L'appel par Jésus de Lévy, collecteur d'impôts . de Hendrick ter Brugghen (1588–1629)St Matthieu, apôtre et évangéliste
Saint Thomas d’Aquin sur l’Evangile de Saint Matthieu,
Ch.9, v. 9-13S. Chrys. (hom. 31.) Après avoir opéré ce miracle, Jésus ne crut pas devoir demeurer dans ce même endroit, pour ne pas donner un nouvel aliment à la jalousie des pharisiens. Imitons nous-mêmes cet exemple, et n'opposons pas de résistance obstinée à ceux qui nous dressent des embûches. C'est pour cela que l'écrivain sacré ajoute : " Et Jésus partant de là (du lieu où il avait fait le miracle) vit un homme assis au bureau des impôts et qu'on appelait Matthieu. " – S. Jér. Les autres Évangélistes n'ont pas voulu, par honneur et par respect pour lui, l'appeler du nom connu de Matthieu ; ils l'ont appelé Lévi, car il portait ces deux noms. Mais quant à lui il met en pratique cette maxime de Salomon : " Le juste est son propre accusateur " (Pv 18, 17), et se fait connaître sous le nom de Matthieu comme publicain ; il apprend ainsi à ceux qui liront son Évangile, que nul ne doit désespérer de son salut, s'il veut rentrer dans les sentiers de la vertu, puisque lui-même a été changé en un instant de publicain en apôtre. La Glose. Il était assis au bureau des impôts, c'est-à-dire dans une de ces maisons où l'on percevait les impôts ; car le nom qui lui est donné (teloniarius), receveur des impôts, vient du mot grec ?????, qui signifie impôt.
S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) Ce qui fait éclater encore davantage la puissance de celui qui l'appelle, c'est qu'il n'attend pas que Matthieu abandonne cette profession pleine de dangers, il l'arrache aux maux qui l'environnaient, comme Paul encore dans la fougue de ses égarements. (Ac 9.) Et il lui dit " Suivez-moi. " Vous avez vu la puissance de Dieu qui l'appelle, admirez aussi l'obéissance de celui qui est appelé. Il n'oppose aucune résistance ; il ne demande pas d'aller chez lui pour faire part de son dessein à sa famille. Rem. Il compte même pour rien le danger qu'il courait de la part de ses chefs, en quittant son emploi sans avoir réglé ses comptes. " Et se levant, il le suivit. " Il a sacrifié les gains d'une profession tout humaine ; par une juste compensation, il est devenu le dispensateur des talents du Seigneur.
S. Jér. Porphyre et l'empereur Julien accusent ici, ou l'Évangéliste d'avoir menti avec peu d'habileté, ou les disciples d'avoir suivi tout aussitôt le Sauveur sans aucune réflexion, comme s'ils s'étaient rangés contre toute raison sous la conduite du premier venu qui les appelait à le suivre. Mais au contraire, n'est-il pas certain que les Apôtres avant de croire avaient été les témoins des plus grands miracles et des plus grands prodiges ? Est-ce que d'ailleurs l'éclat et la majesté de la divinité qui, toute cachée qu'elle était, resplendissait sur la figure du Sauveur, ne suffisaient pas pour attirer à lui au premier abord ceux qui le voyaient ?
Car si la pierre d'aimant a, dit-on, la force d'attirer à elle le fer, quelle puissance bien plus grande n'avait pas le Seigneur de toutes les créatures pour attirer à lui tous ceux qu'il voulait.
S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) Mais pourquoi Jésus-Christ ne l'a-t-il pas appelé en même temps que Pierre, Jean et les autres apôtres ? C'est qu'alors ses dispositions étaient encore imparfaites, et celui qui voit le fond des cœurs voulut attendre que ses nombreux miracles et l'éclat de sa réputation lui eussent rendu l'obéissance plus facile. – S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 26.) Ou bien il paraît plus probable que saint Matthieu, on parlant ici de sa vocation, rappelle un fait qu'il avait omis précédemment ; car on doit admettre qu'elle précéda le sermon sur la montagne, puisque saint Luc (Lc 6) y fait mention des douze élus auxquels il donne le nom d'apôtres. La Glose. Saint Matthieu place sa vocation parmi les miracles ; ce fut en effet un grand miracle qu'un publicain devenu apôtre. – S. Chrys. (hom. 31.) Mais pourquoi donc, à l'exception de Pierre, d'André, de Jacques, de Jean et de Matthieu, ne savons-nous pas comment et à quelle époque eut lieu la vocation des autres apôtres ? C'est que ceux que nous venons de nommer appartenaient surtout à des professions basses et obscures ; car il n'y avait rien de moins honorable alors que la profession d'un receveur d'impôts ou le métier de pêcheur.
