Qui est le diable ? - Le Père Jean-Régis Fropo : « Le diable n’a pas accès à nos âmes »
ARTICLE | 27/03/2012 | Par Benjamin Coste
Sait-on vraiment qui est le diable ? Le Père Jean-Régis Fropo est professeur au séminaire de la Castille et l’un des deux exorcistes du diocèse de Fréjus-Toulon. Depuis 2005, il a rencontré près de deux mille personnes dans le cadre de son ministère et pratiqué de nombreux exorcismes et prières de délivrance. Il nous rappelle ce qu’est l’enfer, comment agissent les démons et ce qu’il faut faire pour s’en protéger. Et ne comptez pas sur lui pour se faire l’avocat du diable ! Qui est le diable ?
[ltr]Le diable est une créature spirituelle (donc invisible) déchue de son état originel : alors qu’elle avait été créée bonne, son orgueil l’a conduite à se préférer à Dieu et à la mission d’amour qu’il voulait lui confier. Lucifer suivi par de nombreux anges s’est fixé définitivement et éternellement dans la haine de Dieu et de toutes ses créatures. Le démon est présent dans l’Ancien Testament dès la Genèse (Gn 3, 1) avec la chute d’Adam et Ève, mais il reste néanmoins discret. En effet, Israël devait se garder de tout risque d’idolâtrie et éviter que le peuple hébreu soit tenté de vouer un culte aux « esprits » comme les païens. Le livre de la Sagesse (Sg 2, 23) nous apprend cependant que « la mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon ». Mais c’est dans le Nouveau Testament que le démon apparaît de façon manifeste. En effet, on voit Jésus chasser les démons et délivrer les possédés. Le Christ ne confond d’ailleurs pas les malades avec les possédés. Aux premiers, il impose les mains et leur demande de prononcer une profession de foi. Pour les seconds, dont il se tient à distance, il ordonne aux démons de les quitter : « Sors de cet homme, esprit impur » (Mc 1, 25). L’un des passages importants de la Bible au sujet du démon se situe au chapitre 12 de l’w où la Femme en couche, symbolisant l’Église et la Vierge Marie, lutte avec le dragon qui cherche à dévorer son enfant. Après avoir combattu avec saint Michel, le dragon est jeté sur terre avec ses « anges » où « il va guerroyer contre ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus » (12, 17). Grâce à ce texte, nous sommes prévenus : nous allons avoir à combattre un drôle d’adversaire durant notre vie terrestre !
Que peut-on dire des démons ? En tant que créatures spirituelles ce sont des « personnes », car elles ont une intelligence et une volonté libre à l’image des nôtres. Nous leur ressemblons dans cette capacité à connaître et à choisir librement. Les démons peuvent donc connaître un certain nombre de choses de notre existence actuelle ou passée. Ils peuvent percevoir dans une certaine mesure le futur. Ainsi, le don de divination (voyants, médiums) qui vient du démon peut révéler des faits justes, mêlés de mensonges ! J’ajoute que les démons dont parle l’Évangile ne sont pas une manière symbolique de parler du mal. En effet, en 1215, le concile du Latran a défini dogmatiquement l’existence des démons. Ainsi, si l’on ne croit pas à l’existence des démons, on n’a pas la foi catholique ! (voir Catéchisme de l’Église catholique 45 numéros parlent du démon !).
Quel est l’organigramme de l’enfer ? Il y a une hiérarchie chez les démons, car elle existe chez les anges. Ainsi, lorsqu’une personne est infestée ou possédée par plusieurs démons, je remarque qu’il y a toujours un chef parmi eux. Le mot « Satan » désigne parfois un être précis, parfois une appellation générique. Mais il faut bien reconnaître que nous ne savons que peu de chose sur l’organisation des démons. Sur Internet, il est très facile de trouver des listes de noms de démons et leurs caractéristiques souvent issues des traditions juives ou orientales. Mais prudence, il y a beaucoup d’imaginaire et de mythologique dans cette approche.
À quoi ressemble l’enfer ? Il est bon de rappeler que Dieu n’a pas créé l’enfer et qu’il est un état avant d’être un lieu. L’enfer a commencé d’exister avec le péché de ces anges qui ont refusé d’entrer dans le dessein d’amour de Dieu sur la création. On peut penser que les démons sont, hélas, une multitude ; pour cette raison, il est absurde de penser que l’enfer est vide comme le prétendent certains ! Le démon est figé éternellement dans la haine de Dieu et des autres créatures. Il cherche à entraîner l’homme dans le même état infernal que le sien, et par le péché mortel lui faire perdre la béatitude qu’il a lui-même perdue. Les damnés vivent en enfer dans un état de privation de Dieu, parce qu’ils ont refusé son amour. Ils vivent ainsi un état de souffrance permanent parce que Dieu nous a créés pour vivre en communion avec lui et le voir en face à face (1 Co13, 12) En enfer, les créatures vivent dans la haine réciproque et dans la joie mauvaise de faire souffrir l’autre.
