleur que lui Cf. SAINT THOMAS, Ia, IIae, q. 87, a. 4 ; IIIa, q. 1, a. 2, ad 2. Suppl., q. 99, a. 1..

L'offense est en effet d'autant plus grave que la dignité de la personne offensée est plus élevée. Il est plus grave d'insulter un magistrat ou un évêque, que d'injurier le premier venu qui se rencontre dans la rue. Or la dignité du Souverain Bien est infinie ;

le péché mortel qui dénie pratiquement à Dieu cette dignité suprême, a donc, comme offense, une gravité sans limite, et pour le réparer il a fallu l'acte d'amour et les souffrances du Fils de Dieu fait homme, l'acte théandrique d'une personne divine incarnée. Mais si le bienfait immense de l'Incarnation rédemptrice est méconnu et méprisé, comme il arrive dans le péché mortel sans repentance, alors le pécheur, pour cette offense d'une gravité sans mesure, mérite une peine sans mesure elle aussi ; c'est la peine éternelle du dam, ou de la privation de Dieu, bien infini, peine qui est elle-même infinie quant à sa durée ( Elle ne peut l'être par son intensité, car la créature n'en est pas capable.). On a voulu définitivement se détourner de Dieu, on sera privé de lui éternellement.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 30 Déc - 22:04

CHAPITRE II - RAISONS THÉOLOGIQUES DE L'ÉTERNITÉ DES PEINES

Quant à l'amour désordonné du bien fini préféré à Dieu, il mérite la peine du sens, qui est finie en tant qu'elle est la privation d'un bien fini, mais selon la Révélation, elle durera elle aussi éternellement car le pécheur s'est fixé en ce misérable bien pour toujours et il reste captif de son péché, il juge toujours selon son malheureux penchant. Il est comme un homme qui a voulu se jeter dans un puits pour toujours, puisqu'il savait qu'il n'en pourrait remonter.

On peut et l'on doit ajouter une autre raison de convenance du côté de Dieu. Nous disions plus haut, que Dieu, comme Souverain Législateur, recteur et juge des vivants et des morts, se doit à lui-même d'ajouter à ses lois une sanction efficace.

En d'autres tenues, Dieu ne peut être impunément méprisé par les impies obstinés. Or, si les peines n'étaient pas éternelles, le pécheur obstiné pourrait persévérer dans la révolte, sans qu'aucune sanction ne vienne plus réprimer son orgueil.

Sa rébellion aurait ainsi à sa manière le dernier mot. Ce serait le triomphe de l'iniquité. - Comme le dit le P. Monsabré (Conférences de Notre-Dame, année 1889, 98e conférence.) : « Transporter dans l'ordre moral la négation de l'éternité des peines, c'est obscurcir la notion du bien et du mal, qui ne devient claire pour nous que dans la lumière de ce dogme terrible ».

Enfin si la béatitude qui est la récompense des justes est éternelle, il convient que la peine due aux impies obstinés le soient aussi. Telle est la récompense pour le mérite, tel est le châtiment pour la faute. Comme la Miséricorde éternelle se manifeste surtout d'un côté, la splendeur de la justice éternelle se manifeste de l'autre. C'est ce que dit saint Paul, ROM., IX, 22 : « Si Dieu voulant montrer sa colère (ou sa justice vengeresse) et faire connaître sa puissance, a supporté (ou permis) avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et s'il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l'égard des vases de Miséricorde, qu'il a d'avance préparés pour la gloire, (où est l'injustice) ? »

La justice comme la Miséricorde étant l'une et l'autre infinies, demandent à être manifestées pendant une durée sans limites. Telles sont les principales raisons de convenance de ce dogme révélé. On peut toujours les approfondir. Elles diffèrent d'un argument probable ordinaire, lequel peut être faux. Ces raisons de convenance d'un mystère révélé sont vraies, mais elles ne sont pas apodictiques ou démonstratives ; elles tendent toujours vers la vérité qu'elles inclinent à faire admettre, mais elles ne la démontrent pas.

Ainsi le polygone inscrit dans la circonférence, lorsqu'on multiplie ses côtés, tend toujours à s'identifier à la circonférence, mais ne s'identifie jamais avec elle ; ainsi encore la grâce suffisante qui donne le pouvoir prochain de poser un acte salutaire se rapproche toujours de la grâce efficace qui fait poser cet acte, mais elle ne s'identifie jamais avec elle ; ainsi encore, sur terre, la certitude de l'espérance qui est une « certitude de tendance », se rapproche toujours de la certitude du salut, mais ne s'identifie jamais avec elle, sauf révélation spéciale sur terre et sauf l'assurance donnée par le jugement particulier aux âmes du purgatoire.

On voit, par la précision de ces termes en ces divers mystères, que la théologie est une véritable science. - De plus elle parvient déjà, en d'autres parties, à des conclusions certaines, mais elle ne parvient pas encore, à l'évidence de ses conclusions. Pourquoi ne la donne-t-elle pas ? Parce que le théologien n'a pas encore ici-bas l'évidence des principes de la théologie, qui sont les articles de foi (aussi sa science est-elle subalternée à celle de Dieu et des bienheureux, comme l'optique est subalternée à la géométrie, dit saint Thomas) ; mais au Ciel le Théologien voyant Dieu face à face, aura l'évidence des principes de la théologie et par suite l'évidence des conclusions certaines de cette science, comme celui qui ne connaissait jusqu'ici que l'optique ou la perspective et qui acquiert la connaissance de la géométrie, acquiert par là même l'évidence des conclusions de l'optique, qui jusque-là restaient obscures pour lui. La théologie est ainsi une véritable science, mais ici-bas elle reste dans un état imparfait, elle n'aura son état parfait qu'au Ciel.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 1 Jan - 7:21

CHAPITRE III - L'ÉTERNITÉ DES PEINES NE S'OPPOSE A AUCUNE PERFECTION DIVINE

On a souvent objecté que cette perpétuité des châtiments divins s'oppose à la perfection de la justice divine, parce que la peine doit être proportionnée à la faute; or la faute n'a souvent duré qu'un moment, comment mériterait-elle une peine éternelle ? De plus toutes ces peines pour les péchés les plus différents seraient égales, puisque toutes seraient éternelles. Enfin la douleur de la peine serait beaucoup plus grande que la joie trouvée dans le péché.

SAINT THOMAS répond, Suppl., q. 99, a. 1, ad 1 : La peine doit être proportionnée, non pas à la durée du péché actuel, mais à sa gravité. Ainsi selon la justice humaine l'assassinat, qui ne dure que quelques minutes, mérite la peine de mort ou l'incarcération perpétuelle.

De même celui qui trahit en un moment son pays, mérite d'en être exclu pour toujours. Or, nous l'avons vu, le péché mortel, comme offense à Dieu, a une gravité sans mesure; de plus, lorsque le péché actuel a cessé, le péché habituel reste comme un désordre habituel irréparable, et qui mérite une peine sans fin ( Cf. SAINT THOMAS, Ia, IIae, q. 87, a. 3, 5, 6, réponses aux objections).

Il n'en reste pas moins une grande inégalité dans la rigueur des peines éternelles ; égales pour la durée, elles sont très inégales pour l'âpreté proportionnée à la gravité des fautes à expier.

Enfin si les peines de l'enfer causent plus de souffrance que le péché mortel n'a donné de joie, elles ne sont cependant pas plus douloureuses que le péché mortel n'a été grave comme offense à Dieu, puisque la gravité de cette offense est sans mesure. Le principe reste le même : la peine est proportionnée à la gravité de la faute, non au plaisir plus ou moins grand qu'on y a trouvé.

Quelques uns ont soutenu : mais si ce que dit la Révélation interprétée par l'Église est vrai, il faut aller plus loin et affirmer que la justice divine demanderait plutôt l'anéantissement ou l'annihilation des damnés, car par leur ingratitude ils ont mérité de perdre le bienfait de l'existence.

On doit répondre d'abord que la Révélation divine, qui seule peut ici nous éclairer, ne nous dit pas que les réprouvés sont anéantis, mais qu'ils sont éternellement punis. De plus Dieu, qui de puissance absolue pourrait les annihiler, conserve les âmes spirituelles qui de leur nature sont incorruptibles, et la Révélation annonce même la résurrection générale des corps.

En outre, si la peine infligée pour tout péché mortel sans repentance était l'anéantissement, elle serait égale pour tous les péchés mortels si inégaux soient-ils. Enfin comme le dit SAINT THOMAS, Suppl., q. 99, a.1, ad 6, « quoique celui qui pèche gravement contre Dieu, auteur de l'existence, mérite de perdre celle-ci, cependant à considérer le désordre plus ou moins grave de la faute commise, ce qui lui est dû, ce n'est pas la perte de l'existence, car celle-ci est présupposée au mérite et au démérite et n'est pas corrompue par le désordre du péché ».

Ajoutons ce que dit admirablement le Père Lacordaire ( Conférences de Notre-Dame, 72° conf.) « Le pécheur obstiné veut son anéantissement, parce que l'anéantissement le délivre de Dieu (juste juge), et l'en délivre à jamais...

Dieu serait ainsi contraint de défaire ce qu'il a fait et ce qu'il fait pour être toujours... L'Univers ne périrait pas, et il serait possible qu'une âme pérît, parce que cette âme n'aurait pas voulu connaître Dieu !...

Les âmes vivront à jamais, ouvrage le plus précieux du Créateur ; vous aurez pu les souiller, mais non pas les détruire, et Dieu, en y mettant le sceau de sa justice, parce que vous l'aurez absolument voulu, saura en faire jusque dans la perdition des signes de l'ordre et des hérauts de sa gloire ».

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 3 Jan - 6:30

CHAPITRE III - L'ÉTERNITÉ DES PEINES NE S'OPPOSE A AUCUNE PERFECTION DIVINE

De plus, comme le dit encore SAINT THOMAS, Suppl., ibid. ad 4m., les peines éternelles sont utiles pour manifester les droits imprescriptibles de Dieu à être aimé par dessus tout, pour faire connaître la splendeur de l'infinie justice.

Dieu qui est bon et Miséricordieux ne se complaît pas dans les souffrances des damnés, mais dans son infinie Bonté qui mérite d'être préférée à tout bien créé, et les élus contemplent le rayonnement de la justice suprême, en remerciant Dieu de les avoir sauvés.

C'est ce que dit SAINT PAUL dans le texte déjà cité, ROM. IX, 22... « Si Dieu voulant montrer sa colère (sa justice vengeresse) et faire connaître sa puissance, a supporté (ou permis) avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et s'il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l'égard des vases de Miséricorde, qu'il a d'avance préparés pour la gloire (où est l'injustice) ? » Cf. SAINT THOMAS Ia, q. 23, a. 5, ad. 3.

Dieu aime par-dessus tout son infinie bonté, or celle-ci, en tant qu'elle est essentiellement communicative, est le principe de la Miséricorde, et en tant qu'elle a un droit imprescriptible à être aimée par dessus tout, elle est le principe de la justice. En ce sens Dante a écrit sur la porte de l'Enfer :

Per me si va nella città dolènte,

Per me si va nell'etèrno dolore,

Per me si va tra la perduta gente.

Giustizia ha animato il mio alto fattore :

Fécemi la divina potestate,

La somma sapienza e il primo amore.

« Par moi l'on va dans la cité des pleurs, par moi l'on va dans l'éternelle douleur, par moi l'on va chez la race damnée. - La justice anima mon sublime architecte ; je fus fait par la divine puissance, la suprême sagesse et le premier amour. »

Le père Lacordaire s dit à ce sujet : ( Conférences de Notre-Daine, 72° conf. fin.) « Si ce n'était que la justice qui eût creusé l'abîme, il y aurait un remède, mais c'est l'amour aussi, c'est le premier amour qui l'a fait : voilà ce qui ôte toute espérance.

Quand on est condamné par la justice, on peut recourir à l'amour ; mais quand on est condamné par l'amour, à qui recourra-t-on ? Tel est le sort des damnés. L'amour qui a donné son sang pour eux, cet amour là même, c'est celui qui les maudit.

Eh quoi ! Un Dieu sera venu ici-bas pour vous, il aura pris votre nature, parlé votre langue..., guéri vos blessures, ressuscité vos morts,... il sera mort enfin pour vous sur une croix ! Et, après cela, vous pensez qu'il vous sera permis de blasphémer et de rire, et d'aller sans crainte aux noces de toutes vos voluptés !

Oh ! non, détrompez-vous, l'amour n'est pas un jeu ; on n'est pas impunément aimé par un Dieu, on n'est pas impunément aimé jusqu'au gibet. Ce n'est pas la justice qui est sans Miséricorde, c'est l'amour.

L'amour, nous l'avons trop éprouvé, c'est la vie ou la mort, et s'il s'agit de l'amour d'un Dieu, c'est l'éternelle vie ou l'éternelle mort ».

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 3 Jan - 22:05

CHAPITRE IV - NATURE DE LA PEINE DU DAM ET SES GRANDES LEÇONS

Les grandes leçons du dogme de l'enfer quelles sont-elles ? Il nous montre la profondeur de l'âme la distinction absolue du bien et du mal, contre tous les mensonges inventés pour la supprimer ; il nous montre aussi par contraste le prix, la douceur de la conversion et de l'éternelle béatitude.

Le mot dam, du latin damnum, perte, dommage, et par suite souffrance, peine, signifie, dans le langage théologique, la peine essentielle et principale due au péché sans repentance.

La peine du dam se distingue de celle du sens, parce qu'elle est la privation de la possession de Dieu, tandis que celle du sens est l'effet d'une action afflictive de Dieu ; la première correspond à la faute en tant que par elle le pécheur se détourne de Dieu, tandis que la seconde correspond à la faute en tant que par elle le pécheur se tourne vers la créature pour mettre en elle sa fin dernière ( Cf. SAINT THOMAS Ia, IIae, q. 87, a. 4 ; Suppl. q. 97, a. 2 ; q. 98 per totam ; q. 99, a. 1. Cf. Dict, de Théol. cath., art. Enfer et Dam).

Nous ne considérons pas ici la peine du dam pour les enfants morts sans baptême avec le seul péché originel ; ceux-ci ne souffrent pas de la privation de la vision béatifique, parce qu'ils ignorent qu'ils étaient surnaturellement destinés à la possession immédiate de Dieu.

Nous parlons de la peine du dam consciente et sentie telle qu'elle est infligée aux adultes damnés pour un péché personnel et mortel resté sans repentance. Voyons en quoi elle consiste et quelle est sa rigueur.

EXISTENCE ET NATURE DE LA PEINE DU DAM

Elle consiste essentiellement dans la privation de la vision béatifique et tous les biens qui en dérivent. L'homme surnaturellement destiné à voir Dieu face à face, à le posséder éternellement, en se détournant de Dieu par un péché mortel dont il ne s'est pas repenti, a perdu le droit à la vision béatifique et restera éternellement séparé de Dieu, non seulement comme fin dernière surnaturelle, mais comme fin naturelle, car tout péché mortel est au moins indirectement contre la loi naturelle qui nous oblige à obéir à tout ordre de Dieu quel qu'il soit.

La peine du dam comporte par voie de conséquence la privation des biens qui dérivent de la vision béatifique ; la privation de la charité, de l'amour de Dieu, de l'amour inamissible, de la joie sans mesure, de la société du Christ, de la Bienheureuse Vierge Marie, des anges et des saints, privation de l'amour des âmes en Dieu, de toutes les vertus et des sept dons qui subsistent au Ciel.

L'Église au Concile de Florence (Denz. 693) enseigne clairement que tandis que les bienheureux jouissent de la vision immédiate de l'essence divine, les damnés en sont privés.

L'Écriture l'affirme aussi explicitement, en particulier là où il est parlé du jugement dernier. Cf. MATTH., XXV, 41 : « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. » Cf. Ps. VI, 9 ; MATTH., VII, 23 , LUC, XIII, 27.

Il est dit aussi aux vierges folles dans la parabole des vierges, MATTH., XXV 12 : « En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas ». Ces paroles expriment l'éternelle séparation de Dieu et la privation de tous les biens qui accompagnent sa présence.

De même les reproches adressés en SAINT MATTHIEU, XXIII, 14, 15, 25, 29, aux Scribes et aux Pharisiens hypocrites ; Jésus les appelle « race de vipères » et les menace de la géhenne où le pécheur obstiné est éternellement séparé de Dieu.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 4 Jan - 21:03

EXISTENCE ET NATURE DE LA PEINE DU DAM

La raison théologique, nous l'avons vu, explique ces assertions de l'Écriture, par la nature même du péché mortel suivi de l'impénitence finale. 

L'homme qui meurt en cet état est détourné de Dieu ; or, après la mort, un tel péché n'est plus remis ; l'âme du pécheur qui s'est librement et définitivement obstiné est donc éternellement séparée de Dieu. 

Cela dérive de la définition même du péché mortel : il est la négation volontaire et libre, ici obstinée, du Souverain Bien, qui contient éminemment en soi tous les autres. Dieu le châtie justement par la perte de tout bien, d'où la souveraine douleur.

RIGUEUR DE CETTE PEINE


La rigueur de la peine du dam provient des suites de l'impénitence finale : du vide immense qui ne sera jamais comblé, de la contradiction intérieure, fruit de la haine de Dieu, du désespoir, d'un perpétuel remords sans aucun repentir, de la haine du prochain, de l'envie qui s'exprime dans le blasphème.

Le vide immense qui ne sera jamais comblé. La souffrance que produit la privation éternelle de Dieu ne peut se concevoir que difficilement sur la terre. Pourquoi ? Parce que l'âme n'a pas encore assez pris conscience de sa profondeur sans mesure que Dieu seul peut combler et irrésistiblement attirer. 

Les biens sensibles nous captivent successivement ; les satisfactions de la convoitise et de l'orgueil nous empêchent de bien comprendre pratiquement que Dieu est notre fin dernière, que lui seul est le Souverain Bien. 

L'inclination qui nous porte vers lui comme vers la Vérité, la Bonté, la Beauté suprêmes, est souvent contrariée par l'attrait des choses inférieures. Et puis l'heure n'est pas encore venue de posséder Dieu, il n'est pas encore dans l'ordre radical de notre vie spirituelle de nous nourrir de sa vue immédiate, et nous n'avons pas encore cette faim exigeante de l'unique pain qui peut rassasier les âmes.

Mais lorsque l'âme est séparée du corps, alors elle perd tous les biens inférieurs qui l'empêchaient de prendre nettement conscience de sa spiritualité et de sa destinée. Maintenant elle se voit comme l'ange se voit : substance spirituelle et par suite incorruptible, immortelle. 

Elle voit que son intelligence était faite pour la vérité, surtout pour la vérité suprême, que sa volonté était faite pour aimer et vouloir le bien, surtout le Souverain Bien, qui est Dieu, source de toute béatitude et fondement suprême de tout devoir.

L'âme obstinée prend alors conscience de sa profondeur sans mesure, que Dieu seul vu face à face peut combler, et elle voit aussi que ce vide ne sera jamais rempli.

Le Père Monsabré ( Conférences de Notre-Dame, 1889, 99e Conf., p. 99.) exprime vivement cette terrible vérité en disant : « Le réprouvé, puisqu'il est arrivé au terme de sa voie, devrait se reposer dans l'harmonieuse plénitude de son être : la perfection.

Mais il s'est détourné de Dieu pour se fixer aux créatures ; il a refusé le bien suprême, jusqu'au dernier instant de son épreuve ; le bien suprême lui dit : « Va-t'en » - au moment où, n'ayant plus d'autre bien, il s'élance pour saisir celui-là. - 

Et, il s'en va loin de la lumière, loin de l'amour infini... loin du Père, loin de l'époux divin des âmes... Le pécheur a nié tout cela, il est dans la nuit, le vide, l'exil, chassé, répudié, maudit, c'est justice. »

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 5 Jan - 21:14

LA CONTRADICTION INTÉRIEURE ET LA HAINE DE DIEU

Bien plus l'âme du pécheur obstiné est encore inclinée par sa nature même à aimer plus que soi Dieu auteur de sa vie naturelle, comme dans notre organisme la main aime le corps plus qu'elle-même et s'expose naturellement pour le préserver ( Cf. SAINT THOMAS, Ia, q. 6o, a. 5, ad 5m. - IIa, IIae, q. 26, a. 3.). Cette inclination naturelle, venant de Dieu, auteur de la nature, est droite ; elle est sans doute atténuée par le péché, mais elle subsiste dans le damné comme la nature de l'âme, comme l'amour de la vie. Le Père Monsabré, dans la conférence que nous venons de citer, dit : « le damné aime Dieu, parce qu'il en a faim, il l'aime pour se satisfaire ».

Et d'autre part il a horreur de Dieu, juste juge qui le réprouve ; il a pour lui une aversion qui vient de son péché mortel sans repentance, dont il reste captif ; il continue de juger selon son penchant définitivement déréglé ; non seulement il a perdu la charité, mais il a la haine de Dieu ; il est déchiré par une contradiction intérieure : porté encore vers Dieu comme vers la source de sa vie naturelle, il déteste Dieu, juste juge, et exprime sa rage par le blasphème. L'Évangile dit à plusieurs reprises : « C'est là qu'il y a des pleurs et des grincements de dents » ( MATTH., VIII, 12, XIII, 42, 50, XXII, 13 ; LUC, XIII, 18. ).

Les damnés, qui connaissent par une continuelle expérience les effets de la justice divine, ont la haine de Dieu. Sainte Thérèse définit le démon : « Celui qui n'aime pas ». On peut en dire autant de ceux des Pharisiens obstinés en qui s'est réalisée la parole de jésus : « Vous mourrez dans votre péché ». JOAN., VIII, 21. Cette haine de Dieu manifeste la dépravation totale de la volonté ( Cf. Dict. Théol. cath. art. Enfer, col. 106.). Les damnés sont continuellement en acte de péché, bien que ces actes ne soient plus déméritoires, car le terme du mérite et du démérite est arrivé.

Le désespoir sans issue est l'effroyable conséquence de la perte éternelle de tout bien. Les damnés comprennent qu'ils ont tout perdu pour toujours et cela par leur faute. Le livre de la SAGESSE V, 1-16 le dit clairement : « Alors le juste sera debout en grande assurance en face de ceux qui l'ont persécuté... A cette vue, les méchants seront agités d'une horrible épouvante. Ils seront dans la stupeur et se diront les uns aux autres : « Voilà donc celui qui était l'objet de nos moqueries et de nos outrages...

Le voilà compté parmi les enfants de Dieu et sa part est parmi les saints. Nous avons donc erré, loin du chemin de la vérité, la lumière de la justice n'a pas brillé sur nous... Nous nous sommes rassasiés dans la voie de la perdition. A quoi nous a servi l'orgueil... Nous avons été retranchés au milieu de nos iniquités ». Tout bien est perdu à jamais.

L'excès du désespoir des damnés est de toujours vouloir naturellement le bonheur qui ne sera jamais. Ils voudraient au moins la fin de leurs maux, et jamais elle ne viendra. Si l'on détachait chaque jour d'une montagne une petite pierre, un jour arriverait où cette montagne n'existerait plus, car ses dimensions sont finies, tandis que pour les damnés la succession des siècles n'aura jamais de fin.

Le perpétuel remords sans aucun repentir, la voix de la conscience ne cesse de les poursuivre ; ils ont refusé de l'écouter quand il était encore temps, elle le leur reproche toujours. Leur intelligence ne peut en effet effacer en elle les premiers principes de l'ordre moral, la distinction du bien et du mal. Elle l'affirme encore ( Cf. Ia., IIae, q. 85, a. 2, ad 3,: « etiam in damnatis manet naturalis inclinatio ad virtutem ; alioquin non esset in eis remorsus conscientiae ».).

La conscience du damné lui rappelle ses fautes nombreuses, leur gravité et l'impénitence finale qui a tout comblée ( Cf. SAINT THOMAS explique ainsi le ver rongeur dont parle l'Écriture (MARC, IX, 43 : vernis eorum non moritur) et la Tradition. Cf. C. Gentes, IV, c. 89, de Verit., q. r6, a. 3 : « synderesis non extinguitur » - impossibile est in universali judicium synderesis extingui : in particulari vero operabili extinguitur quandocumque peccatur in eligendo ». ). Elle lui redit les paroles du Seigneur : « J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu, soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ». Elle lui rappelle son ingratitude après tous les bienfaits de Dieu. D'où le remords qui ne cesse pas.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 6 Jan - 22:02

LA CONTRADICTION INTÉRIEURE ET LA HAINE DE DIEU

Mais le damné est incapable de changer son remords en repentir, et ses tortures en expiation. Comme l'explique saint Thomas ( Suppl., q. 98, a. 2.), il regrette son péché, non pas comme faute, mais seulement comme cause de ses souffrances ; il reste captif de son péché et juge toujours pratiquement selon son penchant à jamais déréglé.

Le damné est donc incapable de contrition, même d'attrition, car celle-ci suppose l'espérance et s'engage sur la voie de l'obéissance et de l'humilité. Le sang du Christ ne descend plus sur le damné pour faire de son coeur un « coeur contrit et humilié ». Comme le dit la liturgie de l'Office des morts « in inferno nulla est redemptio ». Il y a donc une distance sans mesure entre le remords, qui fut et qui reste dans l'âme de Judas, et le repentir.

Le remords torture, le repentir délivre et chante déjà la gloire de Dieu. « Le pécheur obstiné, dit le Père Lacordaire ( Conférences de Notre-Dame, 72° conf.), ne se tourne pas vers Dieu pour l'implorer, parce que la grâce lui est refusée ; et la grâce lui est refusée, parce qu'elle serait déjà le pardon, ce pardon qu'il a dédaigné, et dont il ne veut même pas dans l'abîme où il est tombé...

Il rejette contre Dieu tout ce qu'il voit, tout ce qu'il sait, tout ce qu'il sent. Il faudrait donc que Dieu vint à lui malgré lui et que cette âme passât sans repentir de la haine et du blasphème à l'étroit embrasement de l'amour divin. Et cela serait le droit !... Les cieux s'ouvriraient pour Néron comme pour saint Louis, avec cette différence que Néron y entrerait plus tardivement, afin qu'on lui laissât le temps de couronner l'impénitence de sa vie, par l'impénitence de son expiation ».

On lit dans la première des trois retraites progressives du Rme Père Cormier, qui fut général des Dominicains, et qui est mort en odeur de sainteté, ces réflexions sur le religieux qui a manqué le but dernier sa vie, ou sur « l'enfer du religieux » : « Cet infortuné avait acquis et il garde une capacité, une inclination plus grande que les chrétiens ordinaires pour posséder Dieu. Dieu avait mis dans sa nature certaines aptitudes plus grandes en vue de sa vocation religieuse.

Or ces aptitudes dans le religieux damné se tournent nécessairement et implacablement contre lui. Son coeur agrandi ressentira un vide plus profond, qui le tourmentera d'une manière inexorable. Quelle faim dévorante, que rien ne viendra calmer ! » Il se rappellera les jours, les années de ferveur qui furent un avant-goût du Ciel. Quel contraste ! quels regrets ! Il dira : « Beau Ciel, dont j'étais sûr, tu es donc perdu pour moi !

» Il ressentira plus de honte que les autres réprouvés de sa perversité et de sa condamnation, et il ne pourra pas cacher sa déchéance par des mensonges et des sacrilèges. Sa duplicité, sa bassesse apparaîtront d'une façon éclatante.

» Il sera transporté à l'égard de Dieu d'une haine plus affreuse que celle des autres damnés ; car le coeur le plus porté à l'amour est le plus capable de haine, celle-ci n'étant qu'un amour contrarié qui se tourne en aversion. Et cette haine se traduira par le blasphème contre tout ce qu'il aura le plus aimé ». Ce terrible contraste montre le prix du salut.

La haine du prochain. A tout ce que nous venons de dire par rapport à Dieu, s'ajoute dans l'âme du damné la haine du prochain. Tandis que les bienheureux s'aiment mutuellement comme les enfants de Dieu, les damnés se haïssent les uns les autres d'une haine qui les isole et les sépare cruellement.

En enfer il n'y a plus d'amour. Chacun voudrait par envie que tous les hommes et tous les anges soient damnés ( SAINT THOMAS, Suppl, q. 98, a. 4.), mais ils envient moins ceux des élus qui leur étaient unis par les liens du sang. Éternellement mécontents de tout et d'eux-mêmes, les réprouvés voudraient ne pas être ; non pas qu'ils désirent la perte de l'existence pour elle-même, mais pour cesser de souffrir. En ce sens Jésus a dit de Judas : « il vaudrait mieux pour lui, qu'il ne fût pas né ». MATTH., XXVI, 24 ( Ibid., a. 3).

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyJeu 7 Jan - 21:18

LA CONTRADICTION INTÉRIEURE ET LA HAINE DE DIEU

Le pécheur obstiné comprend son immense malheur, mais il n'excite pas la pitié, car il n'y a en lui aucun désir de relèvement ; son coeur est rempli d'une inexprimable colère, qui se traduit en blasphèmes : « Dentibus suis fremet et tabescet, desiderium peccatorum peribit » Ps. LXI. Il grince des dents et sèche d'épouvante, tous ses désirs sont frappés à mort.

La tradition lui applique ces paroles du PSAUME LXXIII, 23 : « Superbia eorum qui te oderunt, ascendit semper » son orgueil, sans devenir plus intense, produit toujours de nouveaux effets.

Il a nié le bien suprême, il trouve l'extrême douleur; il l'a nié librement et pour toujours, il a trouvé le malheur et le désespoir sans issue. C'est justice.

Cela sans doute à des degrés divers, selon la gravité des péchés commis, mais pour tous les damnés il est vrai de dire : « Il est horrible de tomber après la mort, entre les mains du Dieu vivant » (HÉBR., X, 31), dont on a méprisé l'amour.

Saint Augustin dit à leur sujet : « Nunquam morientes, nunquam mortui, sed sine fine morientes » ( De Civ. Dei, 1. XIII, c. 4.). Le damné ne vit pas, il n'est pas mort, il meurt sans cesse, car il est à jamais loin de Dieu, l'auteur de la vie.

Saint Thomas ( Suppl, q. 98, a. 6, ad 3.) dit aussi qu'ils sont au comble de la misère « ad summum malorum pervenerunt », là où l'on ne peut plus même démériter, car on est au terme du mérite et du démérite.

Comme les bienheureux, quoique libres, ne peuvent plus mériter, les damnés, quoique libres, ne peuvent plus démériter.

Ils ne sont plus voyageurs vers l'éternité bienheureuse, ils l'ont à jamais perdue par leur faute. Ils pèchent, mais ils ne déméritent plus, comme les bienheureux font des actes de vertus, mais ne méritent plus.

Leur état, à ne considérer que la seule peine du dam, qui est la principale, est un abîme de misère aussi inexprimable que la gloire dont il est la privation, misère aussi grande que la possession de Dieu à jamais perdu.

Cet état montre aussi par contraste, et comme en creux, le prix immense de la vie éternelle, ou de la vision béatifique et de tous les biens qui en dérivent. Aussi pour bien saisir tout ce qu'ont perdu les damnés, il faudrait avoir eu ce qu'ils n'ont jamais eu : la vision immédiate de l'essence divine.

Il faudrait avoir possédé Dieu et l'avoir aimé avec cette plénitude et cette joie sans mesure qui ne se trouvent qu'au ciel. De même ceux-là connaissent bien quel malheur ce serait de perdre la foi, qui ont une foi ferme et vive qui les soutient au milieu des plus grandes difficultés.

CHAPITRE V

DE LA PEINE DU SENS


A la peine du dam s'ajoute en enfer une peine du sens, par laquelle l'âme et même le corps après la résurrection générale, sont positivement affligés.

Nous parlerons de l'existence de cette peine, de ce qu'elle est selon l'Écriture, de la nature du feu de l'enfer et de son mode d'action ( Cf. SAINT THOMAS, IV, Sent., d. 44, q. 3, a. 3. C. Gentes, 1. IV, c. 90, De Anima, q. 2, a. 21, De Veritate, q. 26. a. 1, IIIa. Suppl., q. 70, a. 3, q. 97, a. 5 ; Tabula aurea : Anima, n° 140. - Joannes a Saint Thomas, de Angelis, disp. XXIV, a. 3. : Quomodo spiritus torqueantur ab igne ?, Gonet, Billuart, ibid. Dict. de théol. cath. art. Feu de l'enfer (A. MICHEL).)

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 8 Jan - 22:28

CHAPITRE V

EXISTENCE DE CETTE PEINE ET CE QU'ELLE EST SELON L'ÉCRITURE


Elle est clairement affirmée dans l'Évangile, MATTH., X, 28: « Craignez plutôt celui qui peut perdre l'âme et le corps dans la géhenne », item LUC, XII, 5 ; MATTH., V, 29, XVIII, 19 ; MARC, IX, 42, 46.

L'existence de cette peine qui s'ajoute à l'autre s'explique comme le dit saint Thomas ( Ia, IIae, q. 87, a. 4.) parce que par le péché mortel l'homme non seulement se détourne de Dieu, mais se tourne vers un bien créé préféré à Dieu ; le péché mortel mérite ainsi une double peine la privation de Dieu et l'affliction qui vient de la créature.

Enfin on conçoit que le corps qui a concouru au péché et qui y a trouvé une jouissance défendue, participe à la peine qui afflige l'âme. Il en sera ainsi selon la Révélation, après la résurrection générale.

En quoi consiste la peine du sens ? L'Écriture nous le dit lorsqu'elle décrit l'enfer comme une prison ténébreuse ( II. Ep. Petri, II, 4,6; III, 7) où les damnés sont retenus, comme liés, le lieu des pleurs et des grincements de dents ; d'autre part elle parle d'un étang de feu et de soufre ( Apoc., XX, 14.). Dans ces descriptions deux idées connexes reviennent toujours : celle d'une prison à jamais fermée et celle de la peine du feu ; les théologiens insistent tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre, car elles s'éclairent mutuellement. On lit en SAINT MATTH., XXII, 13 : « Le roi dit à ses serviteurs : « Liez-lui les mains et les pieds et jetez-le dans les ténèbres extérieures : c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents ». Il est parlé souvent dans le même Évangile de « la géhenne du feu ». MATTH., V, 22, XVIII, 9, 40, 50 ; et du « feu éternel, inextinguible » qui tourmente les damnés, MATTH., XVIII, 8 ; MARC, IX, 42.

LE FEU DE L'ENFER EST-IL RÉEL OU MÉTAPHORIQUE

La doctrine commune des Pères et des théologiens est que ce feu est un feu réel. Elle se fonde sur ceci qu'on ne doit, dans l'interprétation de l'Écriture, recourir au sens figuratif, que si le contexte ou d'autres passages plus clairs excluent le sens littéral, ou si celui-ci se heurte à une impossibilité.

Or il n'en est rien, comme le montre longuement A. Michel, Dict. théol. Cath. art. Feu de l'enfer, col. 2198 ss. En particulier le sens littéral paraît clair dans MATTH., XXV, 41 : « Retirez-vous loin de moi, au milieu du feu éternel qui a été préparé pour Satan et pour ses anges. » Tout le contexte demande une interprétation réaliste : allez au feu réel, comme les bons iront à la vie éternelle, à ce feu préparé pour le démon et pour ses anges.

De plus Jésus (MATTH. X, 28) attribue au feu non seulement le supplice des esprits réprouvés, mais encore celui des corps. Cf. MARC, IX, 42, 48 ; MATTH., V, 22, XVIII, 9. De même les Apôtres parlent de cette peine éternelle du feu avec le même réalisme: II. THESS., 1, 8 ; JAC., III, 6 ; JUD., 7, 23. - Saint Pierre prend aussi comme type des châtiments à venir le feu du ciel tombé sur Sodome et Gomorrhe, II PETR., II, 6, JUD. 7.

L'interprétation métaphorique supposant que le feu n'est, comme le chagrin ou le remords, qu'une affection pénible de l'âme, va contre le sens obvie des textes scripturaires et de la Tradition.

Les Pères, à l'exception d'Origéne et de ses disciples, parlent presque toujours d'un feu réel qu'ils comparent aux feux terrestres, et même parfois d'un feu corporel. C'est ce que disent notamment saint Basile, saint Chrysostome, saint Augustin, saint Grégoire le Grand ( Cf. ROUET DE JOURNEL, Enchiridion patristicum, index theologicus, n° 592 ss). A. Michel, art. cit. examine longuement leurs textes et conclut, col. 2207: « Lorsque les Pères affirment simplement la croyance traditionnelle, ils parlent sans hésitation du feu de l'enfer. Mais lorsque pour eux se présente la question difficile du mode d'action du feu sur les esprits, on saisit une hésitation dans leur pensée ».

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 10 Jan - 7:46

CHAPITRE V

LE FEU DE L'ENFER EST-IL RÉEL OU MÉTAPHORIQUE


Quant à la nature de ce feu réel, saint Thomas, Suppl. q. 97, a. 5 et 6, estime que c'est un feu corporel de même nature que le feu terrestre, mais qui en diffère accidentellement, car il n'a pas besoin d'être entretenu par des éléments étrangers, il est obscur, sans flamme et fumée, il durera toujours et brûlera les corps sans les détruire.

On dirait aujourd'hui que la chaleur est, dans une substance corporelle, le résultat de vibrations moléculaires aptes à produire une sensation continuelle de brûlure ( On lit dans la vie de sainte Catherine de Ricci qu'elle eut à souffrir à la place d'un défunt, du feu du purgatoire pendant quarante jours. Personne ne le voyait, mais une novice lui toucha par mégarde la main, et lui dit : « Mais, ma Mère, vous brûlez ». - « Eh oui, ma fille », répondit-elle. .

LE MODE D'ACTION DU FEU DE L'ENFER


Comment ce feu corporel peut-il produire un effet sur une âme séparée de son corps et sur des esprits purs comme les démons ? Les théologiens répondent communément : il ne le peut qu'à titre d'instrument de la justice divine, comme les sacrements, par exemple l'eau du baptême, produisent dans l'âme cet effet spirituel qu'est la grâce. Ceux qui ont méprisé les sacrements, instruments de la Miséricorde Divine de Dieu, souffrent des instruments de sa justice.

Les théologiens se divisent alors, comme pour les sacrements, suivant qu'ils admettent une causalité instrumentale physique ou seulement une causalité morale. La cause morale, comme la prière que nous adressons à quelqu'un pour le faire agir, ne produit pas directement l'effet désiré, mais elle incline seulement l'agent capable de le produire à le réaliser. S'il en était ainsi le feu de l'enfer ne produirait pas directement l'effet qui lui est attribué ; cet effet serait uniquement produit par Dieu.

Les thomistes et beaucoup d'autres théologiens admettent ici, comme pour les sacrements, une causalité instrumentale physique du feu de l'enfer sur l'âme des damnés. Mais il est difficile d'expliquer davantage son mode d'action. Saint Thomas et ses meilleurs commentateurs, C. Gentes, IV, c. 90, IIIa, Suppl., q. 70, a. 3, admettent que le feu de l'enfer reçoit de Dieu la vertu d'affliger les esprits réprouvés, en les empêchant d'agir où ils veulent et comme ils veulent. Il y a une alligatio, une ligature des esprits par le feu.

Il les empêche d'agir un peu comme il arrive à une personne paralysée ou à celui qui souffre de confusion mentale par suite d'intoxication ; de plus ils sont humiliés de dépendre ainsi d'un élément corporel, alors que leur immatérialité le domine tellement. Cette explication s'harmonise avec les textes de l'Écriture qui décrivent l'enfer comme une prison où les damnés sont retenus malgré eux. JUD., 6 ; II PETR., II, 4 ; APOC., XX, 2. Saint Thomas tient que le feu n'influe pas sur l'esprit pour l'altérer, mais pour l'empêcher d'agir comme il le voudrait. Beaucoup de théologiens se sont ralliés à cette manière de voir de saint Thomas ; il est bien difficile d'aller plus loin dans l'explication de ce mode mystérieux d'influence.

Comment le feu infernal pourra-t-il enfin, après la résurrection générale, brûler les corps des damnés sans les consumer ? - La Tradition et l'Écriture, DANIEL, XII, 2 ; MATTH., XVIII, 8, 9 ; MARC, IX, 29, 49, affirment l'incorruptibilité des corps des damnés. Saint Thomas ( C. Gestes, l. IV, c. 89 ; De Potentia, q. 5, a. 8.) tient que ces corps rendus incorruptibles souffriront d'une façon spéciale, sans être altérés, comme par exemple l'ouïe souffre d'entendre une voix stridente, comme le goût souffre d'une saveur très acre ( Ainsi la souffrance s'expliquera surtout du côté de l'objet des sens, sans altération du sujet.).

Il restera toujours difficile d'expliquer le mode d'action de ce feu, mais ce n'est pas une raison de nier la possibilité et la réalité de son action, qui est affirmée par la révélation chrétienne. Déjà dans l'ordre naturel il est difficile d'expliquer comment les objets extérieurs produisent en nos sens une impression, une représentation d'ordre psychologique qui dépasse la matière brute ; il n'est pas surprenant que les effets préternaturels qui se produisent selon la Révélation, dans l'autre vie, soient encore plus difficiles à expliquer.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 10 Jan - 21:27

CHAPITRE V

LE MODE D'ACTION DU FEU DE L'ENFER


La peine du sens, du reste, comme l'afferme toute la tradition, n'est pas la principale ; ce qu'il y a d'essentiel dans la damnation, c'est la privation même de Dieu et le vide immense qu'elle cause dans l'âme, vide qui manifeste par contraste la plénitude de la vie éternelle, à laquelle nous sommes tous appelés.

De là dérivent pour nous les grandes leçons de l'autre vie, dont celle-ci doit être le prélude. D'où le prix immense du temps du mérite par rapport à l'éternité bienheureuse à conquérir.

Récemment dans La Vie spirituelle, Déc. 1942, p. 435 : Les deux flammes, le P. Thomas DEHAU, écrivait au sujet de ces paroles du mauvais riche, crucior in hac flamma, (Luc, XVI, 24) : « Le mauvais riche au fond de l'enfer est pour ainsi dire crucifié au monde du ciel ; ce monde de la béatitude et de la paix lui est inaccessible, il est fermé pour lui... Cette idée de crucifixion atroce de l'enfer, vous la trouvez exprimée dans la Divine Comédie. 

Dante parcourant ces sombres demeures aperçoit Caïphe crucifié à terre par trois pieux et enveloppé de flammes : « un crocifisso in terra con tre pali ».

Voyez-vous cette crucifixion dans les flammes, crucior in hac flamma, et ce feu est en même temps de la glace parce que les damnés n'aiment pas : Satan au plus bas de l'enfer est entièrement enfoncé dans la glace... car il est celui qui n'aime pas.

« A l'autre pôle du monde, il y a le Coeur Sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Infiniment loin de ce que nous venons de dire, au sommet des régions de l'au-delà ce Coeur nous apparaît lui aussi enveloppé de flammes... et entouré d'une couronne d'épines. En bas, le sang, les larmes de sang qui coulent goutte à goutte, et en haut la flamme ; Oui ; encore la flamme, crucior in hac flamma... Dès le premier instant de son existence, ingrediens mundum, il y avait cette flamme au milieu de son Coeur, la flamme et la blessure de l'amour ». - 

Ainsi ce mot mystérieux « crucior in hac flamma », qui est clamé au fond de l'enfer par les réprouvés, est murmuré en un sens diamétralement opposé par le Coeur adorable de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Évidemment il ne souffre plus au ciel, mais tout ce qu'il y avait de perfection en sa souffrance terrestre subsiste éminemment dans son amour immortel.

CHAPITRE VI - L'INÉGALITÉ DES PEINES DE L'ENFER

Les peines des damnés sont égales pour leur durée, puisqu'elles sont éternelles, mais elles diffèrent beaucoup comme rigueur.

CERTITUDE DE CETTE INÉGALITÉ

L'Écriture l'affirme d'abord en disant que Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres, MATTH., XVI, 27 ; ROM., II, 6. Il est dit aussi en SAINT MATTH., X, 15 « Il y aura moins de rigueur, au jour du jugement, pour la terre de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville (qui refuse de recevoir les Apôtres) » - De même MATTH., XI, 21-24 : « Malheur à toi, Corozaïn... »

En SAINT LUC, XII, 47-48, il est dit du mauvais serviteur qui aura connu la volonté de son maître et n'en aura rien fait, qu'il « recevra un grand nombre de coups », et de celui qui ne l'aura pas connue et qui aura fait des choses dignes de châtiment, « qu'il recevra peu de coups ».

Dans l'APOC., XIII, 7, on lit de Babylone : « Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe, autant donnez-lui de tourment et de deuil ». Déjà le livre de la SAGESSE, VI, 6, disait : « Les puissants seront puissamment châtiés ».

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 11 Jan - 21:30

CHAPITRE V

CERTITUDE DE CETTE INÉGALITÉ


Il est clair du reste que la peine doit être proportionnée à la gravité de la faute ; or les fautes sont inégales comme gravité et comme nombre ; les peines de l'enfer doivent donc être inégales en rigueur. Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 69, a. 5. Les avares ne seront pas punis de la même manière que les voluptueux, et l'on dit que les plus grands coupables sont au plus profond de l'enfer, bien que nous ne puissions faire que des conjectures sur le lieu de celui-ci.

Y a-t-il une mitigation de la peine accidentelle et temporaire due aux péchés véniels et de celle due aux péchés mortels remis, mais non expiés ? Plusieurs théologiens l'admettent comme plus probable, car cette peine accidentelle de soi est temporaire. Aussi saint Thomas dit-il : « Il n'y a pas d'inconvénient à ce que les peines de l'enfer, en ce qu'elles ont d'accidentel, diminuent jusqu'au jour du jugement dernier » in IV Sent., d. 23, q. 1, a. 1, ad 5m.

Nous avons dit un peu plus haut que le Saint Docteur admet que la Miséricorde Divine s'exerce encore à l'égard des damnés en ce sens qu'ils sont punis citra condignum, moins qu'ils ne le méritent, Ia, q. 21, a. 4, ad 1m.

Au sujet de l'inégalité des peines de l'enfer, il faut remarquer que la peine du dam, même la plus petite, dépasse immensément toutes les souffrances de ce monde. Les théologiens l'admettent communément aussi pour la peine du sens, au moins dans set circonstances d'éternité, de souffrance sans soulagement, et dans un sujet qui a déjà la peine du dam.

Mais il faut noter aussi qu'il est très probable, comme le pensent bien des théologiens que Dieu ne laisse pas mourir en état de péché les hommes qui n'auraient fait dans le cours de leur vie qu'un seul péché mortel, surtout s'il s'agit d'un péché de faiblesse, et qu'il ne permet l'impénitence finale que pour les pécheurs invétérés, « car, comme le dit saint Pierre (II Epist., III, 9), il use de patience envers nous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la pénitence » ; aussi donne-t-il à tous des secours qui les inclinent à se convertir et l'enfer n'est que la punition de l'opiniâtreté du mauvais vouloir de celui qui s'obstine ( Cf. P. LACORDAIRE, Conférences de Notre-Dame, 72e Conf., et Dict. de.théol. cath., art. Enfer, col. 116.).

Il faut rappeler aussi la Grande promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie. Comme le dit le P. J. Bainvel, S. J. ( Dici. de Théol. cath., article Coeur Sacré de Jésus, Col. 331.), qui a beaucoup étudié cette question, « On trouve cette promesse dans une lettre de la Sainte à la Mère de Saumaise que les éditrices mettent en mai 1688 : « Un jour de vendredi, pendant la sainte communion, Notre-Seigneur dit ces paroles à son indigne esclave, si elle ne se trompe : « Je te promets, dans l'excessive Miséricorde de mon Coeur, que son amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront les neuf premiers vendredis du mois tout de suite, la grâce finale de la pénitence ; ils ne mourront point en sa disgrâce, ni sans recevoir leurs sacrements, mon divin Coeur se rendant leur asile assuré en ce dernier moment ». Lettre 82° dans Vie et oeuvres, t. II, p. 159 ; 2e éd. lettre 83°, p. 176.

Le P. Bainvel ajoute justement : « La promesse est absolue, supposant seulement les communions faites, et bien faites évidemment. Ce qui est promis, ce n'est pas la persévérance dans le bien toute la vie ; ce n'est pas non plus la réception des derniers sacrements en toute hypothèse ; C'est la persévérance finale, emportant la pénitence et les derniers sacrements dans la mesure du nécessaire ».

Ce qui est promis, c'est la grâce de la bonne mort, et cette promesse absolue regarde les pécheurs plus directement que les âmes pieuses. Cette grande promesse du Sacré-Cœur suppose que la grâce de bien faire neuf mois de suite la communion le premier vendredi du mois est un don qui n'est accordé qu'à des élus ; ceux-ci se repentent toujours de leurs fautes avant de mourir.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 12 Jan - 21:52

CHAPITRE VII 

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


Pour répondre à ces besoins, ces dernière années quelques auteurs ont proposé une conception de l'enfer qui s'éloigne de la conception traditionnelle : il n'y aurait pas chez tous les damnés une perversion morale absolue, il n'y aurait pas chez tous la haine de Dieu ; pour beaucoup la peine du dam et celle du sens ne seraient pas si douloureuse que les théologiens l'affirment communément et ils auraient des consolations secondaires.

Ces auteurs n'ont pas assez réfléchi à ce qui distingue profondément l'état de voie et l'état de terme, ni à ce qu'est, en ce dernier état, la privation totale de Dieu, de tous les biens qui dérivent de la vision béatifique, et aussi des biens créés qui, étant des moyens d'aller à Dieu, ne peuvent plus apporter de joie aux damnés. 

Ils n'ont pas réfléchi davantage à ce qu'est l'obstination et son rapport avec l'infinie justice; ils perdent de vue enfin ce qu'ont dit les plus grands Docteurs sur la finalité de l'enfer : la manifestation des droits imprescriptibles du Souverain Bien à être aimé par-dessus tout. 

Seule la conception traditionnelle de l'enfer correspond à ce point de vue supérieur qui est le vrai ( Cf. Dict. théol, cath, art. Enfer, col. 112 ss.). C'est confirmé en outre par les visions de plusieurs grands saints.

On s'est demandé s'il est utile de prêcher l'enfer à notre époque. - Il est certain qu'il vaut mieux aller â Dieu par l'amour que par la crainte, le mystère de l'Incarnation rédemptrice nous y invite constamment. 

Mais la crainte est nécessaire aujourd'hui comme autrefois pour nous détourner du mal, la nature humaine reste la même qu'au temps de la prédication des Pères. Nous conclurons donc comme l'auteur de l'article Enfer du Dict. de théologie cath., col. 119 : « Les prédicateurs doivent omettre les descriptions de pure imagination ; les données de la Révélation suffisent à faire impression sur les âmes croyantes. 

Mais écarter systématiquement de la chaire chrétienne la préoccupation, qui doit être constante, des fins dernières et de l'enfer, c'est ignorer radicalement l'esprit du Christianisme, ou même la notion de créature, de l'état de voie et de l'état de terme, puisque la vie chrétienne doit aboutir inévitablement au ciel ou à l'enfer ».

Bien plus le Seigneur a donné très souvent à des âmes privilégiées une connaissance supérieure de l'enfer, par voie de contemplation infuse, ou même de vision imaginaire ou intellectuelle, pour les porter à une plus grande sainteté, par une crainte filiale du péché qui grandit avec la charité, et à un zèle plus ardent pour le salut des âmes. 

Il suffit de rappeler les visions de sainte Thérèse. Beaucoup de saints ont été ainsi éclairés par contraste sur l'infinie grandeur de Dieu et le prix de la vie éternelle. 

Sainte Thérèse dit, Autobiographie, ch. XXXII : « Je me demande comment, ayant rencontré si souvent dans les livres la peinture des peines de l'enfer, j'étais si loin de les craindre comme elles le méritent, et de m'en faire une juste idée... 

De là aussi, la mortelle douleur que me cause la perte de cette multitude qui se damne... Cette vision est une des plus grandes grâces que le Seigneur m'ait faite... De là encore, ces impétueux désirs d'être utile aux âmes. 

Oui, je puis dire en toute vérité, pour en délivrer une seule de si terribles tourments, volontiers, ce me semble, j'endurerais mille fois la mort. »

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 13 Jan - 21:54

CHAPITRE VII

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


Dans le Dialogue de sainte Catherine de Sienne, ch. 38-39-40, le Seigneur lui dit : « Le premier supplice, c'est que les damnés sont privés de ma vision. Ce leur est une si grande peine ( Il s'agit de la peine de ne pas posséder le Bien suprême source de toute joie, peine d'autant plus vive qu'ils ont perdu tous les autres biens..) que - s'il leur était possible - ils choisiraient d'endurer le feu, les tortures et les tourments, en jouissant de ma vue, plutôt que d'être délivrés de leurs souffrances sans me voir.

Cette peine est encore aggravée par la seconde, celle du ver de la conscience qui les ronge sans cesse... La vue du démon, qui est la troisième peine, redouble toutes leurs souffrances, car en le voyant en toute sa laideur, ils se connaissent mieux eux-mêmes et comprennent mieux que c'est par leur faute qu'ils ont mérité ces châtiments... Le quatrième tourment qu'endurent les damnés est le feu. Ce feu brûle et ne consume pas... - Si grande est la haine qui les possède, qu'ils ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien. Sans cesse ils blasphèment contre moi... Ils ne peuvent plus mériter désormais.

Ceux qui sont morts dans la haine, coupables de péché mortel, c'est pour toujours ». Ces descriptions si vives confirment la doctrine traditionnelle, et montrent par contraste le prix de la vie éternelle, et le prix du temps du mérite, qui nous est donné pour la conquérir.

On peut lire à ce sujet un livre récent : Un appel à l'amour : Le message du Coeur de Jésus au monde et sa messagère, Soeur Josepha Menendes, religieuse coadjutrice de la Société du Sacré-Coeur de Jésus 1890-1923 (Toulouse, Apostolat de la prière, 1944).

Comme le montrent le P. H. Monier Vinard, S. J., dans l'introduction et le P. F. Charmot, S. J., dans la Conclusion, les visions de l'enfer et celles du purgatoire rapportées dans ce livre sont très conformes à ce qu'enseigne la théologie, et l'on est frappé de voir que tout ce surnaturel diabolique de nature à affoler l'imagination ne trouble ni le calme ni l'équilibre de la servante de Dieu, mais lui donne une nouvelle ardeur à souffrir pour le salut des âmes.


La crainte des châtiments de Dieu est salutaire, et si elle diminue avec le progrès de la charité, la crainte filiale, qui est celle du péché, augmente. Les saints ont une vue très pénétrante de ce qui nous éloigne de notre fin dernière, et plus ils aiment Dieu, plus ils craignent d'être séparés de lui. Cette crainte filiale est un don du Saint-Esprit, qui perfectionne l'espérance, elle est comme un aiguillon qui nous porte à désirer Dieu plus fortement et qui en même temps préserve de la présomption.

On la voit parfois très vive en de grands saints.

Un bon théologien, le P. Gardeil O. P., dans son livre sur les Dons du Saint-Esprit dans les Saints dominicains (Paris, 1903), p. 6o, dit à propos du don de crainte : « C'est l'honneur du christianisme de transfigurer les passions humaines. En est-il une dont la réhabilitation soit plus difficile que la peur ? Qui oserait prendre sa défense ? Qui, surtout entreprendrait de donner un rôle à ce sentiment infâme dans un code moral qui se respecte et respecte l'homme ?

» C'est là, semble-t-il, une initiative interdite à la philosophie humaine, elle craint toujours de ne point se hausser assez. Il faut à ces purs moralistes, une doctrine toute de désintéressement. Eh quoi ! avouez que l'homme a quelquefois peur ! se servir de la peur pour s'exciter au bien ! Quelle honte ! Cachons donc cette misère, et pour qu'elle ne dérange pas la belle ordonnance de nos purs préceptes, supprimons de la morale jusqu'à son nom.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyJeu 14 Jan - 23:21

CHAPITRE VII

L'ENFER ET LES BESOINS SPIRITUELS DE NOTRE ÉPOQUE


C'est à l'Esprit divin qu'il appartenait de réhabiliter la peur. Il est vrai que la « crainte » adoptée par l'Esprit saint n'a rien de commun avec la crainte mondaine. Ce n'est pas la peur des hommes, c'est la crainte de Dieu. « La crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse », dit l'Écriture. Et le saint Concile de Trente, confirmant la longue tradition des siècles chrétiens, déclare bonne et sainte jusqu'à la crainte des châtiments divins... »

Mais la crainte filiale, qui est celle du péché, et qui est celle d'être séparé de Dieu est évidemment supérieure, elle est un don du Saint Esprit, et elle grandit avec la charité. Les grands saints qui ne savent pas trembler devant les hommes, ont eu cette crainte de Dieu. Et comme le dit ibid. le P. Gardeil : le juste stoïcien, qui ne redoute rien, « n'est qu'un enfant à côté de ces saints qui arrivent à représenter les types plus sublimes de la moralité humaine divinisée par la révélation de Dieu ».

Saint Louis Bertrand, missionnaire, qui ne craignait pas les pierres et les flèches des sauvages, mais qui au contraire désirait le martyre, avait cette crainte de Dieu, et l'exprimait de la façon la plus poignante, lorsqu'il disait en son héroïque mortification : « Domine, hic ure, hic secca, hic non parcas, ut in aeternum parcas. O Seigneur, ici brûle, ici tranche, ici n'épargne pas, afin que dans l'éternité tu pardonnes ! »

Dieu nous dit par le prophète : « Convertissez-vous vers moi, et je me convertirai vers vous » ZACHAR., I, 3 ; ISAIE, XLV, 22. Et l'âme doit lui répondre avec Jérémie (Lament., V, 21) : « Seigneur convertissez-nous vers vous, et nous serons convertis. - Converte nos, Domine, ad te, et convertemur ».

On ne saurait mieux exprimer la douceur de la conversion. Cette réponse de l'âme inspirée par Dieu est plus belle encore que l'exhortation divine à se convertir, car cette exhortation était faite pour obtenir cette réponse, comme la parole de Jésus à la chananéenne lui était adressée pour la porter à répondre comme elle le fit sous l'inspiration divine. La douceur de la conversion équilibre la juste rigueur du dogme de l'enfer, en faisant pressentir le prix de l'éternelle béatitude.

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE

Après avoir parlé de l'enfer, avant de traiter du purgatoire, il convient de dire plus précisément en quelques pages ce qu'il faut entendre par la crainte de Dieu. C'est un sujet assez difficile, car on confond souvent trois espèces de crainte très différentes les unes des autres. L'une est mauvaise, deux autres sont bonnes, mais si distinctes l'une de l'autre, que la première diminue avec le progrès de la charité, tandis que l'autre augmente avec lui. Il faut voir en particulier quels sont les rapports de ces différentes espèces de crainte avec l'amour de Dieu qui doit toujours prévaloir.

La crainte, en général, est l'abattement de l'âme vaincue par la gravité d'un péril qui la menace. Elle fait trembler. Elle regarde et le mal terrible qui menace et celui qui peut être cause de ce mal. Souvent elle n'est qu'une émotion de la sensibilité, qu'il faut dominer par la vertu de force ; mais elle peut exister aussi dans la volonté spirituelle, et elle peut être soit bonne, soit mauvaise.

Les théologiens et les auteurs spirituels distinguent trois espèces de crainte très différentes ; en partant de la plus inférieure : 1° il y a la crainte mondaine ou crainte de l'opposition du monde, elle détourne de Dieu ; 2° il y a la crainte servile, qui est celle des châtiments de Dieu, elle est utile pour le salut ; 3° il y a la crainte filiale ou crainte du péché, qui grandit avec l'amour de Dieu et qui subsiste au ciel sous la forme de la crainte révérentielle. Voyons ce qu'enseigne la théologie, et spécialement saint Thomas, sur ces trois espèces de crainte, spécifiquement différentes ( Cf. SAINT THOMAS, IIa, IIae, q. 19.).

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptySam 16 Jan - 9:56

CHAPITRE VII

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


La crainte mondaine est celle par laquelle on redoute tellement le mal temporel que le monde peut nous faire, qu'on est prêt à offenser Dieu pour échapper à ce mal. Cette crainte mondaine est donc toujours mauvaise. Elle se présente sous bien des formes ; d'abord c'est le respect humain, ou timidité coupable, qui s'effraie des jugements du monde, et empêche d'accomplir les devoirs envers Dieu, par exemple d'aller à la Messe le Dimanche, de communier à Pâques, d'aller se confesser; on a peur des jugements de tel ou tel, ou peur de perdre sa situation, si l'on se montre fidèle à ses devoirs de chrétiens.

Cela peut aller jusqu'à la lâcheté. En temps de persécution, la crainte mondaine pourrait porter à renier la foi chrétienne, pour éviter la perte des biens extérieurs, de la liberté personnelle, ou la perte de la vie par le martyre. Jésus a dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l'âme.

Craignez plutôt Celui qui peut perdre l'âme et le corps dans la géhenne ». (MATTH., X, 28). Il a dit aussi (LUC IX, 26) : « Que sert de gagner l'univers, si l'on vient à perdre son âme. Si quelqu'un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme rougira de lui, lorsqu'il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges ».

La crainte mondaine est donc toujours mauvaise. Il faut demander à Dieu de nous en délivrer. Ceux qui ne veulent pas entendre parler de la crainte de Dieu, comme si ce n'était pas un sentiment assez noble, souffrent souvent de ce respect humain, avilissant, indigne d'une conscience droite.

Avoir honte d'aller à la messe, c'est le renversement complet de l'ordre des valeurs, car la messe qui perpétue sacramentellement le sacrifice de la Croix, est ce qu'il y a de plus grand ; la messe est d'une valeur infinie et loin d'avoir honte d'y aller, il faut considérer que c'est un très grand honneur et un grand profit, pour le temps et l'éternité.

La crainte servile est très différente, c'est celle, non pas de la persécution du monde, mais celle des châtiments de Dieu. Elle est utile en tant qu'elle porte à accomplir les commandements divins. Elle apparaît davantage dans l'Ancien Testament appelé loi de crainte, tandis que le Nouveau est appelé loi d'amour.

Cette crainte utile au salut, peut cependant devenir mauvaise, si l'on redoute plus les châtiments de Dieu que d'être séparé de lui, et si l'on n'évite le péché que pour éviter ces châtiments, de telle manière qu'on pécherait, si l'on ne devait pas en être puni dans l'éternité. Alors cette crainte est appelée servilement servile, elle montre qu'on s'aime soi-même plus que Dieu ; elle est donc mauvaise dans ce cas, et ne peut sous cette forme exister avec la charité, ou avec l'amour de Dieu par dessus tout ( La crainte servile est donc bonne en substance, mais son mode (le mode de servilité) est mauvais lorsqu'on craint les châtiments de Dieu plus que le péché et la séparation de Dieu ; car alors on s'aime plus que Dieu, et l'on garde l'affection au péché mortel, qu'on commettrait s'il n'était pas puni par des peines éternelles.).

Mais quand elle n'est pas servilement servile, la crainte servile des châtiments divins est utile, elle aide le pécheur à se rapprocher de Dieu. Cependant ce n'est pas une vertu, ni un don du Saint-Esprit. « C'est, dit sainte Catherine de Sienne (Dialogue, c. 94) comme un vent de tempête qui secoue les pécheurs ».

Elle est insuffisante pour le salut, mais elle peut conduire à la vertu. Ainsi, pendant la tempête le marin se rappelle qu'il faut prier, et, même s'il est en état de péché mortel, il prie de son mieux par une grâce actuelle qui lui est alors accordée et qui est offerte à tous en des cas semblables.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 17 Jan - 14:04

CHAPITRE VII

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


Dans le juste, la crainte servile demeure, et même elle demeure toujours sur la terre, mais elle diminue avec le progrès de la charité. Plus en effet on aime Dieu, plus l'égoïsme diminue, moins on est attentif à son bien propre ; et aussi plus on aime Dieu, plus on espère être récompensé par lui.

La crainte servile ou des châtiments divins n'existe plus au ciel évidemment.

La crainte filiale est très différente des deux précédentes, c'est celle d'un fils, non pas d'un mercenaire ou d'un simple serviteur ; c'est la crainte non pas des châtiments de Dieu, mais du péché qui nous éloigne de Dieu. Elle diffère donc substantiellement ou spécifiquement de la crainte servile, et à plus forte raison de la crainte mondaine ( On appelle « crainte initiale », le commencement de la crainte filiale, qui s'accompagne de la crainte servile encore vive dans l'âme, tant que la charité n'a pas encore grandi.).

Cette crainte filiale non seulement est utile au salut, comme la crainte servile, mais c'est un don du Saint Esprit, qui aide beaucoup à résister à de fortes tentations. C'est ainsi que le psalmiste dit (Ps. CXVIII, 120) : « Contige timore tuo, Domine, carnes meas » « Seigneur, frappe de crainte ma chair » pour que j'évite le péché.

Cette crainte filiale est le moins élevé des sept dons du Saint-Esprit, mais elle est le commencement de la sagesse, car elle est comme l'effet initial de ce don supérieur ; c'est une vraie sagesse de redouter le péché qui nous éloigne de Dieu. Elle correspond à la béatitude des pauvres ou des humbles qui craignent le Seigneur et le possèdent déjà.

Bien plus, tandis que la crainte servile ou des châtiments divins diminue avec le progrès de la charité, la crainte filiale augmente, car plus on aime Dieu, plus on redoute le péché qui nous sépare de lui. Les sept dons sont connexes avec la charité, comme les vertus infuses ; ce sont les diverses fonctions de notre organisme spirituel, elles se développent ensemble comme les cinq doigts de la main, dit SAINT THOMAS. (Ia, IIae, q. 61, a. 2).

Sainte Catherine de Sienne dit de même (Dialogue, ch. 74) que, avec le progrès de la charité, tandis que la crainte servile diminue, la crainte filiale augmente, et la crainte mondaine disparaît complètement. « C'est ainsi, dit-elle, que les Apôtres, après la Pentecôte, loin de redouter les souffrances, se faisaient gloire de leurs tribulations et étaient heureux d'avoir été jugés dignes de souffrir pour Notre-Seigneur ».

Auparavant, le soir de l'Ascension, se sentant seuls, ils éprouvèrent vivement leur impuissance devant l'immensité de l'oeuvre à accomplir, ils craignaient encore les persécutions annoncées, mais à la Pentecôte ils furent grandement éclairés, fortifiés et confirmés en grâce.

Au Ciel subsiste la crainte filiale sous la forme de la crainte révérentielle. Il est dit en effet dans le PSAUME XVIII, 10, : « Timor Domini sanctus, permanens in soeculum soeculi ». La sainte crainte du Seigneur restera dans les siècles des siècles.

Ce ne sera plus la crainte du péché, la crainte d'être séparé de Dieu, mais devant l'infinie grandeur du Très-Haut, l'âme verra son propre rien et tremblera en quelque sorte de voir sa propre fragilité en comparaison de l'absolue stabilité et nécessité de Dieu, qui seul est l'Être même. Ego sum, qui sum. - En ce sens il est dit dans la Préface de la Messe : « tremunt potestates » ; parmi les anges supérieurs même ceux qui sont appelés « les puissances » tremblent devant l'infinie majesté de Dieu.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 17 Jan - 22:04

CHAPITRE VII 

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


Ce don de crainte révérentielle existe même en la sainte âme du Sauveur comme les autres dons du Saint-Esprit.

La crainte révérentielle apparaît dans les saints en cette vie présente, par exemple lorsque saint Pierre (LUC, V, Cool après la première pêche miraculeuse dit à Jésus : a Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur ». 

C'est alors que Jésus lui dit « Ne crains point, car désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Pierre, Jacques et Jean à ce moment quittèrent tout pour le suivre.

On voit que ces trois espèces de crainte sont très différentes. La crainte mondaine qui éloigne de Dieu est toujours mauvaise. La crainte servile ou des châtiments est utile au salut, à moins qu'elle ne soit servilement servile, et qu'on reste disposé à pécher, en s'en abstenant uniquement par crainte des peines éternelles. 

La crainte filiale est toujours bonne, elle grandit avec la charité, comme les autres dons du Saint-Esprit et elle subsiste même au ciel à titre de crainte révérentielle. - Seigneur, délivrez-nous de la crainte mondaine ; diminuez-en nous la crainte servile ; augmentez-en nous la crainte filiale.

Jamais la psychologie humaine laissée à ses seules forces ne pourrait distinguer ainsi ces sentiments ; il y faut la Révélation, expression de la Sagesse divine

Certains moralistes non chrétiens enseignent une morale toute de désintéressement, disent-ils, où il n'est question ni de crainte des châtiments divins, ni du désir de la récompense éternelle. Ils rougiraient d'avouer que quelquefois ils ont peur, cela dérangerait la belle ordonnance de leurs leçons.

C'est la position de Kant, à qui les rationalistes ont donné tant d'importance parce que sa doctrine est la négation des vérités surnaturelles révélées. 

Quand on se place au contraire au point de vue de la Révélation, plusieurs de ceux qu'on appelle de grands philosophes apparaissent comme de puissants esprits faux, qui n'ont eu qu'une ingéniosité spéciale pour la présentation de l'erreur. 

Ils ne furent que de grands sophistes, et plusieurs sont comme des monstres intellectuels qui ont complètement faussé la notion de Dieu, celle de l'homme et de nos destinées. Ce fut particulièrement le cas de Spinoza, de Hume et de Hégel. 

C'est ce que pense au fond tout vrai théologien catholique, et c'est ce que pensait saint Augustin de l'oeuvre des grands sophistes, dont il disait : « magni passus, sed extra viam ». 

Nous le verrons clairement dans l'éternité, lorsque la vue horizontale du temps, où l'erreur apparaît souvent sur le même plan que la vérité, aura fait place à la vue verticale qui d'en haut juge de tout, à la manière de Dieu, cause suprême et fin ultime.

De ce point de vue les perspectives de bien des histoires de la philosophie seront singulièrement changées, et la superficialité de beaucoup de jugements servira à mieux mettre en valeur le sens et la portée des jugements définitifs.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 18 Jan - 21:18

CHAPITRE VII 

NOTE - LES TROIS ESPÈCES DE CRAINTE


« Il appartenait au Saint-Esprit de réhabiliter la crainte », comme l'a dit le P. Gardeil ( Les dons du Saint Esprit dans les Saints Dominicains, 1903, p. 6o.). Et cela de trois manières en réprouvant la crainte mondaine ou respect humain, en montrant que la crainte des châtiments éternels de Dieu est utile au pécheur car elle le porte à se convertir, en montrant surtout que la crainte filiale du péché ou de la séparation de Dieu est un don surnaturel qui grandit toujours avec la charité. 

C'est cette sainte crainte qui a inspiré les grandes mortifications des saints et leur vie réparatrice pour obtenir la conversion des pécheurs. C'est cette sainte crainte qui se manifeste en saint Dominique, lorsqu'il se flagellait chaque nuit jusqu'au sang pour obtenir la conversion des pécheurs, qu'il évangélisait. 

C'est cette sainte crainte qui inspirait aussi les mortifications d'une sainte Catherine de Sienne, d'une Sainte Rose de Lima et de tant d'autres saints. Mais au dessus de la crainte filiale et même de sa forme la plus haute qui subsiste au ciel, la doctrine chrétienne reconnaît la place éminente de l'amour de Dieu et des âmes, qui correspond au précepte suprême et dont les effets sont si admirablement décrits dans l'Imitation, 1. III c. 5, qu'il conviendrait de relire au terme de cette étude sur l'enfer, pour mieux voir le contraste de l'éternelle damnation et de l'éternelle béatitude.

QUATRIÈME PARTIE
LE PURGATOIRE

L'éternelle vie ardemment désirée
Au sujet du Purgatoire nous considérerons d'abord la doctrine de l'Église, son fondement dans l'Écriture et la Tradition, puis la nature des peines du purgatoire, l'état des âmes qui s'y trouvent et quelle purification profonde provient de l'acceptation aimante de la vive douleur de la privation temporaire de Dieu et des autres peines.

CHAPITRE I
LA DOCTRINE DE L'ÉGLISE SUR LE PURGATOIRE 
SON FONDEMENT DANS L'ÉCRITURE ET LA TRADITION


Selon la doctrine de l'Église, le purgatoire est le lieu et l'état où souffrent les âmes des justes, qui sont morts avec l'obligation de subir encore une peine temporaire due aux péchés véniels non encore remis ou aux péchés mortels ou véniels déjà remis, mais non encore expiés. Ces âmes en état de grâce attendent leur entrée au ciel et restent au purgatoire tant que leur dette à la justice divine n'est pas encore pleinement acquittée. 

Elles l'acquittent progressivement, non pas par le mérite et la satisfaction, car le temps du mérite est fini, mais par satispassion, c'est-à-dire en supportant volontairement la peine satisfactoire qui leur est infligée. Cependant une partie de cette peine leur est remise, celle qui correspond aux suffrages, surtout aux messes, qui leur sont appliquées par les vivants.

Cet enseignement de l'Église se trouve dans le IIe Concile de Lyon (Denz. 464), dans celui de Florence (Denz. 693), dans celui de Trente (Denz. 840, 983) et dans la condamnation de plusieurs erreurs de Luther (Denz. 744, 777. 778, 779, 780). 

Parmi ces erreurs l'Église condamne notamment celles-ci « l'existence du purgatoire ne peut s'établir par l'Écriture (777, 3047) ; les âmes du purgatoire ne sont pas toutes sûres de leur salut (778), elles péchent par impatience au milieu de leurs souffrances (779). L'Église enseigne aussi communément que ces âmes souffrent de la peine du feu, igne cruciuntur (Denz. 3047, 3050).

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 19 Jan - 22:34

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE I

LA DOCTRINE DE L'ÉGLISE SUR LE PURGATOIRE
SON FONDEMENT DANS L'ÉCRITURE ET LA TRADITION

L'ERREUR PROTESTANTE


La doctrine du purgatoire a été niée par les Albigeois, les Vaudois, les Hussites et les Protestants Cf. Dict. de théol. cath., art, Purgatoire (A. MICHEL), col. 1264 ss.). Luther commença en 1517 par nier la valeur des indulgences, en disant qu'elles ne valent pas devant Dieu, pour la rémission de la peine due à nos péchés (Denz. 758). Ensuite il soutint que le purgatoire ne peut se prouver par la Sainte Écriture, que toutes les âmes du purgatoire ne sont pas sûres de leur salut, qu'on ne saurait établir qu'elles ne peuvent plus mériter ; il admit aussi qu'elles péchent en essayant de fuir la souffrance pour trouver le repos.

Plus tard apparut dans les écrits de Luther la racine doctrinale de toutes ces négations : la justification par la seule foi ou confiance dans les mérites du Christ et l'inutilité des bonnes oeuvres pour expier nos péchés, par suite l'inutilité du purgatoire. Avec la faveur populaire, Luther devint de plus en plus audacieux et publia en 1524 son livre De abroganda missa, de l'abrogation de la messe, où il est dit que la négation du purgatoire n'est pas une erreur.

Enfin en 1530, il nia la nécessité de satisfaire pour nos péchés ; ce serait, dit-il, une injure au Christ qui a satisfait surabondamment pour toutes nos fautes. Pour la même raison il nie que la messe soit un vrai sacrifice, surtout un sacrifice propitiatoire. C'est la négation radicale de la vie réparatrice, comme si les souffrances des saints, offertes par eux pour l'expiation des péchés, étaient une injure au Christ rédempteur.

Luther ne voit pas que, de même que Dieu, Cause première universelle, n'exclut pas les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, comme un statuaire qui ferait des statues vivantes, ainsi les mérites satisfactoires du Christ n'excluent pas les nôtres, mais les suscitent pour nous faire travailler avec lui, par lui et en lui pour le salut des âmes. Saint Paul n'a-t-il pas dit : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la parole du Christ ». (GAL., VI, 2); « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous, et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ». COLOSS. I, 24. Il ne manque rien aux souffrances du Christ en elles-mêmes, mais il leur manque quelque chose en notre propre chair, il leur manque leur application à nous, et leur rayonnement en nous.

Calvin (Instit. christ., 1. III, c. 4, n. 6) et Zwingle (Opera, theses ann. 1523, th. 57), suivirent Luther dans sa négation des indulgences, de la messe et du purgatoire. Les protestants actuels se séparent de leurs premiers maîtres sur ce sujet. Plusieurs admettent un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer, mais ne veulent pas l'appeler purgatoire, et ils disent que les âmes y peuvent encore mériter et satisfaire (Farrar, Campbell, Hodge).

De plus un certain nombre d'entre eux admettent que les peines de l'enfer ne sont pas éternelles ; mais cet enfer temporaire ne ressemble en rien au purgatoire dont parle l'Église catholique, puisque en celui-ci, toutes les âmes sont en état de grâce et ne pèchent plus.

Nous voyons ici un exemple de plus des variations et des contradictions des églises protestantes. Les théologiens catholiques qui écrivirent contre cette erreur protestante furent surtout Cajetan, Silvestre Prierias, saint John Fisher, Jean Eck, saint Robert Bellarmin. Saint John Fisher disait aux Luthériens : « En supprimant le sacrifice de la messe, vous avez supprimé en vos églises le soleil qui éclaire et réchauffe chacune de nos journées et qui fait sentir son influence jusqu'en purgatoire ».

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 20 Jan - 21:31

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE I

L'ERREUR PROTESTANTE


L'Église condamna solennellement cette erreur au Concile de Trente (Denz. 840) : « Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur pénitent, qui a reçu la grâce de la justification, l'offense est tellement remise et l'obligation à la peine éternelle tellement effacée, qu'il ne lui reste aucune obligation de peine temporaire à payer, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire, avant que l'entrée au ciel lui puisse être ouverte, qu'il soit anathème ».

Dans le chapitre XIV, qui correspond à ce canon, le Concile affirme la nécessité « de la satisfaction (pour les péchés commis après le baptême), satisfaction par le jeûne, les aumônes, les prières et les autres exercices de la vie spirituelle, non certes pour la peine éternelle qui est remise avec la faute par le sacrement ou par le désir du sacrement, mais pour la peine temporelle qui (ainsi que l'enseignent les Saintes Écritures) n'est pas toujours, comme dans le baptême, remise entièrement » (Denz. 807). Le Concile cite ici ces paroles de l'Écriture : « Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi, et reviens à tes premières oeuvres ».

Apoc., II, 5 ; « La tristesse selon Dieu produit un repentir salutaire ». II COR., VII, 10 ; « Faites pénitence » MATTH., III, 2 ; IV, 17 ; « Faites de dignes fruits de pénitence » MATTH., III, 8. Et si cette réparation ou satisfaction n'a pas été faite en ce monde, il faudra subir la peine satisfactoire du purgatoire, comme l'a dit le Concile dans le canon que nous venons de citer.

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE SELON LA SAINTE ÉCRITURE

Dans l'Ancien Testament, au 1. II des Macchabées, XII, 43-46, on lit que Judas Macchabée « fit une collecte où il recueillit la somme de deux mille drachmes et l'envoya à Jérusalem pour être employée à un sacrifice expiatoire... pour les morts ; ... qui s'étaient pieusement endormis,... afin qu'ils fussent délivrés de leurs péchés ». Cela montre que, selon la foi d'Israël, les justes après leur mort pouvaient être aidés par les prières et les sacrifices offerts sur la terre. Il est dit ibid.: « C'est une pensée sainte et pieuse de prier pour les défunts ».

Saint Thomas ( IV SENT., d. 21, q. 1, a. 1, qa 1 et Appendice au Supplément : De Purgatorio, a. 1.) remarque à ce sujet : il n'y a pas à prier pour les âmes des défunts qui sont au ciel, ni pour celles qui sont en enfer, il doit donc y avoir un purgatoire après la mort où sont les âmes des justes qui n'ont pas encore payé toute leur dette à la justice divine.

Dans le Nouveau Testament il est dit en saint MATTH., XII, 32: « Celui qui aura parlé contre l'Esprit Saint, on ne le lui remettra ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir ». Ces paroles supposent, selon la Tradition, que certains péchés peuvent être remis après la mort, mais on voit par ailleurs que ce ne sont pas les péchés mortels ; il s'agit donc de péchés véniels ou de la peine due aux péchés mortels déjà remis mais non expiés.

Ce texte s'éclaire par celui de SAINT PAUL, I COR., III, 10-15, où bien des Pères ont vu une allusion manifeste au feu du purgatoire : « Vous êtes l'édifice de Dieu... Le fondement est Jésus -Christ... Si l'on bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres Précieuses, du bois, du foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté ; car le jour du Seigneur le fera connaître, parce qu'il va se révéler dans le feu et le feu même éprouvera ce qui est l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage que l'on aura bâti dessus subsiste, on recevra une récompense ; si l'ouvrage de quelqu'un est consumé, il perdra sa récompense (pour cette partie de son ouvrage) ; lui pourtant sera sauvé, mais comme au travers du feu ».

Il sera sauvé s'il reste uni au Christ qui est le fondement, même si sur ce fondement il n'y a guère construit qu'avec du bois, du foin et du chaume, qui seront dévorés par le feu. Ce qui sera dévoré ce sont par exemple des bonnes oeuvres faites par vanité, le bien accompli pour se faire valoir, ou par esprit d'opposition à des adversaires, plus que par amour de la vérité et de Dieu.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 22 Jan - 0:55

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE SELON LA SAINTE ÉCRITURE


DPlusieurs Pères ont entendu ce texte du purgatoire : Origène, saint Basile, saint Cyrille de Jérusalem, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin, saint Grégoire, bien que ces deux derniers l'entendent aussi du feu de la persécution et de celui du jugement dernier.

Saint Thomas dans son Commentaire sur la I° ÉPITRE AUX COR. remarque : dans l'édifice construit sur le Christ, les bonnes oeuvres sont comparées à l'or, à l'argent, aux pierres précieuses ; les péchés véniels au bois, au foin, à la paille ; le jour du Seigneur est celui où se manifeste son jugement, d'abord pendant la tribulation sur la terre, puis au jugement particulier sitôt après la mort, et au jugement dernier.


Quant au feu qui éprouve et puifie, c'est celui de la tribulation déjà sur terre, puis celui du purgatoire après la mort, et enfin celui de la conflagration universelle au dernier jugement ; divers textes de l'Écriture parlent en effet du feu purificateur sous ces trois différentes formes, ECCLI. II, 5, XXVII, 6 ; SAP. III, 6 ; Ps. XCVI, 3.

Cette interprétation qui réunit les autres, en admettant les diverses purifications, paraît vraie, elle est admise aujourd'hui par des exégètes comme le Père Allo, le Père Prat, et des théologiens comme Chr. Pesch.

Le Père Allo dit à ce sujet dans son Comm. sur la I° Ep. aux Corinthiens, p. 61 : « Jésus a parlé, LUC, XVII, 22, d'un des jours du Fils de l'homme (où il exerce son jugement) comme s'il pouvait y avoir plusieurs de ces jours... *
*Aussi, pouvons-nous croire avec saint Thomas, que dans ce verset, il s'agit du triple jugement de Dieu ». Ibid., p. 66 : « Nous avons interprété le feu au sens le plus étendu, comme l'ensemble des jugements et des épreuves auxquelles le Christ soumettra l'ouvrage de ceux qui ont voulu - ou prétendu - travailler pour Lui.

Mais le v. 15, disions-nous, montre que ce n'est pas l'ouvrage tout seul, c'est aussi l'ouvrier qui pourra être atteint par la flamme, bien qu'il soit destiné au salut. Comme rien n'indique que ces épreuves du travail de chacun doivent toutes avoir lieu durant la vie présente, il faut reconnaître que Paul envisage, pour les âmes élues qui auront quitté ce monde, la possibilité d'une dette à acquitter encore envers Dieu.

Où et quand cette dette leur sera-t-elle réclamée ? On ne voit que le moment où elles comparaîtront devant le tribunal du Christ » (II COR., V, 10 ; ROM., XIV, 10). L'ÉPITRE Aux HEBREUX, IX, 27, affirme : « Il est arrêté que les hommes meurent une seule fois, après quoi vient le jugement ».

Le Père Prat dit justement : «Il y a des fautes qui ne sont pas assez graves pour fermer le ciel, et pour ouvrir l'enfer, et qui sont punies néanmoins d'un châtiment proportionné. Le dogme catholique des péchés véniels et du purgatoire trouvent ainsi dans notre texte un très solide appui » ( La théologie de saint Paul, 17° éd., t. I, p. 112

Le Père Ch. Pesch défend la même conclusion qui est celle de toute l'exégèse traditionnelle ( Praelectiones theologicae, t. IX, n. 590.).

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 22 Jan - 22:14

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE ET LA TRADITION


On distingue à ce sujet dans la Tradition deux périodes.

Pendant les quatre premiers siècles, l'existence du purgatoire est affirmée au moins implicitement par l'universelle pratique des prières et sacrifices offerts pour les défunts. Tertullien dit : « nous faisons des oblations pour les défunts un an après leur mort » ( DE CORONA, C. 4, cf. R. de Journel, Enchir. patr., n. 382.) . Saint Ephrem demande qu'on en fasse le trentième jour après leur décès ( JOURNEL, 741.). Saint Cyrille d'Alexandrie croit que les prières faites pour eux leur obtiennent un secours ; saint Épiphane et saint jean Chrysostome parlent de même ( JOURNEL, 852, 853, 1109, 1206.). Les plus anciennes liturgies montrent que cet usage était commun ( Cf. MARTIONY, Dict. des antiquités chrétiennes, art. Purgatoire, cf. Didascalia Apostolorum 1. VI, C. 22, n. 2 : « Ad Deum preces indesinenter offerte et acceptam Eucharistiam... offerte pro dormientibus » - De même la Liturgie de saint Basile et celle de saint Jean Chrysostome.).

Cela est confirmé par les inscriptions des catacombes qui remontent jusqu'au premier siècle, elles demandent assez souvent que Dieu rafraîchisse l'esprit du défunt, « Spiritum tuum Deus refrigeret ; Ursula accepta sis in Christo», ce qui est une allusion manifeste à la peine dont souffrent les âmes du purgatoire. ( Cf. MIARUCCUI, Eléments d'archéologie chrétienne, t. I, p. 191 : On lit dans les Catacombes des inscriptions comme celles-ci : « Victoria, refrigereris spiritus tuus in bono ; Kalemire, Deus refrigeret spiritum tuum una cum sororis tuae Hilare ; aeterna tibi lux, Timothea, in Christo ».)

Cette pratique universelle, qui se trouve en Orient et en Occident, prouve qu'il y avait une croyance générale à l'existence d'un lieu et d'un état, où les âmes justes, qui ne sont pas encore pleinement purifiées, supportent les peines dues à leurs péchés. L'Église en effet ne prie pas pour les réprouvés et n'offre pas pour eux le sacrifice eucharistique. Ainsi se manifeste au début la foi de l'Église au purgatoire, comme sa foi à l'existence du péché originel s'exprime dans la pratique de baptiser tous les enfants.

De plus, pendant les quatre premiers siècles, il y a des témoignages explicites relatifs aux peines du purgatoire. Tertullien, De monogamia, c. 10 parle d'une femme qui prie pour l'âme de son mari et demande pour lui le refrigerium, le rafraîchissement qui est une atténuation ou cessation de la peine du feu ( JOURNEL, 382.). Saint Ephrem parle « de l'expiation » des péchés après la mort » ( JOURNEL, 741.). Saint Cyrille de Jérusalem, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, parlent des prières pour les défunts ( JOURNEL, 1061.).

Dans la seconde période, à partir de saint Augustin, il est explicitement parlé du purgatoire et de la peine du feu, que subissent les âmes des justes qui n'avaient suffisamment expié leurs fautes avant la mort. Les Pères, surtout saint Augustin, saint Césaire d'Arles, saint Grégoire le Grand, affirment même quatre vérités qui contiennent toute la doctrine du purgatoire. Après la mort il n'y a plus de possibilité de mérite ni de démérite ( Cf. R. DE JOURNEL, Op. cit., Index theologicus, n° 584) ; le purgatoire existe, où les âmes justes qui ont encore quelque chose à expier subissent des peines temporaires ( Ibid., n° 587) ; ces âmes peuvent être aidées par les suffrages des vivants, surtout par le sacrifice eucharistique ( Ibid., n° 588.) ; le purgatoire finira au jour du jugement dernier ( Ibid., n° 589). Saint Augustin expose cette doctrine dans l'Enchiridion, c. 69, 109, ss., dans le Comm. sur le Ps. 37; saint Césaire d'Arles dans le sermon 104, n. 5 ; saint Grégoire le Grand, Dialogue, 593, 4. 39, cf. JOURNEL, op. cit. 1467. 1544. 2233. 2321. Dans la suite la liturgie pour les défunts se développe notablement

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptySam 23 Jan - 22:37

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE I

L'EXISTENCE DU PURGATOIRE ET LA TRADITION


Enfin la doctrine de l'Église sur le purgatoire est définie au IIe Concile de Lyon, à celui de Florence, et à celui de Trente (Dent. 464. 693. 840. 983).

On voit en cela comment la foi de l'Église passe d'un concept encore confus du purgatoire à un concept distinct, comme pour le baptême, pour le sacrement de pénitence, pour le sacrifice de la Messe, et pour bien d'autres vérités révélées. Ce qu'il importe ici de remarquer, c'est que les bons chrétiens et surtout les Saints, sans avoir d'un mystère un concept théoriquement distinct comme les théologiens de profession, peuvent en avoir un concept confus, mais profond pourtant et vécu.

Bien des saints sur la terre ne sauraient pas expliquer théologiquement ce par quoi le péché mortel diffère en premier lieu du péché véniel, mais ils ont une contrition beaucoup plus profonde que bien des théologiens ; ils ne sauraient pas dire quelle est formellement l'essence du sacrifice de la Messe, mais ils sont tout pénétrés de sa grandeur et de sa fécondité.

De même ceux qui priaient avec grande ferveur dans les catacombes, en se préparant au martyre, et qui offraient de durs sacrifices, pour obtenir à leurs défunts le rafraîchissement dont parlent les anciennes inscriptions, ceux-là avaient un concept peut-être encore confus, mais profond et vécu du purgatoire, quoiqu'ils n'eussent pu en parler comme les théologiens venus après le Concile de Trente.

Bien des saints, sans avoir pu se consacrer à l'étude, qui donne le concept théoriquement distinct, passent du concept confus au concept vécu du péché, de la peine qui lui est due, du repentir, de la satisfaction complète, du jugement, de l'enfer, du purgatoire et du ciel, et cette science des saints est finalement la plus réaliste et celle qui compte le plus pour l'éternité.

Elle s'exprime par exemple dans ce que dit l'Imitation de Jésus-Christ, 1. III, c. 47 : « Qu'il faut être prêt à souffrir pour la vie éternelle tout ce qu'il y a de plus pénible.

CHAPITRE II - RAISONS DE CONVENANCE DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il y a d'abord une raison de convenance accessible aux incroyants. L'ordre moral de la justice, lorsqu'il a été violé, demande une réparation. Si donc cette réparation, due en justice, n'a pas été faite avant la mort, elle doit être faite ou subie après cette vie ; mais elle doit être très différente pour celui qui est mort dans l'injustice sans repentir, et pour le juste qui est mort sans avoir payé toute sa dette.

Cet argument diffère des raisons théologiques que nous exposerons ensuite, parce qu'il repose sur les principes de la raison naturelle, qui peuvent être connus sans la révélation.

Il est confirmé par les traditions religieuses de bien des peuples, égyptiens, babyloniens, perses, qui parlent de diverses sanctions après la mort et avant la béatitude céleste. Platon dit aussi dans le Gorgias, 522 ss.: « A peine séparées de leur corps, les âmes arrivent devant le juge qui les examine attentivement... Aperçoit-il une âme défigurée par ses fautes, il l'envoie aussitôt là où elle doit subir les justes châtiments qu'elle a mérités....

Or il y en a qui profitent des peines qu'elles endurent ; ce sont celles dont les fautes sont de nature à être expiées... Cet amendement ne s'opère en elles que par la douleur, car il n'est pas possible d'être délivré autrement de l'injustice. Pour les âmes qui ont commis les plus grands crimes et qui, en raison de cette perversité, sont devenues incurables, elles servent pour l'exemple, mais elles-mêmes sont incapables de guérison. » (Voir aussi PHÉDON, 113 sq.)

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 25 Jan - 7:30

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE II - RAISONS DE CONVENANCE DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il y a d'autres raisons de convenance qui valent surtout pour les croyants. La doctrine du purgatoire est en effet pleine de sagesse et de consolation. Elle donne une haute idée de la sainteté et de la majesté de Dieu, rien de souillé ne peut paraître devant lui elle fortifie notre sens de la justice ; elle manifeste le désordre souvent inaperçu des fautes vénielles, si bien que déjà la foi au purgatoire nous purifie sur terre.

De plus cette foi nous montre les relations qui restent entre nos défunts et nous ; elle nous dit comment nous pouvons les aider par nos suffrages, nos prières, nos satisfactions, en gagnant des indulgences, surtout par le sacrifice de la messe. Elle nous fait entrevoir un aspect spécial du mystère de la communion des saints, entre l'Église militante et l'Église souffrante. Il y a là une grande consolation après la séparation de la mort.

La force de ces raisons de convenance apparaîtra davantage par ce que nous allons dire des raisons théologiques certaines de l'existence du purgatoire.

Ces raisons théologiques présentent les mêmes arguments éclairés à la lumière de la Révélation divine. C'est comme un vitrail d'église qu'on peut voir de deux façons : d'abord du dehors et l'on discerne à peine les figures des personnages ; ensuite on le voit du dedans de l'église, sous la lumière convenable, alors on en perçoit les moindres détails et les traits des personnages se discernent parfaitement.

Il en est de même des prophéties de l'Ancien Testament, suivant qu'on les voit seulement du dehors à la lumière de la seule raison, ou dedans à la lumière de la Révélation reçue par la foi infuse.

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Le dogme défini du purgatoire n'a pas seulement son fondement dans l'Écriture et la Tradition, il peut en outre se déduire avec certitude de vérités révélées plus universelles dans lesquelles il est implicitement contenu. C'est ce que montre les raisons théologiques de la nécessité et de l'existence du purgatoire. Il ne faut pas les confondre avec les raisons de convenance dont nous venons de parler et qui peuvent être proposées à des incroyants. Nous parlons maintenant des raisons certaines fondées sur des principes révélés acceptés de la foi.

Saint Thomas expose ces raisons théologiques dans son Commentaire sur les Sentences, 1. IV, dist. 21, q. 1, a. 1, qa 1 ; et ss. Ces pages ont été reproduite intégralement dans un Appendice au Supplément de la Somme théologique : quaestio unica de purgatorio ( Dans certaines éditions de la Somme, cet Appendice est mis dans le Supplément après la qu. 72 et ne comprend que deux articles ; dans de meilleures éditions comme la léonine (Rome 1906) il est mis à la fin du Supplément et comprend 8 articles, il reproduit alors tout ce qui est dit à ce sujet dans le Commentaire sur les Sentences.

Comme les citations de ce commentaire sont très compliquées, nous citons ici l'Appendice complet au supplément. Dans l'article I de cet Appendice, la question posée est celle-ci : « Y a-t-il un purgatoire après la mort ? Saint Thomas donne d'abord deux arguments d'autorité : le texte classique du 1. II des MACCHABÉES, XII, 45, et un texte de saint Grégoire de Nysse, puis il expose cette raison théologique de l'existence du purgatoire.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 25 Jan - 21:37

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE

Selon la justice divine il faut que celui qui meurt avec la contrition de ses péchés, sans avoir subi encore la peine temporaire qu'ils méritent, la subisse dans l'autre. Or au moment de la mort, malgré la contrition qui efface le péché mortel et remet la peine éternelle, il arrive souvent que la peine temporaire due aux péchés remis reste encore à subir, du moins en partie, et il arrive aussi qu'il reste dans l'âme des péchés véniels. Il faut donc, selon la justice divine, que l'âme de ces défunts subisse une peine temporaire dans l'autre vie. Saint Thomas ajoute : « Ceux qui nient le purgatoire parlent donc contre la justice divine et tombent dans l'hérésie, connue l'a dit saint Grégoire de Nysse ».

Cette raison théologique fondée sur la nécessité de la satisfaction est démonstrative et elle renverse le fondement de la négation protestante du purgatoire ( Dict. théol. cath., art. Purgatoire (A. Michel), col. 1179 ss, 1285. - Cette raison théologique est conservée par Suarez dans son traité De Purgatorio (Opera, Vivès t. XXII, p. 879) ; elle a été trop peu considérée par plusieurs théologiens plus récents.). Elle est indiquée par le Concile de Trente (Denz. 904), lorsqu'il définit « qu'il est absolument faux et contraire à la parole de Dieu de soutenir que le péché n'est jamais remis par Dieu, sans que soit remise en même temps toute la peine due au péché » (cf. ibid. can. 12 et 15. Denz. 922, 925).

Cela n'est vrai, dit le Concile (ibid. 904), que pour les péchés remis par le baptême, mais non pas pour ceux commis avec une plus grande ingratitude après le baptême et remis par la contrition et le sacrement de pénitence. Il reste souvent à subir une peine temporaire due aux péchés remis.

Pour le baptême des adultes, c'est différent, parce que Notre-Seigneur leur accorde comme don de joyeux avènement la remise de toute peine ; c'est pourquoi jadis certains remettaient leur baptême le plus tard possible.

Cette raison théologique est fondée sur ce que dit l'Écriture au sujet de la pénitence ( Cf. Catéchisme du Concile de Trente, I, c. 24, II, Nécessité de la satisfaction.). Déjà dans l'Ancien Testament on voit que même après la rémission du péché, il reste souvent une peine temporaire à subir. Le livre de la SAGESSE X, I, dit que Dieu « tira Adam de son péché », et cependant il dut continuer de cultiver le sol à la sueur de son front (Gen., III, 17). Moïse, en punition d'une faute déjà pardonnée, n'entra pas dans la terre promise (Nombres, XX, II ; Deuter., XXXIV, 4). Quoique David se fut déjà repenti de son adultère et en eût reçu le pardon, il en fût puni par la mort de son fils (II REG., XII, 14). Jésus et les Apôtres prêchent la nécessité de la pénitence et des bonnes oeuvres satisfactoires pour l'expiation des péchés déjà remis. SAINT PAUL, II COR., VI, 5, parle « des travaux, des veilles, des jeûnes » que l'Église a toujours considérés comme « dignes fruits de pénitence » selon la parole du Précurseur, MATTH., III, 8 (cf. Conc. de Trente, Denz. 8o6, 8o7). Il est dit souvent dans l'Écriture que l'aumône libère de la peine due au péché ( TOB. IV, IX ; XII, 9 ; ECCLI. III, 33 ; DAN., IV, 24; LUC, Xl, 41, cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 15, a. 3.).

Les bonnes oeuvres satisfactoires sont en même temps méritoires ; elles supposent donc l'état de grâce ou la rémission des péchés et elles constituent une réparation ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 14, a. 2 : « Sine caritate opera facta non sunt satisfactoria, sec. illud Pauli : « Si distribuero in cibos pauperum, caritatem auteur non habuero, nihil mihi prodest » I COR., XIII, 3.). De même dans l'ordre naturel, il ne suffit pas que celui qui a enlevé la fille du roi, la restitue ; il faut en outre qu'il répare l'injure, en subissant une peine proportionnée.

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QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Selon la justice divine il faut que celui qui meurt avec la contrition de ses péchés, sans avoir subi encore la peine temporaire qu'ils méritent, la subisse dans l'autre. Or au moment de la mort, malgré la contrition qui efface le péché mortel et remet la peine éternelle, il arrive souvent que la peine temporaire due aux péchés remis reste encore à subir, du moins en partie, et il arrive aussi qu'il reste dans l'âme des péchés véniels. Il faut donc, selon la justice divine, que l'âme de ces défunts subisse une peine temporaire dans l'autre vie. Saint Thomas ajoute : « Ceux qui nient le purgatoire parlent donc contre la justice divine et tombent dans l'hérésie, connue l'a dit saint Grégoire de Nysse ».

Cette raison théologique fondée sur la nécessité de la satisfaction est démonstrative et elle renverse le fondement de la négation protestante du purgatoire ( Dict. théol. cath., art. Purgatoire (A. Michel), col. 1179 ss, 1285. - Cette raison théologique est conservée par Suarez dans son traité De Purgatorio (Opera, Vivès t. XXII, p. 879) ; elle a été trop peu considérée par plusieurs théologiens plus récents.). Elle est indiquée par le Concile de Trente (Denz. 904), lorsqu'il définit « qu'il est absolument faux et contraire à la parole de Dieu de soutenir que le péché n'est jamais remis par Dieu, sans que soit remise en même temps toute la peine due au péché » (cf. ibid. can. 12 et 15. Denz. 922, 925). 

Cela n'est vrai, dit le Concile (ibid. 904), que pour les péchés remis par le baptême, mais non pas pour ceux commis avec une plus grande ingratitude après le baptême et remis par la contrition et le sacrement de pénitence. Il reste souvent à subir une peine temporaire due aux péchés remis.

Pour le baptême des adultes, c'est différent, parce que Notre-Seigneur leur accorde comme don de joyeux avènement la remise de toute peine ; c'est pourquoi jadis certains remettaient leur baptême le plus tard possible.

Cette raison théologique est fondée sur ce que dit l'Écriture au sujet de la pénitence ( Cf. Catéchisme du Concile de Trente, I, c. 24, II, Nécessité de la satisfaction.). Déjà dans l'Ancien Testament on voit que même après la rémission du péché, il reste souvent une peine temporaire à subir. Le livre de la SAGESSE X, I, dit que Dieu « tira Adam de son péché », et cependant il dut continuer de cultiver le sol à la sueur de son front (Gen., III, 17). Moïse, en punition d'une faute déjà pardonnée, n'entra pas dans la terre promise (Nombres, XX, II ; Deuter., XXXIV, 4). Quoique David se fut déjà repenti de son adultère et en eût reçu le pardon, il en fût puni par la mort de son fils (II REG., XII, 14). Jésus et les Apôtres prêchent la nécessité de la pénitence et des bonnes oeuvres satisfactoires pour l'expiation des péchés déjà remis. SAINT PAUL, II COR., VI, 5, parle « des travaux, des veilles, des jeûnes » que l'Église a toujours considérés comme « dignes fruits de pénitence » selon la parole du Précurseur, MATTH., III, 8 (cf. Conc. de Trente, Denz. 8o6, 8o7). Il est dit souvent dans l'Écriture que l'aumône libère de la peine due au péché ( TOB. IV, IX ; XII, 9 ; ECCLI. III, 33 ; DAN., IV, 24; LUC, Xl, 41, cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 15, a. 3.). 

Les bonnes oeuvres satisfactoires sont en même temps méritoires ; elles supposent donc l'état de grâce ou la rémission des péchés et elles constituent une réparation ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl. q. 14, a. 2 : « Sine caritate opera facta non sunt satisfactoria, sec. illud Pauli : « Si distribuero in cibos pauperum, caritatem auteur non habuero, nihil mihi prodest » I COR., XIII, 3.). De même dans l'ordre naturel, il ne suffit pas que celui qui a enlevé la fille du roi, la restitue ; il faut en outre qu'il répare l'injure, en subissant une peine proportionnée.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 27 Jan - 22:15

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


Il ne suffit pas en effet de cesser de pécher, ni même de se repentir, il faut que l'ordre de la justice qui a été violé, soit rétabli par l'acceptation volontaire d'une peine compensatrice ( Cf. SAINT THOMAS, Ia., IIae q. 87, a. 6 et Appendice du Supplément, a. 7.). La volonté créée qui s'est insurgée contre l'ordre divin, doit, même après le repentir, subir une peine : pour s'être détournée de Dieu, elle est privée de sa possession pendant un temps et pour lui avoir préféré un bien créé, elle doit subir une peine dite du sens.

Mais, objectent les Protestants, le Christ rédempteur a déjà surabondamment satisfait pour toutes nos fautes. La Tradition a toujours répondu : les mérites satisfactoires du Christ sont suffisants certes pour le rachat de tous les hommes, mais encore faut-il qu'ils nous soient appliqués pour être efficaces en nous ( Cf. BELLARMIN, De Purgatorio, c. XIV.) ; ils nous sont appliqués par le baptême, puis, après rechute, par le sacrement de pénitence, dont la satisfaction fait partie. Comme la cause première ne rend pas inutiles les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, les mérites du Christ ne rendent pas les nôtres inutiles, mais les suscitent pour nous faire travailler avec Lui, par Lui et en Lui, au salut des âmes et de la nôtre en particulier. Ainsi saint Paul peut dire, COL. I, 24 : « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ».

Nier la nécessité de la satisfaction en ce monde, et de la satispassion au purgatoire, conduit à la négation de la vie réparatrice, et même à la négation luthérienne de la nécessité des bonnes oeuvres, comme si la foi sans les oeuvres suffisait à la justification et au salut.

Un jour à la suite d'une conférence que je faisais à Genève, un protestant fort instruit et d'une intelligence pénétrante vint me trouver. Je lui dis : Comment Luther a-t-il pu en venir à cette conclusion que la foi seule aux mérites du Christ suffit au salut et qu'il n'est pas nécessaire d'observer les préceptes, pas même les préceptes de l'amour de Dieu et du prochain ? » - Il me répondit : « C'est très simple » - « Comment très simple ? » - « Oui, c'est diabolique » ajouta-t-il. - « Je n'aurais pas osé vous le dire, répondis-je ; mais comment êtes-vous luthérien » ? - « Dans ma famille, me dit-il, nous le sommes de père en fils, mais prochainement j'entrerai dans l'Église catholique ».

Aussi le P. Monsabré ( Conférences de Notre-Dame, ann. 1889, 97° conférence, pp. 30 et 35.) a-t-il pu écrire : « Pour être conséquent avec ses principes touchant la justification, le protestantisme a nié le dogme du purgatoire. L'homme pouvant être sauvé par la seule foi dans les mérites du Christ, et sans qu'il ait à s'inquiéter de ses oeuvres, il est évident qu'il ne peut avoir, après la mort, aucun démêlé avec la justice divine, qui ne doit tenir compte que de son audacieuse et imperturbable confiance dans la vertu rédemptrice de celui dont il exploite les mérites bien qu'il ait violé tous ses commandements. Mais il est évident aussi que la négation qui découle de ces principes, inventés pour des scélérats, est odieuse autant qu'absurde... Elle est inintelligente et barbare, car rien n'est plus conforme à la raison que la doctrine de l'Église sur le purgatoire et rien de plus consolant pour le coeur... Pour le protestantisme il n'y a à la dernière heure que l'effroyable perspective du tout ou rien. Impossible de compter sur le ciel, lorsqu'on voit qu'on a été misérable toute sa vie et qu'on n'a offert à Dieu qu'un repentir tardif, sans avoir réparé tant d'offenses. Alors il ne reste plus que la perspective de la malédiction ».

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyJeu 28 Jan - 21:32

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Il ne suffit pas en effet de cesser de pécher, ni même de se repentir, il faut que l'ordre de la justice qui a été violé, soit rétabli par l'acceptation volontaire d'une peine compensatrice ( Cf. SAINT THOMAS, Ia., IIae q. 87, a. 6 et Appendice du Supplément, a. 7.). La volonté créée qui s'est insurgée contre l'ordre divin, doit, même après le repentir, subir une peine : pour s'être détournée de Dieu, elle est privée de sa possession pendant un temps et pour lui avoir préféré un bien créé, elle doit subir une peine dite du sens.

Mais, objectent les Protestants, le Christ rédempteur a déjà surabondamment satisfait pour toutes nos fautes. La Tradition a toujours répondu : les mérites satisfactoires du Christ sont suffisants certes pour le rachat de tous les hommes, mais encore faut-il qu'ils nous soient appliqués pour être efficaces en nous ( Cf. BELLARMIN, De Purgatorio, c. XIV.) ; ils nous sont appliqués par le baptême, puis, après rechute, par le sacrement de pénitence, dont la satisfaction fait partie. Comme la cause première ne rend pas inutiles les causes secondes, mais leur donne la dignité de la causalité, les mérites du Christ ne rendent pas les nôtres inutiles, mais les suscitent pour nous faire travailler avec Lui, par Lui et en Lui, au salut des âmes et de la nôtre en particulier. Ainsi saint Paul peut dire, COL. I, 24 : « Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l'achève pour son corps, qui est l'Église ».

Nier la nécessité de la satisfaction en ce monde, et de la satispassion au purgatoire, conduit à la négation de la vie réparatrice, et même à la négation luthérienne de la nécessité des bonnes oeuvres, comme si la foi sans les oeuvres suffisait à la justification et au salut.

Un jour à la suite d'une conférence que je faisais à Genève, un protestant fort instruit et d'une intelligence pénétrante vint me trouver. Je lui dis : Comment Luther a-t-il pu en venir à cette conclusion que la foi seule aux mérites du Christ suffit au salut et qu'il n'est pas nécessaire d'observer les préceptes, pas même les préceptes de l'amour de Dieu et du prochain ? » - Il me répondit : « C'est très simple » - « Comment très simple ? » - « Oui, c'est diabolique » ajouta-t-il. - « Je n'aurais pas osé vous le dire, répondis-je ; mais comment êtes-vous luthérien » ? - « Dans ma famille, me dit-il, nous le sommes de père en fils, mais prochainement j'entrerai dans l'Église catholique ».

Aussi le P. Monsabré ( Conférences de Notre-Dame, ann. 1889, 97° conférence, pp. 30 et 35.) a-t-il pu écrire : « Pour être conséquent avec ses principes touchant la justification, le protestantisme a nié le dogme du purgatoire. L'homme pouvant être sauvé par la seule foi dans les mérites du Christ, et sans qu'il ait à s'inquiéter de ses oeuvres, il est évident qu'il ne peut avoir, après la mort, aucun démêlé avec la justice divine, qui ne doit tenir compte que de son audacieuse et imperturbable confiance dans la vertu rédemptrice de celui dont il exploite les mérites bien qu'il ait violé tous ses commandements. Mais il est évident aussi que la négation qui découle de ces principes, inventés pour des scélérats, est odieuse autant qu'absurde... Elle est inintelligente et barbare, car rien n'est plus conforme à la raison que la doctrine de l'Église sur le purgatoire et rien de plus consolant pour le coeur... Pour le protestantisme il n'y a à la dernière heure que l'effroyable perspective du tout ou rien. Impossible de compter sur le ciel, lorsqu'on voit qu'on a été misérable toute sa vie et qu'on n'a offert à Dieu qu'un repentir tardif, sans avoir réparé tant d'offenses. Alors il ne reste plus que la perspective de la malédiction ».

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 29 Jan - 23:13

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE III

LES RAISONS THÉOLOGIQUES CERTAINES DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE


On peut objecter que ces suites du péché ne restent pas chez ceux qui ont bien reçu l'extrême-onction, car ce sacrement a pour effet d'enlever les restes du péché. Il faut répondre que tous ceux qui meurent en état de grâce ne reçoivent pas l'extrême-onction, plusieurs ne la reçoivent pas dans les conditions voulues, et puis, comme le montre saint Thomas ( Supplément, q. 30, a. 1, ad 2 m.) « l'extrême-onction (ayant pour but de fortifier l'âme pour le combat de l'agonie), diminue la faiblesse de l'âme de telle façon que les habitudes désordonnées, suites des péchés déjà remis, ne puissent pas nous nuire au moment suprême ». Mais ces habitudes restent encore comme de la rouille dans nos facultés, et il faut donc après la mort une purification qui en délivre, car rien de souillé n'entre dans la gloire.

Telles sont les raisons théologiques de la nécessité et de l'existence du purgatoire : il y a souvent une peine temporaire à subir pour les péchés déjà remis ; à cela s'ajoute bien des fois des péchés véniels non encore remis, et les habitudes défectueuses qui sont comme les restes des péchés déjà pardonnés. Ces habitudes défectueuses acquises sur la terre disparaissent par la mort dans leur élément sensitif, mais elles restent comme dispositions désordonnées de la volonté. De ces trois raisons, la principale est la première, et elle est, croyons-nous, démonstrative, de par les principes révélés sur lesquels elle repose. (Lire Imit., I, c. 24 : Du jugement et des peines des pécheurs).

CHAPITRE IV

NATURE DE LA PEINE PRINCIPALE DU PURGATOIRE : LE RETARD DE LA VISION BÉATIFIQUE


Selon la doctrine commune, la peine principale du purgatoire est le retard ou la dilation de la vision béatifique, de l'éternelle béatitude, dont jouissent les saints au ciel. Ce retard a été quelquefois appelé peine du dam temporaire et improprement dite par comparaison avec la peine du dam éternelle qui est celle de l'enfer.

Il y a entre les deux une immense différence au point de vue de leur durée, de la rigueur et des suites tandis que les damnés n'ont plus d'espoir, ont perdu toute charité, blasphèment sans cesse contre Dieu qu'ils haïssent, ont une volonté obstinée dans le mal, ne se repentent jamais de leur péché comme faute et désirent la damnation de tous, les âmes du purgatoire ont une espérance assurée, une charité inamissible, elles adorent Dieu, source de tout bien, elles ont même le culte de la justice divine, elles sont confirmées dans le bien, se repentent profondément de leurs péchés comme faute et offense à Dieu, et elles ont une vraie charité pour tous les enfants de Dieu et ceux encore appelés à le devenir.

Il faut remarquer aussi que le retard de la vision béatifique diffère notablement de celui qui existait dans les limbes avant la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Pour les justes qui avaient personnellement satisfait à la justice divine, comme Abraham, Isaac, Jacob, le saint homme Job, Moïse, les prophètes, ce retard n'était pas une peine proprement dite par rapport à leur personne, mais seulement par rapport à la nature humaine, qui n'était pas encore parfaitement régénérée ; le temps de la délivrance par le Christ rédempteur n'était pas encore arrivé.

Au contraire il est maintenant révolu, aussi le retard de la vision béatifique est vraiment une peine pour les âmes du purgatoire, et, selon la tradition, la principale de leurs peines.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 31 Jan - 7:58

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CHAPITRE IV

CETTE PEINE EST-ELLE TRÈS DOULOUREUSE, PLUS QUE TOUTE PEINE TEMPORAIRE DE LA VIE PRÉSENTE ?


Saint Thomas ( IV Sent, d. 21, q. 1, a. 3 et Appendice du Supplément, a. 3.) répond affirmativement pour deux raisons : parce que tel paraît être l'enseignement de la tradition, et parce que la raison théologique conduit à cette conclusion.

La tradition s'exprime par saint Augustin qui dit in Ps. XXXVII, 3 au sujet du feu du purgatoire : « Il sera plus pénible que tout ce que l'homme peut souffrir dans la vie présente » « Gravior erit fille ignis, quam quidquid potest homo pati in hac vita ». R. DE JOURNEL, Op. cit., 1467., et encore la peine du feu n'est pas la principale, mais saint Augustin dans ce texte semble parler des deux peines réunies.

Saint Isidore parle de même ( « De illo purgatorio igni hoc animadvertendum est quod omni quem excogitare in praesenti potest homo, tormentorum modo et longior et acrior sit ». De Ordine creatur., c. XIV, n. 12.).

Selon ces témoignages et d'autres semblables, saint Thomas, loc. cit., dit que « la moindre des peines du purgatoire dépasse la plus grande de la vie présente ».

Saint Bonaventure dit : « Dans l'autre vie, en raison de l'état des âmes, la peine purificatrice sera, en son genre, plus grave que la plus forte épreuve de la terre » ( IV Sent., d. XXI, q. IV, et d. XX, a. 2, q. 2.). Il entend : pour le même péché, la plus petite peine du purgatoire sera supérieure à la plus grave punition terrestre correspondante, mais il ne s'ensuit pas que la moindre de toutes les peines du purgatoire dépasse la plus grande des peines terrestres.

Saint Bonaventure diffère ainsi un peu de saint Thomas ; il est suivi par saint R. Bellarmin ( Cf. Dict. de théol. cathol., art. Purgatoire (A. Michel), col. 1240, 1292. ). Selon ce dernier la privation de Dieu est sans doute une grande souffrance, mais « adoucie et soulagée par l'espoir assuré de le posséder ; de cet espoir naît une incroyable joie qui s'accroît à mesure qu'approche la fin de l'exil » ( De Purgatoiio, c. XIV, p. 121.).

Plusieurs théologiens avec Suarez ( Op. cit. Disp. XLVI, sect. 1, n. 2, 5, 6.) ont remarqué à bon droit, (pour expliquer l'assertion de saint Thomas), que les peines du purgatoire, surtout le retard de la vision béatifique, sont d'un autre ordre que les peines terrestres, et en ce sens on peut dire que la plus petite peine du purgatoire est plus dure que la plus grande peine terrestre.

D'autant plus que la joie de l'espérance peut ne pas diminuer la peine d'être privé de Dieu, comme en Jésus crucifié la suprême béatitude et l'amour de Dieu et des âmes, loin de diminuer l'extrême douleur, l'augmentaient ; l'amour de Dieu et des âmes le faisait souffrir du péché. Sainte Catherine de Gênes dit dans son Traité du purgatoire, ch. XIV : « Les âmes du purgatoire ont à la fois une très grande joie et une très grande peine, l'une ne diminuant pas l'autre ».

Sainte Catherine de Gênes dit aussi : « Aucune paix n'est comparable à celle des âmes du purgatoire, excepté celle des saints du ciel... D'autre part, il est également vrai de dire qu'elles endurent des tourments qu'aucune langue ne peut décrire, ni aucune intelligence comprendre, à moins qu'ils ne soient révélés par une grâce spéciale ». Op. cit., ch. II et III. Cette Sainte a eu déjà sur terre une expérience des purifications d'outre-tombe.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 31 Jan - 21:28

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CHAPITRE IV

CETTE PEINE EST-ELLE TRÈS DOULOUREUSE, PLUS QUE TOUTE PEINE TEMPORAIRE DE LA VIE PRÉSENTE ?


Le témoignage de la tradition affirme donc que les peines des âmes du purgatoire sont très douloureuses, surtout la peine principale, et fort difficiles à comprendre et à exprimer. Une chose nous aide à l'entendre : lorsque nous lisons les sermons des grands saints, nous trouvons qu'ils sont plus sévères que les prédicateurs ordinaires, mais aussi qu'ils ont beaucoup plus l'amour de Dieu et des âmes. Cela permet d'entrevoir la juste sévérité du Très-Haut et son immense amour. Déjà une très bonne mère chrétienne sait être sévère pour apprendre à ses enfants à vaincre leur égoïsme, mais ce qui domine en elle est sa douceur et sa bonté maternelle. Il arrive aujourd'hui que les parents ne savent plus avoir pour leurs enfants, ni la juste sévérité, ni l'amour profond dont ils devraient les entourer. Et si l'on ne fait pas son purgatoire sur la terre, il faudra le faire plus tard. Il ne faut pas trop distinguer la sanctification et le salut, car en négligeant de se sanctifier on pourrait manquer son salut.

La raison théologique donnée par saint Thomas, loc. cit., montre que la peine temporaire de la privation de la vision béatifique est très douloureuse dans une âme juste séparée de son corps.

On souffre en effet d'autant plus de la privation d'un bien, qu'on le désire davantage. Or l'âme juste séparée de son corps a un désir très intense du Souverain Bien. Cela pour deux raisons, l'une indirecte et négative, l'autre positive.

D'abord son désir de Dieu n'est plus retardé par le poids du corps, par les distractions et occupations de la vie terrestre, et il n'est pas interrompu par le sommeil. Cette âme séparée ne trouve plus de biens créés pour se distraire et oublier la douleur de la privation de Dieu.

Mais de plus son désir de Dieu est positivement très intense, parce que l'heure est arrivée où elle devrait jouir de Lui, si elle n'y avait pas mis obstacle, par les fautes qu'il lui faut expier.

Pour le bien entendre, il faut noter que les âmes du purgatoire saisissent beaucoup plus clairement que nous, par les idées infuses qu'elles ont reçu, la valeur sans mesure de la vision immédiate de Dieu, de sa possession inamissible. De plus ces âmes se voient intuitivement elles-mêmes et, sûres désormais de leur salut, elles connaissent avec une absolue certitude qu'elles sont prédestinées à voir Dieu face à face. Elles reçoivent en outre de nouvelles grâces actuelles de lumière, d'amour et de force, pour persévérer.

Or elles voient non moins clairement que le temps serait venu de posséder Dieu, si elles n'y avaient pas mis d'obstacles par leurs fautes qui sont encore à expier. Sans ce retard dans l'expiation, l'instant de la séparation du corps aurait coïncidé avec celui de l'entrée au ciel.

Et donc selon l'ordre radical de sa vie spirituelle, l'âme juste séparée du corps devrait déjà jouir de la vision béatifique. Elle a par suite une véritable faim de Dieu, qu'elle n'éprouvait nullement sur la terre, car l'heure de la béatitude parfaite n'était pas encore venue. Maintenant elle voit qu'elle a manqué par sa faute au rendez-vous de Dieu ; et, parce qu'elle ne l'a pas assez cherché, maintenant il se cache.

Cette souffrance spirituelle se comprend même par certaines analogies. Lorsque nous attendons absolument une personne aimée pour traiter d'une chose grave à une heure déterminée, si cette personne n'arrive pas au moment fixé, l'inquiétude vient et plus le retard augmente, plus l'inquiétude grandit sur ce qui a pu arriver à cette personne attendue.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 2 Fév - 14:05

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De même dans l'ordre physique, si notre repas est retardé de cinq à six heures et plus encore, la souffrance de la faim augmente, parce que selon l'ordre radical de la vie de notre organisme, nous avons absolument besoin de nourriture. Si nous n'avions pas mangé depuis trois jours, la souffrance de la faim deviendrait très forte.

Il y a quelque chose de semblable dans le domaine spirituel. Dès que l'âme juste est séparée de son corps selon l'ordre radical de sa vie, elle devrait voir Dieu, s'il n'y avait pas l'obstacle des fautes à expier ; elle éprouve donc une faim insatiable de Dieu.

Elle connaît beaucoup mieux que dans la vie terrestre, que sa volonté à elle est d'une profondeur sans mesure, et que Dieu seul vu face à face peut la combler et irrésistiblement l'attirer.

Elle sent dès lors très vivement le vide immense qui provient en elle de la privation de Dieu et ce vide la rend plus avide du Souverain Bien Cf. SAINT THOMAS, Gentes, 1. IV, C. 91, n, 2 : « Ex hoc enim quod anima separatur a corpore fit capax visionis divinae, ad quam dum esset conjuncta corruptibili corpori pervenire non poterat... Statim igitur post mortem, animae consequuntur paenam vel praemium, si impedimentum non sit »..

Il y a donc dans les âmes du purgatoire un désir très intense de Dieu. Il dépasse de beaucoup « le désir naturel » (conditionnel et inefficace) de voir Dieu qui se trouve dans la vie présente chez beaucoup d'hommes, celui dont parle saint Thomas Ia, q. 12, a. 1.

Le désir dont nous parlons maintenant est un désir surnaturel qui procède de l'espérance infuse et aussi de la charité infuse. C'est un désir efficace qui sera infailliblement satisfait, mais plus tard ; et, en attendant, il n'y a pas de distractions, d'occupations, de sommeil qui fasse oublier.

L'heure est arrivée de voir Dieu, et à cause des fautes à expier, Il se refuse pour un temps plus ou moins long. On s'est recherché, au lieu de le rechercher Lui ; et maintenant on ne Le trouve pas.

Si, comme le disent Aristote et saint Thomas, « la joie s'ajoute à l'acte parfait comme à la jeunesse sa fleur », la plus grande joie suit l'acte de la vision de Dieu, et par opposition l'absence de cette vision, lorsque l'heure est arrivée de la recevoir, cause la plus grande douleur.

Les âmes du purgatoire sentent très vivement leur impuissance et leur pauvreté à la fin de leur vie terrestre des saints ont éprouvé quelque chose de semblable, et comme saint Paul ils ont « désiré mourir, pour être avec le Christ ». PHILL, I, 23.

On l'a dit souvent, il y a dans les âmes du purgatoire comme un flux et un reflux ; elles sont fortement attirées vers Dieu et d'autre part elles sont retenues par les restes des péchés à expier. Elles ne peuvent arriver au but ardemment désiré.

Aussi leur amour de Dieu ne diminue pas leur peine, mais l'augmente, et cet amour n'est plus méritoire, car le temps du mérite est passé. Ces âmes appartiennent vraiment à l'Église souffrante.

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CHAPITRE IV

CETTE PEINE EST-ELLE TRÈS DOULOUREUSE, PLUS QUE TOUTE PEINE TEMPORAIRE DE LA VIE PRÉSENTE ?


Sainte Catherine de Gênes dans son Traité du purgatoire généralement très estimé par les théologiens dit au chapitre VII : « Supposons que dans le monde entier, il n'y eût qu'un seul pain pour apaiser la faim de chaque créature et que sa seule vue pût les satisfaire. L'homme quand il est en bonne santé, a par sa nature l'instinct de la nourriture, et s'il pouvait s'en abstenir sans perdre ses forces et mourir, cette faim deviendrait toujours plus grande et causerait des peines intolérables.

Si donc l'homme était certain de ne jamais voir l'unique pain dont nous avons parlé, son enfer serait comme celui des damnés. Mais les âmes du purgatoire ont l'espoir certain de voir ce pain unique et d'être entièrement rassasiées; c'est pourquoi elles endurent la faim et souffrent toutes les peines, jusqu'au moment où elles entreront en l'éternelle possession de ce Pain de vie, qui est Jésus-Christ, notre amour » Sainte Catherine de Gênes reçut de bonne heure de grandes grâces très consolantes pendant cinq ans, puis elle eut cinq ans de grande aridité, à la suite desquels elle se découragea, et pendant cinq autres années négligea beaucoup ses devoirs religieux. Sa soeur lui dit alors un jour : « c'est demain une grande fête, j'espère que tu vas aller te confesser ».

Elle y alla, et à ce confessionnal elle reçut une très grande grâce de contrition, elle commença alors une héroïque pénitence, jusqu'à ce que le Seigneur lui eut fait comprendre qu'elle avait satisfait à la justice divine. Alors elle dit : « Si maintenant je revenais en arrière, je voudrais que pour me punir, on m'arrachât les yeux, et je trouve que ce ne serait pas assez ».

Cette analogie de la faim est aussi développée par le Père Faber Tout pour Jésus, p. 388 ; - Voir aussi Dict. de théol. cath. art. Dam (T. ORTOLAN) : La peine du dam en purgatoire, col, 17, ss. - MONSABRÉ, Conférences de Notre-Dame. 97° Conf.: Le purgatoire. - Mgr GAY, La Vie et les vertus chrétiennes, c. 17. De l'Église souffrante. .

A ces âmes s'appliquent plusieurs textes de l'Écriture sur la faim et la soif de Dieu « J'enverrai une faim sur la terre, non une faim de pain, mais d'entendre les paroles du Seigneur, et ils iront de côté et d'autre, cherchant la parole divine et ils ne la trouveront pas » AMOS, VIII, 11. - « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice de Dieu » MATTH., V, 6. - « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive... et des fleuves d'eau vive couleront de sa poitrine » JEAN, VII, 37. - « Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu » Ps. XLI, 3. - « O Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aurore ; mon âme a soif de toi, ma chair languit après toi, dans une terre aride, desséchée et sans eau ». Ps. LXII, 1.

Enfin si le purgatoire est moins dur ou plus court pour des âmes qui n'ont guère péché que par faiblesse, il doit être bien rigoureux ou bien long pour celles qui ont pendant longtemps gaspillé en partie des confessions et des communions. (lire Imit. III, c. 13, n° 3 : « Fils du néant, qu'as-tu à te plaindre ? Pécheur couvert d'ignominie, qu'as-tu à répondre, quelque reproche qu'on t'adresse, toi qui as tant de fois offensé Dieu, tant de fois mérité l'enfer. Mais ma bonté t'a épargné... afin que tu connusses mon amour... »

EXAMEN DE DEUX DIFFICULTÉS

Mais, dira-t-on, bien des âmes qui sont au purgatoire n'ont péché que véniellement, et une peine si dure n'est pas proportionnée au péché véniel.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 3 Fév - 21:24

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE IV

EXAMEN DE DEUX DIFFICULTÉS


Saint Thomas répond, loc. cit. a. 3, ad 2 m : « la rigueur de cette peine correspond moins à la gravité relative du péché, qu'à la disposition de l'âme qui souffre, car le même péché est puni plus rigoureusement au purgatoire que sur la terre. De même celui qui est d'une complexion plus délicate souffre plus qu'un autre, s'il est battu de verges, et pourtant le juge doit infliger la même peine pour le même délit ».

Pourquoi le même péché est-il plus rigoureusement puni au purgatoire que sur la terre ? Parce que, pour réparer, il n'y a plus les oeuvres à la fois méritoires et satisfactoires, le temps du mérite est passé ; il ne reste plus que la satispassion, le support volontaire de la peine, et de plus l'âme séparée connaît beaucoup mieux qu'auparavant que Dieu est l'unique nécessaire.

Ces âmes ne peuvent plus rien faire pour elles-mêmes, mais seulement souffrir, aussi convient-il que nous, qui pouvons encore mériter et satisfaire, fassions pour elles ce qui nous est possible ; ce ne sera du reste jamais perdu car ces âmes qui ne pèchent plus, ne laissent rien perdre de ce qu'on leur obtient, et nous pouvons beaucoup par la prière.


Une seconde difficulté se présente à l'esprit : si la doctrine qui a été exposée est vraie, au purgatoire les âmes les plus saintes doivent souffrir plus que les autres, car leur désir de voir Dieu est plus intense. On ne voit plus dès lors qu'il y ait une juste proportion entre la peine et les fautes à expier.

A cette difficulté, on doit répondre, pensons-nous, comme le fait Suarez et comme le suggère sainte Catherine de Gênes. « Sous un rapport, les âmes les plus saintes du purgatoire souffrent davantage du retard de la vision béatifique, comme les plus grands saints sur la terre qui « désirent mourir, pour être avec le Christ » selon la parole de saint Paul. C'est la conséquence normale d'un amour intense et c'est une très noble souffrance, plaise à Dieu que nous l'éprouvions.

Mais par ailleurs, pour ces âmes les plus saintes du purgatoire, cette grande douleur est, non pas diminuée, mais compensée par leur plus grand abandon à la Providence et leur plus grand amour de la justice divine. Enfin les âmes les moins parfaites souffrent plus à un autre point de vue, parce qu'elles ont perdu pour l'éternité un plus haut degré de gloire, auquel elles seraient parvenues, si elles avaient été plus généreuses.

La doctrine qui a été exposée permet donc de résoudre ces difficultés. On le comprend d'autant mieux qu'on pense aux souffrances de Jésus et de sa Sainte Mère pendant la Passion ; elles étaient sans doute proportionnées à nos péchés à réparer, mais aussi à l'intensité de leur amour, car on souffre d'autant plus du péché, qu'on aime davantage Dieu, que le péché offense, et les âmes, que le péché ravage et fait mourir.

Nous sommes ici singulièrement loin du ciel tel que le conçoit le naturalisme, tel que le demande la grande Nature panthéiste, où se marient le ciel et l'enfer, « au delà du Bien et du Mal » et où, sans renoncer à rien, on trouverait la béatitude suprême. Ainsi parle l'ésotérisme de la Contre-Eglise, qui commence avec la Gnose et qui continue dans l'occultisme, en travaillant à l'universelle confusion. Goethe dans son Second Faust s'inspire de ce naturalisme, si éloigné de la foi chrétienne..

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyJeu 4 Fév - 21:53

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE V
LA PEINE DU SENS AU PURGATOIRE SA NATURE


Tandis que, nous l'avons vu, la peine de la privation de Dieu punit l'homme de s'être détourné de lui, la peine du sens le punit de s'être tourné vers la créature sans la référer à Dieu. Ce second désordre existe, sans le premier, dans le péché véniel.

C'est une doctrine certaine dans l'Église, tant pour les Grecs que pour les Latins qu'il y a, au purgatoire, une peine du sens : affliction positive, douleur, chagrin, honte de la conscience ; et la plupart des théologiens admettent même que toutes les âmes du purgatoire ont à subir jusqu'à la fin cette peine du sens Cf. Dict. de théol. cath., art. Purgatoire, c. 1292. .

Mais les Grecs schismatiques tout en admettant l'existence de cette peine du sens, nient l'existence du feu du purgatoire, tandis qu'ils reconnaissent celui de l'enfer. Le Concile de Florence n'a pas condamné cette opinion des Grecs.

Les Latins admettent au contraire que la peine du sens n'est autre que celle du feu du purgatoire. Cf. Denz. 3047, 3050 ( Cf. Ibid., art. Feu du Purgatoire, c. 2258-2261.).

Après les longues discussions et recherches historiques qui ont eu lieu sur ce point il paraît sage de conclure avec saint R. Bellarmin et Suarez, comme le fait l'auteur de l'article Feu du purgatoire du Dict. théol. cath. c. 2260 ( Voir aussi E. HUGON O. P. Tract. dogmatici: De Novissimis, 1927, p. 824.) : « Bien que l'existence du feu du purgatoire soit moins certaine que celle du feu de l'enfer, la doctrine qui admet un feu réel au purgatoire doit être qualifiée sententia probabilissima, et l'opinion contraire est improbable. Cela pour plusieurs raisons : 1° le consentement des théologiens scolastiques, 2° l'autorité de saint Grégoire, Dial., 1. IV, c. 39. 45 ; 3° l'autorité de saint Augustin, Enchir., c. 69, De Civ. Dei, l. XXI, c. 26 ; 4° les témoignages concordants de saint Cyprien, saint Basile, saint Césaire, de la liturgie qui demande le « rafraîchissement » pour ces âmes, 5° l'accord unanime des Pères latins au Concile de Florence, 6° le fondement assez probable dans I. COR., III, 13-15 ( « Le feu passera tout à l'épreuve, montrant ce que vaut le travail de chacun ».) ; 7° enfin les révélations particulières, (par exemple celles de sainte Catherine de Ricci : elle souffrit quarante jours de suite pour délivrer une âme du purgatoire, et une novice lui touchant la main, lui dit : « Mais, ma Mère, vous brûlez ! » - « Oui, ma fille » répondit-elle ; ce feu ne se voyait pas, mais la consumait, comme une fièvre ardente).

Selon les mêmes témoignages ce feu du purgatoire est un feu réel et même corporel comme celui de l'enfer. Ce qu'on en dit fait penser aux vibrations moléculaires aptes à produire une sensation de brûlure.

Comment le feu du purgatoire peut-il faire souffrir des âmes séparées de leur corps et qui n'ont plus que radicalement leurs facultés sensitives ?

A cette question il faut répondre comme nous l'avons fait plus haut, pour le feu de l'enfer ( cf. supra : IIIe Partie, ch. IV.). Ce feu agit sur l'âme, non par sa vertu propre, mais à titre d'instrument de la justice divine, comme l'eau baptismale produit, sous l'influence de Dieu, la grâce dans nos âmes. Si l'on n'a pas assez bien reçu les instruments de la Miséricorde Divine, on devra pâtir de la part des instruments de sa justice.

Ce mode d'action du feu reste mystérieux, il a pour effet, selon Saint Thomas ( Cf. C. Gentes, 1. IV, c. 9o et IIIa, Suppl., q. 70, a. 3), de lier en quelque sorte l'âme, c'est-à-dire de l'empêcher d'agir comme elle voudrait et où elle le voudrait, et il lui inflige l'humiliation de dépendre ainsi d'une créature matérielle. Souffrance qui n'est pas sans analogie avec celle qu'éprouve une personne paralysée qui ne peut faire les mouvements qu'elle voudrait.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyVen 5 Fév - 22:37

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE V
EST-CE QUE LES PEINES DU PURGATOIRE SONT VOLONTAIRES ?


Saint Thomas ( Appendice du Suppl., a. 4.) répond : oui, en ce sens que l'âme veut les supporter, comme moyen imposé par la justice divine, pour arriver à la fin dernière ; elle le veut d'autant mieux qu'elle connaît la parfaite convenance de cette vive douleur ; l'acceptation volontaire de celle-ci purifie en effet le fond de la volonté de tout égoïsme ou recherche de soi. L'âme n'aurait pas eu le courage de s'imposer une peine si intime et si profonde, mais elle l'accepte volontairement.

Est-ce que ces âmes sont ainsi purifiées par la seule justice divine, ou doivent-elles en outre, souffrir de la part des démons ? Saint Thomas donne une réponse profonde, loc. cit., a. 5 : « Les élus ne souffrent au purgatoire que de la justice divine, ils n'ont pas à souffrir de la part des démons, car ils ont remporté la victoire sur eux ; et Dieu ne se sert pas non plus des bons anges pour cette purification douloureuse ». Elle est infligée par la justice divine qui est toujours unie à la Miséricorde.

Que penser du lieu du purgatoire ? Il ne saurait être déterminé avec certitude, la Révélation n'est pas assez explicite pour cela. Nous ne pouvons faire que des conjectures sur ce point. Ce qui est sûr, c'est que les âmes séparées de leur corps n'ont plus de commerce avec ceux qui vivent sur la terre, bien que de façon exceptionnelle, elles puissent se manifester à nous pour nous instruire et pour demander nos suffrages.

Est-ce que les souffrances du purgatoire diminuent progressivement ? ( Cf. Dicf. théol. cath., art. Purgatoire, col. 1295.) A un point de vue elles diminuent, en tant que les restes du péché disparaissent peu à peu comme une rouille en nos facultés, et en tant que la peine à subir diminue elle aussi.

Mais d'autre part ces souffrances augmentent avec le désir véhément de voir Dieu. La durée du purgatoire, comme nous l'avons dit plus haut ( Cf, supra, II• Partie, ch. VI.) n'est pas notre temps continu, mais elle lui ressemble, pour autant qu'il y a une succession de pensées et de sentiments mesurés par un temps discontinu, où chaque pensée ou sentiment a pour mesure un instant spirituel suivi d'un autre. Cf. saint Thomas, Ia, q. 10, a. 5 et ad 1m. Un instant spirituel du purgatoire peut durer plusieurs jours de notre temps solaire.

COMBIEN DE TEMPS LES AMES QUI SONT AU PURGATOIRE, DOIVENT-ELLES Y RESTER ?

Cf. Dict. theol. cath., ibid. col. 1289.

Le purgatoire lui-même durera jusqu'au jugement dernier, selon plusieurs déclarations de l'Église ( Denz. 464, 693, 3035, 3047, 3050.) fondées sur la Tradition et sur les paroles de l'Écriture relatives au jugement général : « Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice, et les justes à la vie éternelle » MATT., XXV, 46.

Il n'y aura plus alors de purgatoire, mais les derniers des élus trouveront avant de mourir une purification suffisante, car il est dit, (MATT., XXIV, 24) : « Il s'élèvera alors de faux Christs et de faux prophètes, et ils feront de grands prodiges, et des choses extraordinaires, jusqu'à séduire, s'il se pouvait, les élus eux-mêmes. »

Un peu plus haut, v. 22, il est dit : « Si ces jours n'étaient abrégés, personne n'échapperait, mais à cause des élus, ils seront abrégés ». - La fin du monde arrivera lorsque le nombre des élus sera complet, et lorsque la suite des générations humaines n'aura plus sa raison d'être. Le purgatoire donc aura un terme.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 7 Fév - 7:16

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE V

COMBIEN DE TEMPS LES AMES QUI SONT AU PURGATOIRE, DOIVENT-ELLES Y RESTER ?


Mais s'il s'agit de sa durée pour telle âme en particulier, il faut dire que la peine sera de plus longue durée ou plus intense, selon l'expiation requise. D'après saint Thomas (IV Sent., d. 21, q, 1, a. 3, qa 3, 1m et Appendice du Suppl., 8. S.) la rigueur de la peine du purgatoire correspond proprement à la gravité de la faute, et sa longueur correspond à ce que la faute est plus enracinée dans le sujet ; aussi il peut arriver que quelqu'un y reste plus longtemps et soit moins affligé qu'un autre qui en sera délivré plus tôt, après y avoir souffert de façon plus intense ».

Cela se conçoit assez facilement et il y a une analogie dans la vie présente : il arrive en effet sur terre que pour une faute grave contre la patrie on doive subir une peine très dure mais brève, comme celle de la flagellation, et que pour une faute préméditée, enracinée dans le sujet, on soit condamné à l'incarcération perpétuelle.

De même dans la vie spirituelle, sur terre, une dure et brève purification est requise pour un péché grave, et une purification plus longue mais moins pénible pour un péché moins grave, mais enraciné dans le sujet depuis longtemps.

Dominique Soto, O. P. ( In IV Sent. d. 19, q. 3, a. 2.) et Maldonat ont enseigné que les souffrances du purgatoire sont si pénibles et les suffrages de l'Église si efficaces, qu'aucune âme, quelle que soit sa dette, n'y doit y séjourner plus de vingt et même dix ans.

La presque unanimité des théologiens rejette cette opinion ; il se peut que des âmes qui se sont converties au dernier moment après toute une vie de graves désordres non expiés, restent au purgatoire pour un temps beaucoup plus long. Les théologiens, en général, se prononcent pour une durée assez longue ( Cf. SAINT R. BELLARMIN, De gemitu colombae, 1. II, c. 9.).

D'après des révélations, le purgatoire dure trois, quatre siècles et plus pour l'expiation de fautes très graves remises au dernier moment avant la mort, surtout si ces âmes ont eu de grandes responsabilités en de très hautes charges.

Il faut du reste redire qu'au purgatoire, il n'y a plus de temps continu, de temps solaire, d'heures, de jours, d'années ; il y a l'éviternité ou l'œvum, qui mesure ce qu'il y a d'immuable en la substance des âmes, d'immuable aussi dans leur connaissance d'elles-mêmes et de Dieu, d'immuable enfin dans leur amour, et il y a le temps discontinu qui mesure la succession de leurs pensées et de leurs sentiments.

Ce temps discontinu, nous l'avons vu, est composé d'instants spirituels successifs, et chacun de ces instants, peut correspondre à dix, vingt, trente, soixante heures de notre temps solaire, comme une personne peut rester trente heures en extase absorbée par une seule pensée.

Il n'y a donc pas de proportion entre notre temps solaire et ce temps discontinu du purgatoire. Mais s'il est révélé à quelqu'un que telle âme est délivrée du purgatoire en tel instant de notre temps, cet instant correspond à l'instant spirituel de sa délivrance.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 7 Fév - 20:47

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE


Après avoir parlé de la nature des peines du purgatoire, il faut voir comment elles sont supportées, et il convient de traiter par manière de synthèse de l'état même des âmes qui s'y trouvent, pour souligner les notes prédominantes de cet état.

Il faut brièvement rappeler d'abord ce que nous avons dit plus haut du mode de connaître de l'âme séparée et du jugement particulier ( Cf. supra, IIe Partie, ch. IV et VI.).

N'ayant plus leur corps, ces âmes n'ont plus les opérations de la vie sensitive ; de même elles n'ont plus que radicalement les facultés sensitives, par exemple l'imagination, la mémoire sensible. Mais elles conservent les facultés supérieures d'intelligence et de volonté. Elles gardent aussi les connaissances de la science acquise qu'elles avaient, les vertus acquises, les vertus infuses (théologales et morales), les sept dons du Saint-Esprit, mais elles les exercent sans le concours de l'imagination.

Leur mode d'être préternaturel (séparé du corps) s'accompagne normalement d'un mode d'agir préternaturel, par idées infuses, qui leur permettent de connaître le singulier dans l'universel, en particulier les personnes restées sur la terre, qui ont avec elles un rapport spécial.

En outre elles se voient intuitivement elles-mêmes, comme l'ange se voit, et connaissent donc très clairement leur spiritualité, leur immortalité, leur liberté ; elles connaissent aussi avec une absolue certitude, en elles-mêmes, comme en un miroir, Dieu auteur de leur nature et elles souffrent d'autant plus de ne pas le voir immédiatement. Elles se connaissent enfin les unes les autres.

Le jugement particulier a lieu, avons-nous dit, à l'instant même de la séparation du corps, instant qui a été le terme du mérite et du démérite, et cette sentence donnée par une illumination intellectuelle a porté sur toute la vie terrestre en ce qu'elle avait de bien et de mal, elle a donc été définitive. L'état de ces âmes dérive de ces principes et du jugement particulier.

CERTITUDE DU SALUT ET CONFIRMATION EN GRACE

Comme suite immédiate du jugement particulier, les âmes du purgatoire sont assurées de leur salut. Leur espérance n'a plus seulement comme la nôtre une certitude de tendance ( Cf. Saint Thomas IIa, IIae, q. 18, a. 4 : « Spes certitudinaliter tendit in suum finem, quasi participans certitudinem a fide. »), mais la certitude du terme ou d'arriver au terme. Sur terre il faudrait pour cela une révélation spéciale ( Cf. Conc. Trid. Denz. 805 : « Nisi ex speciali revelatione, sciri non potest, quos Deus sibi elegerit » Item n° 826. Attamen « in Dei auxilio firmissimam spem collocare et reponere omnes debent ». Ibid. n° 8o6.). Le jugement particulier contient cette révélation, l'âme est certaine maintenant de sa prédestination. Elle a une espérance non seulement ferme, mais assurée d'arriver au but.

De plus elle connaît par expérience qu'elle n'est ni au ciel, où l'on voit Dieu, ni en enfer, où on le blasphème, mais dans un lieu passager de purification, où, sans le voir, on l'aime par-dessus tout.

En outre ces âmes sont confirmées en grâce. C'est encore une suite du jugement particulier. Les théologiens l'enseignent communément en rappelant que l'Église a condamné cette proposition de Luther (Denz. 779) : « Les âmes du purgatoire pèchent constamment en cherchant à fuir les peines pour trouver le repos ». C'est à cause de cette confirmation en grâce qu'on les appelle « les saintes âmes du purgatoire ».

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 8 Fév - 22:15

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE 

CERTITUDE DU SALUT ET CONFIRMATION EN GRACE


Comment peuvent-elles être ainsi confirmées en grâce avant d'avoir reçu la vision béatifique qui entraîne l'impeccabilité ? Quand on voit Dieu face à face, on ne peut se détourner de lui, mais avant de le voir comment éviter les moindres fautes ? Suarez l'explique seulement par une protection spéciale de Dieu, qui préserve ces âmes du péché soit mortel, soit véniel, pour que leur entrée au ciel ne soit pas retardée davantage. 

Les thomistes, pour expliquer cette confirmation, ajoutent une raison intrinsèque : ces âmes, comme les purs esprits, jugent d'une façon immuable de leur fin ultime, comme nous jugeons des premiers principes, et elles y adhèrent aussi immuablement. Elles sont fixées dans le bien. 

C'est ce qu'a enseigné saint Thomas ( Ia, q. 64, a. 2 : « Angelus apprehendit immobiliter per intellectum, sicut et nos immobiliter apprehendimus prima principia... et voluntas angeli adhaeret fixe et immobiliter, scil. postquam libere adhaesit, immobiliter adhaeret ». C'est un reflet de l'immutabilité des décrets libres de Dieu. - De Veritate, q. 24, a. 11 : « Anima separata angelo conformatur quantum ad modum intelligendi et quantum ad indivisibilitatem appetitus » ; « tota vis appetitus tendit in unum ». Ibid. ad 4 m. - C. Gentes, I. IV, c. 95 : « Quando igitur anima exit a corpore separata, non exit in statu ut moveatur ad finem, sed ut in fine adepto semper quiescat ». Sa disposition à l'égard de la fin ultime ne changera plus, et elle jugera toujours de même selon cette disposition ou inclination.). 

Cette immuable adhésion à la fin ultime est supérieure à notre temps solaire, elle est mesurée par l'œvum ou l'éviternité, tandis que dans une région moins élevée de l'âme séparée, la succession de ses pensées et de ses sentiments est mesurée par le temps discontinu avec ses instants spirituels successifs (Ia, q. 10, a. 5, ad 1m). Il y a quelque chose de semblable sur terre chez les saints confirmés en grâce, leur inclination vers Dieu est immuable, et un peu au-dessous il y a dans leur âme la succession des pensées et des sentiments subordonnés à Dieu aimé par dessus tout.

Tout cela se déduit assez clairement des principes énoncés plus haut. Il nous reste pourtant quelques difficultés : les âmes du purgatoire maintenant confirmées en grâce, avaient souvent au moment de la mort bien des péchés véniels ; quand ces péchés leur sont-ils remis ? De plus celles qui se sont converties juste à la mort, après une vie de graves désordres, ont quitté leur corps avec des dispositions très défectueuses suites de leurs péchés, ces dispositions sont-elles enlevées aussitôt en entrant au purgatoire, ou seulement d'une manière progressive ? La théologie nous éclaire sur ces deux points.

LA RÉMISSION DES PÉCHÉS VÉNIELS QUI RESTAIENT SE FAIT-ELLE A L'INSTANT DU JUGEMENT PARTICULIER ?

Les justes qui ont été surpris par la mort, par exemple pendant le sommeil, ou pendant qu'ils n'avaient pas un usage suffisant de la raison, n'ont pu faire au dernier moment un acte de contrition méritoire qui leur aurait obtenu la rémission de leurs péchés véniels. Ces péchés leur sont remis par l'acte de charité et de contrition qu'ils font sitôt après la mort à l'instant du jugement particulier. Cet acte n'est plus méritoire, mais c'est un acte de charité et de repentir parfait qui suffit à remettre les fautes vénielles ; cependant il faut subir ensuite la peine due à ces fautes.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 9 Fév - 22:09

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

LA RÉMISSION DES PÉCHÉS VÉNIELS QUI RESTAIENT SE FAIT-ELLE A L'INSTANT DU JUGEMENT PARTICULIER ?


Tel est l'enseignement de saint Thomas ( Cf. IV Sent., d. 21, q. 1, a. 3, qa 1 et sq. - Appendix Supplementi, a. 6 - De Malo, q. 7, a. 11.), il est admis par Suarez ( Op. cit., disp. XI, sect. IV.) et il est commun parmi les théologiens ( Cf. Dict. théol. cath., art. Purgatoire, c. 1294. Hugon, Tractataus dogmatici, de Novissimis, p. 825.).

Il est donc au moins très probable que ces péchés véniels sont remis à l'instant de l'entrée au purgatoire. L'âme en effet connaît alors clairement que par suite de ses fautes, elle ne peut encore voir Dieu, et rien ne l'empêche de faire aussitôt un acte de repentir, elle ne trouve plus d'obstacles du côté du corps et des passions. Il suffirait pour la rémission de ces péchés véniels, d'une contrition générale, mais, en entrant au purgatoire, sous la lumière du jugement particulier, l'âme voit même dans le détail tous ses péchés, et donc elle se repent de chacun d'eux.

C'est un admirable complément du dernier acte de contrition fait sur la terre, quoique ce complément ne soit plus méritoire et à ce titre n'obtienne pas la remise de la peine due à ces péchés, comme aurait pu l'obtenir, au moins en partie, l'acte de contrition avant la mort. Certes il aurait mieux valu faire cet acte de contrition avant de mourir, et faire aussitôt le sacrifice de sa vie en union avec les messes qui se célébraient alors, cet acte eût été méritoire.

Maintenant il ne l'est pas, mais il obtient cependant la remise des péchés véniels que l'âme regrette vivement. On peut donc dire qu'elle est sainte, parce que tous ses péchés même véniels lui sont remis, et elle ne péchera plus. C'est là une très belle doctrine.

COMMENT DISPARAISSENT LES DISPOSITIONS DÉFECTUEUSES, SUITES DES PÉCHÉS SOUVENT GRAVES DÉJA REMIS ?

Selon l'enseignement commun, comme le dit saint Thomas ( IIIa, q. 86, a. 5.) a lorsque le péché mortel est remis par la grâce, l'âme n'est plus détournée de Dieu, mais il peut rester en elle une disposition défectueuse qui la porte vers un bien créé ; cette inclination désordonnée se trouve aussi dans le péché véniel, qui est conciliable avec l'état de grâce.

Ces dispositions défectueuses, appelées par les théologiens « restes du péché, reliquiae peccati » sont sans doute affaiblies, diminuées par la grâce, elles ne prédominent plus dans le juste, mais elles restent cependant comme le foyer de convoitise, fomes peccati, reste chez le baptisé ». On le voit manifestement chez celui qui avait pris l'habitude de s'enivrer et qui a bien reçu l'absolution, il reste en lui une disposition à retomber dans les mêmes fautes ; de même chez celui qui a une antipathie contre quelqu'un et qui s'en repent, il reste souvent une disposition à la médisance.

Ces dispositions défectueuses restent dans les âmes qui, après de nombreux péchés, ont reçu avec une attrition suffisante l'absolution au moment de la mort. Elles sont comme de la rouille dans les facultés et parfois jusque dans le fond de l'intelligence et de la volonté.

Cette rouille ne s'en va généralement qu'à la longue dans la vie présente. Disparaît-elle subitement à l'entrée au purgatoire ?

Quelques théologiens le pensent, parce que, disent-ils, l'acte de charité intense que l'âme fait alors peut enlever immédiatement ces mauvaises dispositions ( Ainsi pensent le P. E. HUGON, op. cit., p. 826, et A. MICHEL, Dict. théol. cath., art. Purgatoire, c. 1298.).

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMer 10 Fév - 21:40

QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

COMMENT DISPARAISSENT LES DISPOSITIONS DÉFECTUEUSES, SUITES DES PÉCHÉS SOUVENT GRAVES DÉJA REMIS ?


Cependant nous ne trouvons pas cette réponse chez saint Thomas, mais plutôt le contraire. Il dit, en effet, nous l'avons vu ( IV Sent., d. 21, q. 1, a. 3, qa 3, ad 1m.) : « La rigueur de la peine correspond à proprement parler à la gravité de la faute, et la longueur ou durée de la peine à l'enracinement de la faute dans le sujet ; aussi il peut arriver que quelqu'un reste plus longtemps qu'un autre au purgatoire y souffrant moins et inversement ».

Orles restes du péché proviennent surtout de l'enracinement de celui-ci dans le sujet, et la peine ne doit donc les faire disparaître que progressivement. Ainsi une longue affliction bien acceptée produit le même effet qu'une longue pénitence qu'on se serait imposée.

Sainte Catherine de Gênes dit aussi dans son Traité du purgatoire, ch. II : « Aucune paix n'est comparable à celle des âmes du purgatoire, exceptée celle des saints au ciel, et cette paix s'accroît sans cesse par l'influence progressive de Dieu sur ces âmes et à mesure que les empêchements disparaissent. La rouille du péché est l'obstacle... quand cette rouille disparaît l'âme reflète de plus en plus parfaitement le vrai soleil qui est Dieu. Son bonheur augmente à mesure que cette rouille diminue » ( Il est vrai que la Sainte parlant d'expérience, est portée à noter ce progrès qui existait en elle.).

Aussi inclinons-nous à penser que tandis que les péchés véniels sont immédiatement remis à l'entrée au purgatoire, les reliquiae peccati ou dispositions défectueuses ne disparaissent que progressivement. Il semble du moins qu'il en soit ainsi chez la plupart de ces âmes, surtout chez celles qui se sont converties juste avant la mort après une vie de désordre, elles doivent alors rester longtemps au purgatoire ; mais chez les plus élevées, dès le premier instant les restes du péché ont pu disparaître subitement, comme il arriva sur terre, dit saint Thomas ( IIIa, q. 86. a. 5), pour sainte Madeleine à l'instant de sa conversion ou au pied de la croix. Mais il faut entrer plus avant dans la vie des âmes de l'Église souffrante.

LA SATISPASSION VOLONTAIRE ET PURIFICATRICE LA SOUFFRANCE ACCEPTÉE ET OFFERTE PAR AMOUR

Nous sommes ici au cœur du sujet.

Le péché en temps qu'il transgresse la loi divine, mérite une peine ; l'ordre divin violé n'est rétabli, comme l'ordre social, que par une compensation pénale : la volonté créée qui s'est injustement élevée et insurgée contre celle du Créateur, doit subir une répression ; et, si elle l'accepte volontairement, elle rentre elle-même dans l'ordre qu'elle avait violé.

C'est, nous l'avons vu, ce que disait déjà Platon dans le Gorgias et ce qu'explique saint Thomas à propos de la légitimité des peines, Ia, IIae, q. 87, a. 6. Selon ces principes, le Saint Docteur ( Appendice au Suppl.: de purgatorio, a. 4, 7, 8.) montre que l'acceptation volontaire des peines du purgatoire obtient aux âmes qui s'y trouvent la remise de leur dette à la justice divine.

Mais tandis que sur la terre la satisfaction du juste est méritoire, au purgatoire la satispassion ne l'est plus, et donc elle ne mérite plus la diminution ou l'atténuation de la peine, mais elle l'obtient lorsque la dette est acquittée, ou lorsqu'elle est abrégée par les suffrages des vivants.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyJeu 11 Fév - 21:27

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

LA SATISPASSION VOLONTAIRE ET PURIFICATRICE LA SOUFFRANCE ACCEPTÉE ET OFFERTE PAR AMOUR


Il faut remarquer que cette douloureuse satispassion est non seulement acceptée par la volonté, mais offerte par une ardente charité avec l'adoration de la Justice suprême. C'est ce qu'il y a de plus beau au purgatoire.

Maintenant en effet apparaissent beaucoup plus clairement les imprescriptibles droits de Dieu, auteur de la nature, auteur de la loi naturelle et de la loi de grâce, de Dieu souverain juge.

De même l'âme juste séparée de son corps voit beaucoup mieux la valeur infinie de la Rédemption, du sacrifice de la croix, de celui de la messe, la valeur des sacrements qu'elle a reçus autrefois avec plus ou moins de négligence.

Elle voit aussi beaucoup plus profondément, sans distraction possible, la valeur de la vie éternelle, de la possession de Dieu, dont elle est encore éloignée à cause de ses fautes passées et de la réparation due à l'infinie justice. Celles qui savent qu'une Messe est célébrée d'habitude à l'anniversaire de leur mort, la désirent vivement et l'attendent.

Alors ces âmes avec une ardente charité, offrent à Dieu leur douleur, qui est d'autant plus purificatrice qu'elle est plus intimement offerte. Elles n'auraient jamais eu, sur terre, assez de générosité pour s'imposer pareille souffrance, en esprit de réparation ; mais maintenant elles l'offrent comme un sacrifice expiatoire de tout l'élan de leur amour pour Dieu.

Plus cette souffrance pénètre le fond de la volonté, et plus elle y est acceptée et offerte, plus aussi elle détruit les restes d'amour-propre ou d'égoïsme, la rouille qui empêchait la charité infuse de régner sans conteste en ce fond où elle est enracinée maintenant pour toujours.

Tandis que nous voyons toutes choses un peu sur la même ligne horizontale du temps, tandis que nous ne faisons pas une grande différence entre le bien et le mal, parce que les grands sacripants comme les grands hommes ont des statues sur les places publiques, ces âmes du purgatoire ont une vue, non pas horizontale, mais verticale des choses, depuis l'infinie sainteté de Dieu qu'elles pressentent jusqu'à la pire perversité. Ce sont les grandes certitudes de l'Église souffrante.

Il est clair que cette satispassion volontaire n'est pas seulement une compensation pénale, mais une compensation et réparation offerte par adoration et amour de Dieu. Aussi la charité, la plus haute des vertus, tient comme il le faut, la première place en ces âmes et suscite en elles l'adoration réparatrice de la justice divine ; c'est le culte de l'Église souffrante.

Cette douleur de l'autre vie, est, avons-nous dit, d'un autre ordre que les douleurs terrestres, et elle est acceptée et offerte non seulement dans la paix, mais avec la joie qui vient de la certitude de l'état de grâce et du salut.

Cette joie ne diminue pas la douleur indicible, car l'une et l'autre procèdent de la soif ardente et de la faim véhémente de Dieu, qui attire fortement à Lui.

C'est vraiment le flux et le reflux spirituel, dont celui de la mer est une image affaiblie. D'une part c'est l'attraction de Dieu, fin ultime, et d'autre part l'âme est encore retenue par les vestiges du péché et l'obligation de payer toute sa dette à la justice divine.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptySam 13 Fév - 10:13

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

LA SATISPASSION VOLONTAIRE ET PURIFICATRICE LA SOUFFRANCE ACCEPTÉE ET OFFERTE PAR AMOUR


Mgr CH. GAY, De la vie et des vertus chrétiennes, ch. XVII, 2e p. De l'Église souffrante, t. II, p. 570 ss. dit : « C'était l'ordre en ce monde, que cette absence de Dieu ; après la mort, c'est un désordre.

Ce n'est plus Dieu qui alors tient la créature à distance : au contraire, c'est l'heure régulière ou il devrait l'attendre ; il la réclame donc, l'attire.... l'âme le sait, quoiqu'elle ne le voie pas ; elle le sent ; tout en elle s'élance ; et c'est une nécessité qu'elle demeure immobile... L'immobilité de ces âmes, c'est avant tout leur impuissance.

Comme le paralytique au bord de la piscine, elles sont hors d'état de s'aider elles-mêmes. Elles ne peuvent ni faire pénitence, ni mériter, ni satisfaire, ni gagner des indulgences. Elles sont privées des sacrements... En un sens, l'âme veut et aime ces chaînes d'état qui la retiennent captive ; mais pour être si sage et si saint, son amour n'en est que plus ardent, et c'est précisément cette ardeur inapaisée qui fait son supplice....

» Combien est petit (sur terre) le nombre de ceux qui sont pratiquement épris de la justice divine !... Au purgatoire les âmes ont une dévotion inexprimable envers la sainteté divine, et c'est ce qui se conçoit de plus fondamental en leur état ».

En ces âmes dès lors l'amour de Dieu au lieu de diminuer la souffrance, l'augmente plutôt, et cet amour brûle les scories qui restent dans le fond de l'intelligence et de la volonté. C'est une admirable purification passive de l'amour, qui fait penser à celle décrite par saint Jean de la Croix dans la Nuit obscure, avec cette différence que maintenant l'acceptation de la souffrance n'est plus méritoire, car le temps du mérite est passé.

Ces âmes sont crucifiées spirituellement dans la flamme de leur amour, de leur ardent désir de Dieu. Elles peuvent dire à leur manière : crucior in hac flamma, je souffre cruellement dans cette flamme ; mais ici le sens de cette parole est pour ainsi dire, contraire à celui des damnés, car au-dessus du feu corporel, il y a ici la vive flamme d'amour qui ne cesse de monter vers Dieu ( Cf. La Vie spirituelle, 1er décembre 1942, P. TH. DEHAU, O. P. : Les deux flammes, p. 434 ss.).

Toutes ces âmes du purgatoire, qui s'aiment mutuellement, ont la paix, le parfait abandon entre les mains du Seigneur. Ainsi elles trouvent une douceur jusque dans leur souffrance offerte par amour.

Dans le De paenitentia, qui a été attribué à saint Augustin, il est dit, c. 13 : « Semper doleat paenitens et de dolore gaudeat ; que le pénitent s'afflige toujours de ses fautes et qu'il se réjouisse de sa douleur ».

Ainsi les âmes du purgatoire se réjouissent d'autant plus que la douleur de leur contrition est plus profonde. En elles se vérifient les paroles du PSAUME LXXXIV, 11 : « la justice et la paix se sont embrassées ».

Cette faim et cette soif de la justice divine sont finalement victorieuses de tout ce qui leur était un obstacle sur la terre. Par cette réparation offerte par amour, l'Église souffrante chante admirablement à sa manière la gloire de Dieu.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 14 Fév - 8:06

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

PAS D'ANXIÉTÉ, D'HORREUR, NI D'IMPATIENCE AU PURGATOIRE.
PLEINE POSSESSION DE SOI : LIBERTÉ RECONQUISE


D'après tout ce qui précède on s'explique que les théologiens disent communément qu'il n'y a pas d'anxiété pour ces âmes ; elle est exclue par la certitude du salut et l'ardent amour de Dieu.

L'horreur ne saurait non plus se concilier avec l'adoration de la justice divine. L'impatience n'y existe pas davantage, puisque les peines purificatrices sont acceptées avec pleine soumission à la volonté divine, et même avec gratitude comme moyens d'arriver à la béatitude du ciel. Ces âmes ne perdent pas leur temps en considérations vaines, mais au contraire, elles réparent la perte partielle du temps du mérite.

La force de la douleur ne produit pas en elles un trouble involontaire de sensibilité, car la sensibilité n'existe plus en elles que radicalement, en sa racine, et leur tristesse spirituelle est dans leur volonté pleinement soumise.

Saint François de Sales, dans le Traité de l'Amour de Dieu, 1. IX, c. 7, dit à ce sujet : « Les âmes qui sont en purgatoire, y sont sans doute pour leurs péchés, péchés qu'elles ont détestés et détestent souverainement ; mais quant à l'abjection et peine qui leur en reste d'être arrêtées en ce lieu-là et privées pour un temps de la jouissance de l'amour bienheureux du paradis, elles la souffrent amoureusement et prononcent dévotement le cantique de la justice divine : « Vous êtes juste, Seigneur, et votre jugement est équitable » Ps. CXVIII, 137.

Elles voient que la Providence est irréprochable, que jamais aucun péché ne provient du manque de secours divin, ou de l'insuffisance de ce secours.

Sainte Catherine de Gênes dit de même, Traité du purgatoire, ch. 1 : « Elles ne peuvent avoir d'autre choix que celui de demeurer où elles sont, ainsi que Dieu l'a justement ordonné... Elles ne peuvent se dire : « Cette âme sera délivrée avant moi » ou « moi avant elle »... Elles sont si satisfaites des dispositions divines à leur égard, qu'elles aiment tout ce qui plaît à Dieu ».

Il suit de là que l'âme au purgatoire conquiert la pleine liberté personnelle de la possession de soi, comme l'ont noté plusieurs mystiques. Cette liberté et maîtrise de soi était empêchée sur la terre par l'attachement déréglé aux créatures.

Maintenant par la purification l'âme est affranchie et rendue à une liberté personnelle très élevée, où elle se possède vraiment elle-même, dans l'ordre voulu par Dieu, dans la paix qui est la tranquillité de l'ordre. Elle est affranchie des liens personnels défectueux, où elle s'était prise sur terre par un mauvais usage de son libre arbitre.

Cette liberté pleine ainsi conquise n'est pas du tout celle du mal, mais uniquement celle du bien. En cela elle est l'image de la liberté de Dieu, qui est à la fois souverainement libre et absolument impeccable.

On s'explique dès lors que cette liberté supérieure soit conciliable avec l'immutabilité dans le bien, fruit de la confirmation en grâce. De ce point de vue la vie de ces âmes souffrantes est très noble, et très belle, bien qu'elle ne soit pas encore celle du ciel.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyDim 14 Fév - 22:04

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

Y A-T-IL AU PURGATOIRE, UN ACCROISSEMENT DES VERTUS, SANS NOUVEAU MÉRITE ?


S'il s'agit des vertus acquises, cela ne paraît pas douteux, car elles peuvent augmenter par la répétition de bons actes naturels, sans qu'il y ait mérite surnaturel. Elles naissent et augmentent ainsi sur terre en des hommes en état de péché mortel, qui ne peuvent mériter ; plusieurs acquièrent par la répétition des actes louables, la vertu de justice ou celle de force.

De plus nous avons vu qu'au purgatoire les habitudes défectueuses appelées « reliquiae peccati » disparaissent progressivement ; elles peuvent dès lors être remplacées par des vertus acquises. Cela paraît surtout nécessaire en certaines âmes du purgatoire qui y sont entrées grâce à une absolution validement reçue au moment de la mort, et qui n'avaient auparavant acquis pour ainsi dire aucune vertu, elles ne peuvent en être éternellement privées. Maintenant la répétition des actes de prudence, de justice, de patience, etc. peut engendrer et augmenter en elles ces vertus acquises, qui normalement dans le juste servent à l'exercice des vertus infuses, comme chez l'artiste l'agilité des doigts sert à l'exercice de l'art qui est dans l'intelligence pratique. Il paraît donc certain que ces vertus acquises peuvent grandir, celles du moins qui sont dans les facultés purement spirituelles, comme la prudence et la justice ; mais non pas celles comme la chasteté, qui sont dans la sensibilité, laquelle n'existe plus que radicalement dans l'âme séparée.

S'il s'agit des vertus infuses et des sept dons, y a-t-il accroissement ? Il est difficile de répondre. Il y a de sérieux arguments pour et contre.

Tout d'abord, il semble que non, parce que, avec ces vertus infuses, augmenterait la charité et finalement le degré de gloire au ciel serait proportionné, non pas au degré de charité et de mérite du moment de la mort, mais au degré de charité de la fin du purgatoire. Or cela paraît contraire à ce qui est dit communément : le degré de gloire est proportionné aux mérites qui s'achèvent à l'instant de la mort.

Mais d'autre part les âmes du purgatoire font des actes intenses des vertus infuses de foi, d'espérance, de charité, de religion, et il semble alors que ces vertus infuses augmentent, non pas par répétition des actes, puisqu'elles sont infuses et non acquises, mais parce que Dieu accorde Miséricordieusement cet accroissement sans nouveau mérite. Cette opinion a été défendue par Palmieri (De Novissimis, II, n° 2-3) et avant lui par Lessius (De Summo Bono, l. II, c. 29. Cf. Dict. théol. cath., art. Purgatoire, col. 1298.). Selon ce dernier pour l'augmentation d'une vertu infuse, il n'est pas absolument nécessaire qu'il y ait un nouveau mérite, il suffit d'une bonne disposition ; aussi, pense-t-il, dans un chrétien en état de péché mortel, qui fait de temps à autre des actes assez élevés de foi et d'espérance, il peut y avoir, sans mérite, une augmentation de ces vertus, due à la, Miséricorde Divine.

Mais il reste cette grave difficulté : le degré de gloire sera alors proportionné, non pas au degré des mérites et de la charité du moment de la mort, mais au degré de charité de la fin du purgatoire. Ce qui ne paraît pas conforme à l'enseignement traditionnel. Saint Thomas dit : « Post mortem non est locus acquirendi gratiam vel augendi » (Suppl. q. 71, a. 12, ex Quodl. II, q. 7, a. 2, VIII, q. 5. a. 2.).

Il y a cependant, selon plusieurs thomistes, une augmentation de charité possible au purgatoire, celle qui correspondrait à des actes méritoires imparfaits, « remissi », qui n'auraient pas obtenu sur terre l'augmentation de charité à laquelle ils donnent droit.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyLun 15 Fév - 21:34

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE 

Y A-T-IL AU PURGATOIRE, UN ACCROISSEMENT DES VERTUS, SANS NOUVEAU MÉRITE ?


Selon saint Thomas en effet (IIa, IIae, q. 24, a. 6, ad 1m) sur terre « tout acte de charité mérite une augmentation de cette vertu, mais il ne l'obtient pas toujours aussitôt ; cette augmentation n'est obtenue que lorsqu'on fait un acte de charité assez intense qui dispose à la recevoir » - Par exemple, celui qui ayant une charité de cinq talents, agit comme s'il n'en avait que deux, n'obtient pas aussitôt l'augmentation de cette vertu jusqu'à six talents; il ne l'obtiendra que lorsqu'il se disposera par un acte plus intense, à la recevoir.

Aussi plusieurs thomistes (JEAN DE SAINT THOMAS, GONET, BILLUART. Cf. BILLUART, De caritate, diss. II, a. 3, Dico 4°) soutiennent qu'assez souvent les actes méritoires faibles ou imparfaits, rémittents, remissi, ne reçoivent pas sur terre l'augmentation de charité à laquelle ils donnent droit, car il n'y a pas eu d'acte assez intense pour s'y disposer avant la mort. Alors cette augmentation pourrait n'être accordée qu'au purgatoire, lorsque l'âme fait des actes d'amour de Dieu très intenses, lesquels ne sont plus méritoires. Il y a là une sérieuse probabilité ; mais on ne peut dire plus.

Et dans ce cas il resterait vrai de dire que le degré de gloire est proportionné au degré des mérites de la vie terrestre, (y compris les mérites faibles, remissi) ; mais il ne serait pas proportionné au degré de la charité du moment de la mort il correspondrait au degré de charité de la fin du purgatoire. 

Quant aux âmes qui y sont entrées par la grâce d'une absolution tardive, qui n'a été précédée d'aucun mérite même faible, alors le degré de gloire est proportionné à leur degré de charité au moment de la mort. Il est difficile en ces mystérieuses questions de dire rien de plus.

Il faut maintenir que le degré de gloire est proportionné à celui des mérites de la vie terrestre (Cf. Concile de Florence (Denz. 692) : « (Animas justas post purgationem) intueri clare ipsum Deum trinum et unam sicuti est, pro meritorum tamen diversitate alium alio perfectius ».). D'où l'importance de cette vie, celle où l'on apprend à aimer Dieu. La vie éternelle correspondra à ce que la vie présente aura valu. On ne saurait trop y insister.

DE LA DISPOSITION QUASI ULTIME A L'ENTRÉE AU CIEL

Il ne s'agit pas ici de la disposition proprement ultime, car celle-ci n'est réalisée qu'à l'instant même de l'entrée dans la gloire, comme la toute dernière disposition à la création de l'âme humaine n'est produite qu'à l'instant même de cette création et comme la toute dernière disposition à la justification n'existe qu'à l'instant de l'infusion de la grâce sanctifiante et de la charité Cf. SAINT THOMAS, Ia, IIae, q. 112, a. 2, ad 1m, q. 113, a. 6, 7, 8, ad 2m, IIIa q. 7, n. 13, ad 2. et BILLUART, de Gratia, diss., VII, a. 4, Paragr. IV. 

La raison en est que la disposition proprement ultime à une perfection, ne précède celle-ci que dans l'ordre de causalité matérielle ou dispositive, mais la suit dans l'ordre de causalité formelle, efficiente et finale. 

Ainsi un penseur ne trouve l'image appropriée à l'expression d'une idée neuve, qu'après avoir conçu celle-ci. De même donc la disposition proprement ultime à recevoir la lumière de gloire et la vision béatifique n'est réalisée qu'à l'instant de la glorification de l'âme et cet instant est l'unique instant de l'éternité participée, il ne passera plus.

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MessageSujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L   L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L - Page 2 EmptyMar 16 Fév - 22:24

QUATRIÈME PARTIE

CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE

DE LA DISPOSITION QUASI ULTIME A L'ENTRÉE AU CIEL


Mais juste auparavant il y a dans les âmes du purgatoire, une disposition quasi ultime à l'entrée au ciel. En quoi consiste-t-elle ? Elle peut être caractérisée négativement et positivement.

Négativement, cette disposition exclut tout péché si léger soit-il, toutes les dispositions défectueuses ou restes des péchés remis, et toute peine due au péché, car celle-ci touche à son terme. Aussi l'âme est-elle pleinement purifiée, c'est l'accès à la sainteté définitive.

Positivement cette disposition se réalise à des degrés divers, puisqu'il y a a « plusieurs demeures dans la maison du Père céleste », mais elle comporte toujours une foi très ferme, une espérance assurée, une ardente charité, un désir intense de Dieu. Il est clair en effet que le don très élevé de la vision béatifique ne peut être accordé sans ce vif désir ; sans lui, l'âme ne serait pas encore disposée à voir Dieu. Il y aurait un inconvénient notable à lui accorder cette vision, comme il y en a un à ce qu'une sublime doctrine soit prêchée à ceux qui n'apprécient pas encore sa valeur et ne désirent pas assez en profiter.

Cependant, à la fin du purgatoire, ce désir intense est proportionné à la charité de chacune de ces âmes. Quelques-unes ont vingt talents, d'autres dix, d'autres cinq, d'autres moins, mais en toutes, il y a un vif désir de Dieu « selon la mesure du don du Christ » (EPHÉS, IV, 7). Chacune à sa manière arrive ainsi à l'âge parfait, « à la mesure de la stature du Christ » (Ibid., IV, 13).

Cette disposition quasi ultime à la gloire suppose, en chacune de ces âmes, l'exercice relativement élevé des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit ; en particulier, avec la charité, une foi vive, pénétrante et savoureuse, qui est la contemplation infuse des mystères du salut.

Nous trouvons ici dès lors une confirmation de la doctrine que nous avons souvent exposée ailleurs la contemplation infuse est dans la voie normale de la sainteté, et si les âmes justes ne l'ont pas eue sur la terre, elles l'ont au purgatoire. Mais nous devons vivre de telle manière que notre âme soit purifiée dans la vie présente avec un nouveau mérite, et qu'elle ait moins besoin d'être purifiée, sans mérite, après la mort.

DESCRIPTION DE L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE PAR SAINTE CATHERINE DE GÊNES


Comme le disent ses biographes, sainte Catherine de Gênes dicta en extase son Traité du Purgatoire ; elle dictait ce qu'elle voyait et expérimentait (S. CATERINA DA GENOVA, del Terzordine francesc., 1447-1510 : Trattato del purgatorio - Edizione di « Vita Francescana » Frati minori Cappuccini Genova, 1929. - Cf. - Cf. Dictionnaire de Spiritualité, art, Sainte Catherine de Gênes, col. 304, ss.). Ce traité a toujours été très estimé par les théologiens, qui y trouvent un précieux complément de ce que la science théologique peut dire.

Sainte Catherine de Gênes, née en 1447, de l'illustre famille Fieschi; reçut très jeune des grâces spéciales « à 8 ans elle eut l'inspiration de dormir sur la paille et plaçait sous sa tête un bois dur.» (Vita de 1551, ch. 1). A 12 ans, elle reçut le don d'oraison ; à treize ans, sentant très vive en elle la vocation religieuse, elle voulut prendre l'habit chez les chanoinesses du Latran, au couvent où sa soeur Limbania était déjà entrée. A cause de sa grande jeunesse, on ne voulut pas la recevoir, malgré les instances de son confesseur (cf. Dict. de spiritualité, art, Sainte Cath. de Gênes).

Source : Livres-mystiques.com

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