La Glose. Matthieu voulant témoigner à Jésus-Christ sa digne reconnaissance pour le céleste bienfait de sa vocation, lui prépare un grand repas dans sa maison ; et il offre ainsi les biens de la terre à celui dont il attendait les biens de l'éternité. " Et il arriva, nous dit-il, que comme Jésus était à table dans la maison. " – S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 27.) Saint Matthieu n'explique pas ici chez qui Jésus était à table ; on pourrait donc supposer que ce fait ne suit pas immédiatement celui qui précède, mais qu'il s'est passé antérieurement, et que saint Matthieu ne le raconte ici que suivant l'ordre de ses souvenirs, si d'ailleurs saint Marc et saint Luc ne nous apprenaient que c'est dans la maison de Lévi ou de Matthieu que Jésus s'est mis à table. – S. Chrys. (hom. 31.) Matthieu, honoré de ce que Jésus-Christ daignait entrer dans sa maison, invita avec lui tous les publicains qui étaient de la même profession. " Et voici, nous dit-il, que beaucoup de publicains, " etc. – La Glose. On appelle publicains ceux dont la vie se passe au milieu des embarras des affaires publiques, que l'on ne peut jamais ou presque jamais manier sans péché.
Et ce fut là un magnifique présage, de voir celui qui devait être l'apôtre et le docteur des nations, dès le premier moment de sa conversion, attirer après lui dans les voies du salut la foule des pécheurs et former déjà par son exemple à la perfection ceux qu'il devait y conduire par sa parole. – S. Jér. Tertullien prétend que ces publicains étaient des païens, et il appuie son sentiment sur cette parole de l'Écriture : " Il n'y aura point d'impôt en Israël, " comme si saint Matthieu lui-même n'eût pas été juif. Ajoutons que le Seigneur ne mangeait pas avec les païens ; car il évitait avec le plus grand soin de paraître détruire la loi, lui qui avait dit à ses disciples : " N'allez pas dans la voie des nations. " Or ces publicains, voyant un des leurs se convertir du péché à la justice, et obtenir ainsi la grâce du repentir, ne désespèrent plus eux-mêmes de leur salut. S. Chrys. (hom. 31.)
Ils s'approchèrent donc de notre Rédempteur, et ils furent admis non-seulement à lui parler, mais encore à manger avec lui. – Ce n'était pas seulement en discutant avec ses ennemis, en guérissant leurs malades, ou en les reprenant de leur malice, mais en mangeant avec eux qu'il ramenait bien souvent ceux qui étaient mal disposés à son égard. Il nous apprenait ainsi que chacun des instants comme chacune des actions de notre vie peut être pour nous l'occasion d'immenses avantages.
Or, les pharisiens à cette vue furent indignés, et c'est d'eux que l'Évangéliste ajoute : " Ce que voyant les pharisiens, ils dirent à ses disciples : Pourquoi votre Maître mange-t-il avec des publicains ? " etc. Il est à remarquer que lorsqu'ils croient surprendre les disciples en faute, ils s'adressent à Jésus-Christ. " Voyez, lui disent-ils, vos disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire le jour du sabbat. " Ici c'est auprès des disciples qu'ils accusent le Maître. Toute cette conduite témoignait de leur malice et du désir qu'ils avaient de séparer du Maître le coeur de ses disciples. – Rab. Ils étaient sous le coup d'une double erreur : premièrement ils se croyaient justes, eux que leur orgueil plein de faste tenait si loin de la justice ; en second lieu, ils regardaient comme coupables ceux qui renonçaient à leur vie criminelle et se rapprochaient de la vertu.
S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 27.) Saint Luc paraît raconter le même fait en termes tant soit peu différents. D'après son récit, les pharisiens disent aux disciples : " Pourquoi mangez-vous avec les publicains et avec les pécheurs ? " faisant ainsi tomber à la fois ce reproche sur Jésus-Christ et sur ses disciples. Mais en adressant ce reproche aux disciples, ne l'adressent-ils pas au Maître lui-même, dont les Apôtres faisaient profession de suivre les exemples ? La pensée est donc la même, et elle est d'autant plus certaine qu'elle est exprimée en termes différents, avec le même fond de vérité. – S. Jér. Ceux qui viennent à Jésus ne persévèrent pas dans leurs habitudes criminelles, comme le disent en murmurant les scribes et les pharisiens ; mais ils sont conduits par le repentir comme le Seigneur le fait connaître par ces paroles : " Mais Jésus les ayant entendus leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin, " etc. – Rabanus.
Jésus se déclare médecin, lui qui par un traitement vraiment admirable a voulu être blessé pour nos péchés, afin de guérir les blessures de nos iniquités. Il appelle bien portants ceux qui, voulant établir leur propre justice, ne sont pas soumis à la véritable justice de Dieu. (Rm 10.) Il donne le nom de malades à ceux qui, vaincus par le sentiment de leur propre fragilité, et qui persuadés d'ailleurs que la loi est impuissante pour les justifier, se soumettent à la grâce de Dieu par le repentir.