À la fin des temps, l’enfer va-t-il disparaître ? L’enfer est éternel (concile du Latran 1215) ; il est l’état définitif de celui qui a choisi de refuser Dieu. Ainsi, la théorie de l’apocatastase faisant l’hypothèse qu’à la fin des temps démons et damnés seront réintégrés dans la communion de Dieu, a été condamnée par l’Église. En effet, Dieu a beaucoup trop de respect pour la liberté de l’homme et des anges pour leur imposer un amour dont ils ne veulent pas. « Éternité » ! Ce qui durera toujours, ce qui n’aura jamais de fin ! Nous devrions réfléchir plus souvent à cette réalité redoutable !
Il est donc impossible de penser que des démons puissent se convertir ? Oui, c’est exclu, car l’intelligence des démons est telle, leur capacité de compréhension est si puissante, que c’est en toute lumière qu’ils ont refusé de vivre en communion surnaturelle avec Dieu. Contrairement à l’homme qui dans sa condition « incarnée » peut faire de mauvais choix, le démon n’a pas eu de circonstances atténuantes ! Merci Seigneur pour ta miséricorde envers les pauvres pécheurs que nous sommes !
Quel est le mode d’action du diable ? Dieu a donné un certain nombre de pouvoirs aux anges, pouvoirs qu’il n’a pas repris à ceux qui se sont révoltés contre lui. Le démon peut agir sur notre corps et notre sensibilité, c’est-à-dire sur le plan physique, affectif et mental. En revanche, il n’a pas accès à notre âme, car il n’y a que Dieu qui puisse accéder au sanctuaire intime de notre « moi ». De même, le diable ne peut pas connaître nos pensées et nos intentions. Le démon ne fait que ce que Dieu lui permet de faire. Il n’est pas tout-puissant, heureusement pour nous !
Quels sont les lieux de prédilection de l’action démoniaque ? Ils sont nombreux ! Il y a tout ce qui relève des passions humaines et des vices classés habituellement sous le terme des péchés capitaux. On peut également évoquer toutes les addictions. Je pense à la drogue, à l’alcool ainsi qu’au jeu et à la pornographie, dont Internet est un promoteur redoutable. Je constate que les personnes qui ont été prises dans ces pièges ont souvent besoin d’une prière de délivrance au moment de leur conversion pour être libérées de ces « liens » (le sacrement de pénitence n’est pas suffisant). Il faut également nommer tout ce qui relève de l’occultisme : la voyance, la divination, le pendule, le tarot, le spiritisme, l’écriture automatique, la communication avec les morts, Le livre du Deutéronome prévient au chapitre 18, 10 : « On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer au feu son fils ou sa fille, qui pratique divination, incantation, mantique ou magie, personne qui use de charmes, qui interroge les spectres et devins, qui invoquent les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à Yahvé ton Dieu » (voir aussi Lv 18, 21 et 19, 31). Le diable utilise également les pratiques venues d’Extrême-Orient comme la méditation transcendantale, le zen ou le yoga pratiqué à un certain niveau. Pourquoi le yoga peut-il être mauvais ? Parce qu’il entraîne une recherche de pouvoir sur soi et sur autrui. La démarche du yogi est spirituelle et à l’inverse de la démarche chrétienne, car il n’y a pas d’altérité : le chrétien est face à Dieu et au Christ, le yogi est face à lui-même. Je pense aussi au reiki, à toutes les thérapies alternatives ou médecines parallèles qui font appel aux énergies qu’elles soient dites cosmiques, astrales ou divines (reiki, taï-chi, chicong). Inspirées de l’Orient, elles sont nées dans le paganisme de ces pays et sont nécessairement mélangées d’occulte même si elles comportent quelques éléments positifs. L’art du démon est de mélanger le vrai et l’erreur, la vérité et le mensonge !
Comment se protège-t-on du démon ? Nous ne sommes pas toujours responsables du lien maléfique qui nous entrave, nous pouvons également en être victimes. Ainsi une personne victime peut souffrir d’un lien maléfique, être malgré tout en état de grâce et prier pour sa délivrance. Néanmoins, on se protège de l’action du démon en menant une authentique vie chrétienne, c'est-à-dire une vie rythmée par la prière, la fréquentation des sacrements, l’exercice de la charité fraternelle, la prière du chapelet, la dévotion à la Vierge Marie et aux saints. Traditionnellement représentée dans la Bible comme écrasant la tête du serpent (Ap 12, 1-3), la Vierge Marie est présentée comme nous protégeant des attaques du démon. La prière du chapelet nous a été demandée avec insistance par la Mère de Dieu lors de ses nombreuses apparitions (Lourdes, Fatima, La Salette). La prière à saint Michel archange est également recommandée. Enfin, n’oublions pas que les sacramentaux comme les croix et les médailles (celle dite « miraculeuse » de l’apparition de la Rue du Bac) bénites constituent une bonne protection contre le démon si elles sont portées avec foi et évidemment pas comme un gri-gri. Pourriez-vous répondre à cette question pour clore l’entretien : quelle est la juste attitude du chrétien vis-à-vis du démon (entre le voir partout et faire comme s’il n’existait pas) ? Nous devons rester conscients que nous sommes dans l’interdépendance du monde invisible, anges et démons. Nous ne devons pas avoir peur du démon, mais nous devons le craindre raisonnablement. Ses pièges peuvent être très habiles comme les tentations « sous apparence de bien », dont parle saint Ignace de Loyola par lesquelles il attaque particulièrement les nouveaux convertis. Le plus sûr est d’avoir un père spirituel qui nous aidera à déjouer ces pièges ![/ltr]