S. Chrys. (hom. 31.) Après avoir raisonné avec eux en suivant les principes ordinaires de la raison, il leur cite l'Écriture, et leur dit : " Allez et apprenez ce que veut dire cette parole : Je veux la Miséricorde et non pas le sacrifice (Os 6, 6). " – S. Jér. Il emprunte ce témoignage aux prophètes, pour condamner la sévérité des scribes et des pharisiens qui, se regardant comme justes, évitaient tout contact avec les pécheurs et les publicains. – S. Chrys. (hom. 31.) C'est comme s'il leur disait : Pourquoi me faites-vous un crime de convertir les pécheurs ? Mais alors accusez Dieu le Père lui-même. Car je désire la conversion des pécheurs comme il la désire. C'est ainsi qu'il leur démontre que non-seulement la loi ne défend pas ce qu'ils lui reprochaient, mais qu'elle place même sa manière d'agir au-dessus du sacrifice. Car il ne dit pas : Je veux la Miséricorde et le sacrifice ; mais il fait un précepte de la Miséricorde, en excluant le sacrifice.
La Glose. Ce n'est pas cependant que Dieu rejette le sacrifice séparé de la Miséricorde ; mais il condamne ici la conduite des pharisiens qui offraient de fréquents sacrifices dans le temple pour paraître justes aux yeux du peuple, sans pratiquer les œuvres de Miséricorde, qui sont la preuve de la véritable justice. – Rab. Il leur enseigne donc à mériter par des oeuvres de Miséricorde les récompenses de la Miséricorde Divine, et à ne pas se flatter que leurs sacrifices seront agréables à Dieu, s'ils y joignent le mépris des besoins du pauvre. C'est pourquoi il ajoute : " Allez, " c'est-à-dire quittez ces sentiments de blâme aussi téméraire qu'insensé, et qui font ressortir davantage la Miséricorde.
Il termine en se proposant lui-même comme exemple de la Miséricorde qu'ils doivent pratiquer. " Car je ne suis pas venu, dit-il, pour appeler les justes, mais les pêcheurs. " – S. Aug. (de l'accord des Evang., liv. 2, chap. 27.) Saint Luc ajoute : " A la pénitence, " ce qui explique clairement la pensée du Sauveur, afin que personne ne croie qu'il aime les pécheurs en tant que pécheurs. D'ailleurs cette comparaison avec les malades nous fait bien connaître les desseins de Dieu ; il recherche les pécheurs comme un médecin recherche les malades, pour les délivrer de leurs iniquités, qui sont une véritable maladie, ce qui ne peut se faire que par la pénitence.
S. Hil. (can. 9 sur S. Matth.) Est-ce que le Christ n'était pas venu pour tous les hommes ? Comment donc peut-il dire qu'il n'est pas venu pour les justes ? Il était donc des hommes pour qui sa venue n'était pas nécessaire ? Non, mais c'est que personne n'est juste par la loi ; Jésus montre donc le néant de cette prétention à la justice, car les sacrifices de l'ancienne loi étant impuissants pour la justification, tous ceux qui vivaient sous la loi avaient besoin de la Miséricorde. – S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) C'est ce qui nous ferait croire à une ironie de la part de Jésus-Christ comme dans ces autres paroles de Dieu : " Voici qu'Adam est devenu comme un de nous, " car S. Paul nous déclare positivement que personne n'est juste sur la terre : " Tous ont péché, dit-il, et ont besoin de la gloire de Dieu. " (Rm 3) Par là même aussi, il calme les inquiétudes de ceux qui étaient appelés, en leur disant : " Je suis si loin d'avoir en horreur les pécheurs, que ce n'est que pour eux que je suis venu. " – Rab. Ou bien c'est parce que ceux qui étaient justes (comme Nathaniel et Jean-Baptiste) n'avaient pas besoin qu'on les appelât à la pénitence. Ou bien encore, je ne suis pas venu appeler les faux justes qui, comme les pharisiens, se glorifient de leur justice, mais ceux qui se reconnaissent pécheurs.
La vocation de saint Matthieu et celle des publicains représente la vocation des Gentils qui soupiraient avec ardeur après les richesses de la terre, et qui maintenant réparent leurs forces dans la compagnie du Seigneur. L'orgueil des pharisiens est la figure de la jalousie des Juifs à la vue de la conversion des Gentils. Ou bien Matthieu signifie l'homme qui poursuit avidement les biens de la terre, et que Jésus regarde, lorsqu'il jette sur lui les yeux de la Miséricorde. Le nom de Matthieu signifie donné ; celui de Lévi, choisi, car le pénitent est choisi du milieu de la masse de ceux qui se perdent et il est donné à l'Église par la grâce de Dieu. Et Jésus lui dit : " Suivez-moi. " Jésus donne cet ordre au pêcheur, ou par la prédication, ou par la voix des Écritures, ou par une inspiration intérieure.
Source : livres-mystiques.com
SAINTS DU 21 SEPTEMBREQue Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde