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| Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More | |
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ami de la Miséricorde consacré
Messages : 6669 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Sam 27 Mai - 9:35 | |
| Rappel du premier message :
Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More
Introduction
VINCENT : Voilà donc où nous en sommes, mon cher oncle ! Ceux qui, dans ce pays, viennent rendre visite à leurs amis malades et malheureux, viennent y chercher, comme je le fais moi-même en ce moment près de vous, le réconfort et la consolation. Les prêtres et les moines parlent aux malades de la mort, mais nous qui sommes dans le monde, avons toujours tâché, ici, en Hongrie (1), de leur rendre courage et espoir en la vie. Mais maintenant, mon cher oncle, le monde est devenu si mauvais et de si grands périls sont suspendus au-dessus de nos têtes que notre plus grand réconfort est de penser que la mort approche. Et nous qui sommes vraisemblablement destinés à vivre un certain temps dans cette misère, avons besoin que quelqu'un comme vous, mon cher oncle, nous puisse donner quelques bons conseils contre l'affliction, car vous avez vécu longtemps et vertueusement et êtes si versé dans la loi de Dieu que bien peu de gens le sont plus que vous en ce pays. Vous avez une longue expérience de ce que nous redoutons maintenant, car vous avez été emmené en captivité par deux fois et maintenant vous êtes sur le point de nous quitter. Cela peut être pour vous un grand soulagement, mon cher oncle, puisque vous allez à Dieu. Mais, nous, vous nous laisserez ici comme des orphelins. Vous nous avez toujours soutenus en nous aidant, en nous encourageant, en nous conseillant, non comme l'eût fait un oncle ou quelque parent éloigné, mais comme un véritable père. ANTOINE : Mon cher et bon neveu, je ne nierai pas que non seulement ici en Hongrie, mais un peu partout dans la chrétienté, on ait pris l'habitude de réconforter les malades d'une manière aussi peu chrétienne. On leur fait plus de mal que de bien en réveillant en eux le désir de vivre, au lieu de les laisser méditer sur la mort, le jugement, le paradis et l'enfer et sur toutes ces pensées qui devraient obséder un homme non seulement quand il est malade, mais même quand il est en parfaite santé. Cette manière d'agir me paraît absurde quand on en use pour réconforter un homme de mon âge, car s'il est vrai qu'un jeune homme puisse mourir prochainement, il est évident aussi que, de toute façon, un vieillard n'en a plus pour longtemps à vivre. Pourtant (comme le dit Cicéron), il n'est personne d'assez vieux pour n'espérer vivre une année encore et se réjouir en caressant cette folle pensée. Aussi les prétendus réconforts des amis, au lieu de réconforter celui qui doit mourir, feront s'évaporer complètement cette douce rosée de la grâce de Dieu qui nous amène à souhaiter le départ pour l'autre monde, où l'on se trouve en sa présence.
Source : livres-mystiques.com
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ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 1 Sep - 1:08 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Mais on vit bien le contraire lorsqu'il déclara que même quand il aurait donné la moitié de ses biens il pourrait dédommager ses créanciers sans pour cela devenir un mendiant. Plût à Dieu, mon cher neveu, que chaque riche chrétien qui a la réputation d'être honorable fût capable de se comporter comme promit de le faire le petit Zachée, ce publicain, c'est-à-dire avec moins de la moitié de ses biens dédommager au quadruple ceux qu'il avait lésés !
Je vous assure que les créditeurs seraient contents et pardonneraient même s'ils étaient simplement remboursés. Or c'était un des points sur lesquels l'ancienne loi différait de l'enseignement du Christ. Les chrétiens, en effet, ne doivent pas exiger qu'on leur rembourse jusqu'au dernier sou, ils doivent savoir remettre.
Mais revenons à Zachée. Il ne promit ni d'abandonner toute sa fortune, ni de se faire mendiant, ni de quitter son emploi. Il ne le remplissait pas de façon aussi pure que saint Jean-Baptiste l'avait enseigné aux publicains : « N'exigez rien au delà de ce qui vous est fixé » (Lc., 3, 12). Pourtant il a pu employer légalement son bien, qu'il avait l'intention de garder, et pouvait légalement remplir son métier, qui était de percevoir les impôts selon les paroles du Christ : « Rendez à César ce qui est à César » (Mt., 22, 21 ; Mc., 12, 17 ; Lc., 20, 25) et ne se livrer à aucune exaction, à aucune malhonnêteté. Notre-Seigneur, approuvant les bonnes intentions de Zachée, lui dit : « Aujourd'hui, cette maison a reçu le salut. Celui-ci aussi est un fils d'Abraham. »
Mais je n'oublie pas, mon cher neveu, ce que vous m'avez concédé : qu'un homme peut être riche sans être pour cela privé de la grâce ni se voir retirer la faveur de Dieu. Mais en somme, vous ne me faites cette concession qu'à condition de rester dans le vague, mais maintenant, en ce cas précis, vous estimez qu'un riche ne peut en conscience garder ses richesses alors qu'autour de lui, il y a des pauvres.
Vraiment, mon cher neveu, si vous avez raison, j'ose affirmer que le monde ne fut jamais si prospère qu'un riche pût garder quelque bien sans danger d'être damné. Le Christ nous l'a du reste affirmé « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, à qui vous pourrez faire du bien » Mt., 26, 11 ; Mc., 14, 7 ; Jn., 12, 8 Si vous aviez raison, à aucun moment, à aucun endroit un homme ne pourrait être riche sans courir le risque de la damnation éternelle, à cause de ses seules richesses et quels que soient ses mérites.
Mais, mon cher neveu, il faut des riches. Autrement, pardi, il y aurait encore plus de mendiants et personne ne pourrait plus secourir personne. Écoutez bien ceci, cela me paraît être un argument très sûr : si tout l'argent du pays était rassemblé en un tas et divisé en parts égales, demain, ce serait pire encore, car, quand tout aurait été divisé également entre tout le monde, les plus riches ne seraient guère mieux que ne sont actuellement les gueux, et ceux qui étaient des mendiants avant, ne seraient pas devenus beaucoup plus riches. Mais beaucoup de riches dont la fortune ne consistait qu'en biens meubles seraient délivrés de la richesse peut-être pour toute leur vie !
Vous savez très bien, mon cher neveu, que les hommes ne peuvent pas vivre si on ne leur procure un moyen d'existence. Chacun ne peut posséder un navire, un marchand doit avoir des stocks, chacun ne peut avoir une charrue. Et qui ferait vivre le tailleur si personne ne pouvait s'offrir un habit ? Qui voudrait se faire maçon ou charpentier, si personne ne pouvait bâtir une église ou une maison ? Qui ferait tourner les métiers à tisser s'il n'y avait plus de gens aisés ? (...)
Source : livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 1 Sep - 22:18 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Pour un homme qui n'a pas deux ducats dans sa maison, mieux vaut encore les perdre que de voir le riche qui l'emploie perdre la moitié de son bien, car alors le pauvre perdrait son travail. C'est l'argent du riche qui est le moyen d'existence du pauvre. On pourrait rappeler, à propos du pauvre, une fable d'Esope. Une femme avait une poule qui pondait chaque jour un uf d'or. Un jour, elle voulut avoir beaucoup de ces ufs en une seule fois. Alors, elle tua la poule. Mais dans le ventre de la poule elle ne trouva qu'un ou deux ufs et ce fut la fin de sa fortune.
Maintenant, mon cher neveu, revenons-en à votre question : « Comment un homme peut-il garder par devers lui des richesses quand il voit autour de lui tant de pauvres à qui il pourrait les distribuer ? » Eh bien ! en conscience, s'il doit donner le plus possible, il ne pourrait cependant donner à tous. Tout homme riche sait que toute misère qu'il voit lui est spécialement confiée par un ordre de Notre-Seigneur : « Donne à celui qui te demande » (Mt., 5, 42 ; Lc., 6, 30). Il doit donc donner à tout mendiant qui lui demande, aussi longtemps qu'il lui restera un sou en poche. Mais, mon cher neveu, cette parole a besoin d'être interprétée. Écoutons saint Augustin : « Si le Christ dit : Donne à tous ceux qui demandent, il ne dit pourtant pas : Donne-leur autant qu'ils demandent » Il me paraît tout aussi évident que si je me sentais obligé de donner à tous sans exception, il ne me resterait plus rien pour moi.
Notre-Seigneur, à ce passage du sixième chapitre de saint Luc, parle à la fois du mépris que nous devrions avoir au cur pour tous les biens de la terre et aussi de la manière dont il faut en user avec les ennemis. C'est là qu'il nous ordonne d'aimer nos ennemis, de bénir ceux qui nous maudissent, de ne pas nous contenter de supporter patiemment le mal qu'on nous fait (que ce soit à notre corps ou à notre fortune), mais aussi d'être prêts à subir le double et même de rendre le bien pour le mal. Et parmi ces choses, il nous ordonne de donner à tous ceux qui demandent, ce qui signifie que, quand nous pouvons faire du bien, nous ne devons pas refuser, quel que soit celui qui demande, même si c'est notre ennemi mortel, si nous voyons que sans notre secours il est en danger de périr. C'est pourquoi saint Paul dit : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger » (Rm., 12, 20). (...)
Source : livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 3 Sep - 1:08 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Mais, bien que je sois obligé de donner à chaque homme en considération de son genre de besoin, qu'il soit ami ou ennemi, chrétien ou païen, je ne suis pourtant pas lié pareillement à chacun, ni tenu de considérer chaque cas de la même façon, mais comme j'ai commencé à vous l'expliquer, les circonstances sont très importantes en cette matière.
Saint Paul dit : « Celui qui n'a pas soin des siens est pire qu'un infidèle » (1 Tm., 5, 8 Les siens, les nôtres, cela signifie ceux qui sont à notre charge, soit par la nature, soit par la loi, ou encore par un commandement de Dieu ; par la nature, ce sont nos enfants ; par la loi, nos domestiques. Les deux ne sont pas nôtres de la même façon, mais je pense que si nos serviteurs sont dans le besoin, nous devons veiller à leur bien-être, à ce qu'ils ne manquent pas du nécessaire. S'ils tombent malades pendant qu'ils sont à notre service, nous ne pouvons pas les renvoyer, même s'ils sont incapables de faire leur travail. Ce serait inhumain. Supposons même qu'un homme, un simple passant qui serait entré chez moi, tombe malade sous mon toit, je me sentirais obligé de le garder et de le prier de réparer ses forces, quoiqu'il m'en coûtât, plutôt que de le mettre à la porte dans cet état, au péril de sa vie. Car il est mon hôte et je reconnais en avoir la charge ; c'est Dieu qui l'a envoyé vers moi.
C'est par un commandement de Dieu que nos parents sont à notre charge, et c'est par la nature que nous sommes à la leur. Comme le dit saint Paul : « Ce n'est pas aux enfants à pourvoir aux besoins de leurs parents mais aux parents à pourvoir aux besoins de leurs enfants » (2 Co., 12, 19). Je veux dire par là qu'ils doivent leur donner une bonne éducation, un bon métier, qui leur permettra de vivre dans la vérité, et dans la grâce de Dieu, mais il ne s'agit pas pour les parents d'amasser pour leurs enfants de telle façon qu'ils se comportent mal envers Dieu.
Au contraire, si les parents voient que les enfants, à cause d'une vie trop facile, prennent de mauvaises habitudes, ils doivent se montrer beaucoup plus stricts. La nature n'a pas mis les parents à la charge des enfants, pourtant ce n'est pas seulement pour obéir à Dieu que les enfants doivent avoir envers leurs parents une attitude déférente, c'est la nature elle-même qui les y oblige, comme elle les oblige à les soutenir dans leurs besoins.(...)
Source : livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 3 Sep - 20:35 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Mais les besoins de mon père peuvent être minimes et ceux d'un autre homme si grands et si pressants que Dieu et la nature exigent que devant l'inégalité de ces besoins je me porte au secours du plus malheureux et soulage d'abord le besoin urgent, oui, même s'il s'agit de mon ennemi, même si c'est un ennemi de Dieu, un Turc ou un Sarrasin.
Mais maintenant, cher neveu, en dehors de cette extrême nécessité connue de moi, je ne suis pas obligé de donner à chaque mendiant qui me demandera, ni de croire chaque imposteur que je rencontrerai dans la rue et qui se prétendra très malade, ni de croire que tous les pauvres gens sont confiés à ma seule charge et que personne ne leur donnera rien avant que moi je leur aie donné tout. Je ne suis pas tenu d'avoir si mauvaise opinion des autres et de croire que si je n'aide pas moi-même les pauvres tout de suite, ils manqueront de tout, comme si j'étais seul à pouvoir faire la charité.
VINCENT : Alors, mon oncle, bien des gens seront peut-être tout contents, dans de tels cas, d'attribuer à leurs voisins des intentions bonnes et, de cette façon, de se sentir libérés de l'obligation de donner quoi que ce soit.
ANTOINE : C'est vrai, mon cher neveu, certains seront heureux de le penser ou de faire comme s'ils le pensaient. Mais ceux qui sont heureux de ne rien donner ne comptent pas, ils ne nous intéressent pas. Ce sont les gens vertueux qui nous intéressent, qui, en gardant leurs biens, ont grand' peur d'offenser Dieu. C'est pour tranquilliser leur conscience que je parle maintenant, je voudrais leur faire comprendre comment, tout en conservant leurs biens, ils peuvent rester en état de grâce.
Je vous dirai donc, cher neveu, qu'un homme riche qui se glorifie d'être riche, qui en tire vanité, qui méprise celui qui est moins riche que lui, celui-là est ridicule et en définitive, bien mauvais. Mais d'un autre côté, voici un homme (Dieu veuille qu'il y en ait beaucoup comme lui !) qui n'aime pas les richesses, mais, tout en en ayant abondamment, il n'y prend pas grand plaisir, il se comporte comme s'il n'en possédait pas. (...)
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 4 Sep - 23:02 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Dans le privé, il vit dans l'abstinence, sans toutefois le faire ouvertement, afin de ne pas paraître hypocrite. Ainsi, il pourra protester, comme le fit la reine Esther, qu'il n'agit pas pour son plaisir mais avec bonne volonté, qu'il renoncerait volontiers à ces richesses, mais qu'il les conserve pour en faire profiter son entourage : cet argent l'aide à avoir une maison bien tenue, de façon chrétienne ; c'est grâce à cet argent qu'il peut donner du travail à d'autres qui, grâce à lui, gagnent mieux leur vie. Si un tel homme existe, il me semble que, tout en restant riche, il égale en mérites ceux qui abandonnent tout. Ce serait du moins ainsi, s'il n'y avait, attachés à l'abandon des richesses, des mérites plus agréables à Dieu, par exemple une plus grande ferveur, une vie spirituelle plus active, en raison du fait qu'on a abandonné tout intérêt pour les choses terrestres. C'est pour cette raison que la part de Marie-Madeleine était la meilleure, autrement le Christ l'aurait encouragée à aider sa sur Marthe à préparer le dîner plutôt que de rester assise à ne rien faire.
Maintenant, si celui qui possède des richesses n'a pas une conscience aussi parfaite, s'il préfère se mettre à l'abri du besoin, s'il n'est pas décidé à abandonner son plaisir aussi pleinement qu'une conscience chrétienne le demande, eh bien !, que voulez-vous, l'homme est tellement moins parfait que je ne souhaiterais, et peut-être que lui-même le souhaiterait ! Il est bien moins facile de l'être que de souhaiter l'être. Mais il n'est pas pour cela sur la voie de la damnation.
Il ne suffit pas non plus de tout quitter et d'entrer en religion pour être instantanément délivré de toute attache terrestre. Bien des moines qui avaient spontanément abandonné leur position honorable ont dû, par la suite, lutter contre le désir d'obtenir, dans leur couvent, la position de sacristain ou même celle de cellérier, pour détenir une parcelle de pouvoir, ne fût-ce que sur les estomacs. Mais Dieu est indulgent pour les imperfections humaines, si toutefois l'homme reconnaît ses défauts et travaille à s'en corriger progressivement. Il ne rejettera pas celui qui a tendance à se satisfaire. (...)
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 6 Sep - 1:02 | |
| XVII. DU DÉMON APPELÉ NEGOTIUM, OU TRAFIC SE MOUVANT DANS LES TÉNÈBRES
(...) Pour en finir avec ce démon que le prophète appelle « trafic se mouvant dans les ténèbres », je vous dirai, mon cher neveu, que si un homme désire servir Dieu et lui plaire, s'il préfère perdre ses biens plutôt que de déplaire à Dieu, s'il est prêt à tout abandonner au cas où Dieu le lui ordonnerait, s'il est prêt à supporter patiemment de voir Dieu lui retirer tout, s'il s'efforce d'employer ses biens comme il plaît à Dieu, s'il essaie de s'informer pour savoir comment en user pour plaire à Dieu, s'il écoute de temps en temps les conseils d'hommes vertueux, eh bien ! même si cet homme n'abandonne pas tous ses biens, même s'il ne donne pas à tous ceux qui lui demandent, même si, dans son entourage, on pense que la charité qu'il fait est beaucoup trop peu, pourtant, malgré tout, cet homme peut espérer en l'aide de Dieu. La vérité de Dieu l'entourera comme un bouclier (Ps., 91), il n'aura plus à craindre les pièges et les tentations du démon que le prophète appelle « trafic se mouvant dans les ténèbres ». Malgré toutes ses richesses, il évitera les pièges et les tentations, si bien que, par la grâce du Dieu tout-puissant, il finira bien par aller en paradis.
Je pensais, mon cher neveu, qu'après ce discours je commanderais mon déjeuner, mais voyez : je n'aurai même pas à le faire, car voici qu'on me l'apporte déjà.
VINCENT : Vraiment, mon oncle, il semble que Dieu dirige lui-même votre emploi du temps !
ANTOINE : Mon cher neveu, nous allons dire le bénédicité et, pendant un moment, nous interromprons notre conversation pour savourer notre repas. Ensuite, vous connaissez mon habitude, je ne vous dirai pas adieu, je disparaîtrai pour dormir. Mais vous savez que je ne dors jamais longtemps dans l'après-midi. Après quoi, nous achèverons notre conversation à loisir.
VINCENT : Je vous en prie, mon oncle, reposez-vous comme vous en avez l'habitude, sans vous inquiéter de moi. Je profiterai de ce moment pour faire une course.
ANTOINE : VOUS ferez comme il vous plaira. Mais, je vous en prie, ne restez pas trop longtemps parti.
VINCENT : Soyez sans crainte, mon oncle, j'ai trop envie de connaître la dernière partie. (...)
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 7 Sep - 9:20 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS
VINCENT : J'ai quelque peu tardé, mon oncle, parce que je craignais de vous importuner par une visite trop matinale, mais surtout je fus retardé par quelqu'un qui m'a montré une lettre datée de Constantinople. Par cette lettre, il apparaît que le Grand Turc prépare une armée d'une très grande puissance. Contre qui veut-il la lancer ? Personne n'en sait rien. Mais je crains bien que ce ne soit contre nous. Pourtant, notre informateur dit que le bruit court sous le manteau, à Constantinople, que cette armée doit embarquer en direction de Naples ou de la Sicile.
ANTOINE : Cher neveu, une lettre d'un Vénitien, datée de Constantinople peut très bien avoir été rédigée à Venise. Il arrive des missives de Venise ou de Rome, ou d'ailleurs encore, qui toutes annoncent que les Turcs sont sur le point d'attaquer. En réalité ceux qui répandent de telles nouvelles ne poursuivent d'autre fin que d'avancer leurs propres affaires.
D'autre part, le Grand Turc tient en réserve une telle quantité de soldats qu'il est bien obligé de les faire changer de cantonnement, de les diviser, et de les regrouper différemment, de crainte qu'ils ne se connaissent trop bien entre eux ou n'imaginent quelque nouveauté. Ce lui est aussi un moyen de tromper ses adversaires, de les empêcher de se préparer à lui résister. Ceux-ci, en effet, lui voient un visage belliqueux alors qu'il n'a nulle intention de passer à l'offensive, si bien que lorsqu'il attaque effectivement, on ne le craint plus.
Il n'en est pas moins probable, cher neveu, qu'il se dirigera vers le royaume de Hongrie. Il n'y a, pour lui, dans toute la chrétienté, proie plus tentante ni plus facile. Et d'ailleurs, nous l'appelons parmi nous, comme les moutons d'Esope prièrent le loup de les garder des chiens.
VINCENT : Alors, cher oncle, nous devons nous attendre à subir toutes ces épreuves dont je vous ai parlé dans notre première conversation.
ANTOINE : Cela ne peut manquer d'arriver, cher neveu, mais pas tout de suite, car le Grand Turc nous envahira sous couleur de soutenir un parti contre l'autre. Il ne se découvrira que plus tard, quand l'occasion lui en sera fournie. Vous verrez que cette occasion il l'aura directement et sans laisser à l'adversaire le temps de se ressaisir.
VINCENT : Pourtant, cher oncle, on dit qu'il n'oblige personne à abandonner sa foi.(...)
Source : livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 8 Sep - 0:12 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS ANTOINE : Personne ? Cher Vincent, ceux qui vous ont informé de la sorte, en disent plus qu'ils n'en peuvent savoir. Le Grand Turc, au cours de la cérémonie de l'investissement, fait solennellement le serment d'affaiblir la chrétienté et de répandre la religion de Mahomet.
Pourtant, ce n'est pas sa manière d'obliger tous les habitants d'un pays à abjurer simultanément leur foi. Il lui est arrivé, dans certaines régions, de prélever un tribut annuel et de laisser les habitants vivre comme ils l'entendaient.
Dans d'autres, les Turcs emmènent toute la population et la dispersent dans des régions à eux et les gens sont ainsi réduits en esclavage, très loin de chez eux, sans espoir de retour. Dans les pays très peuplés, il détruit la noblesse et donne le pays en partie à ceux qu'il amène avec lui, en partie à ceux qui acceptent d'abjurer leur foi. Les autres, il les maintient dans une telle misère qu'il eût mieux valu pour eux qu'ils fussent morts au moment de l'invasion. Il ne tolère les chrétiens que s'ils se font marchands, ou s'ils l'aident dans ses guerres.
Dans les pays chrétiens qu'il ne traite pas en vassaux, comme Chypre, Chio et la Crète, mais qu'il considère comme une véritable conquête et occupe totalement comme la Morée, la Grèce, la Macédoine, et d'autres parmi lesquels se rangera, je le crains, la Hongrie, dans tous ces pays il traite les chrétiens de différentes façons.
On les laisse où ils sont, parce qu'ils seraient trop nombreux pour qu'on puisse les emmener tous, ou les tuer tous, à moins que les occupants ne veuillent dépeupler la région et y transplanter des populations turques. Ceux qui ne veulent pas abjurer la religion du Christ (que son nom soit béni et qu'il nous garde dans la foi !) le Turc les laisse vivre en paix.
Mais il ne s'agit pas d'une paix véritable. Il ne leur permet la possession d'aucune terre, ils ne peuvent avoir aucune charge honorable ; et, sous prétexte de guerres, ils sont écrasés d'impôts. On leur arrache leurs enfants et on en abuse.
Des jeunes filles on fait des prostituées, les garçons deviennent soldats, parfois on les fait châtrer, non pas par l'ablation partielle des organes génitaux, comme on le faisait dans l'antiquité, mais en les amputant totalement. Combien survivent, on ne s'en soucie nullement. Et tous ceux qui sont enlevés jeunes à leurs parents sont confiés à des Turcs ou à des renégats, si bien que tous renient la foi du Christ. (...)
Source : livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Sam 9 Sep - 0:42 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS
ANTOINE : (...) Il arrive aussi que les chrétiens soient traités de telle façon qu'ils ont en vérité une triste fin. Car, en plus des tracasseries que les chrétiens renégats infligent aux bons chrétiens qui persévèrent dans leur foi, ils trouvent moyen parfois de faire dire par des gens à leur solde que tel ou tel chrétien a prononcé des paroles injurieuses envers Mahomet. Ce faux témoignage sera pour eux l'occasion d'obliger ce chrétien à renier le Christ et à le forcer à embrasser leur honteuse religion, sans quoi ils le mettront à mort, dans de cruels tourments.
VINCENT : Que le Seigneur dans sa grande miséricorde nous garde de ces misérables ! Car, par ma foi, s'ils viennent par ici, il me semble à plus d'un signe que je vois des gens prêts à leur tomber dans les bras. Comme on voit avant l'orage, la mer s'agiter et mugir même avant que le vent s'élève, ainsi il me semble que j'entends autour de moi des gens qui, naguère encore, haïssaient le nom de Turc autant que le nom du diable, commencer à lui trouver bien peu de défauts et, même insensiblement, se mettre à le louer autant qu'ils le peuvent, et à critiquer la chrétienté à tous les échelons : les prêtres, les princes, les rites, les cérémonies, les sacrements, les lois, les coutumes spirituelles, temporelles et tout ce que fait l'Église.
ANTOINE : En vérité, mon cher neveu, c'est ainsi que nous nous comportons depuis peu. Les choses se sont gâtées dans ce pays depuis que la couronne a été mise en question. La Hongrie continuera à aller à vau-l'eau aussi longtemps que les gens se tourneront vers des idées de changement et de subversion. Je n'aime pas que leurs paroles les portent au-devant du Grand Turc, eux qui le haïssaient naguère, comme devrait le faire tout vrai chrétien.
On dit à Buda, (et je suis assez âgé pour vous affirmer que cela s'est vérifié) que lorsque les enfants se mettent à jouer à l'enterrement, à faire le simulacre de porter des corps à l'église et de chanter à leur façon enfantine un chant funèbre, on dit alors qu'un grand malheur est proche. Deux ou trois fois, je m'en souviens, des enfants se sont groupés et ont joué à se battre comme de véritables soldats ; et après ces batailles pour rire, assez violentes toutefois pour que des marmots y fussent blessés, de véritables guerres ont éclaté. Vous parliez tout à l'heure de la mer et des signes avant-coureurs de la tempête, on pourrait en rapprocher ces deux formes de présages dont le sens secret nous échappe.
Mais, par sainte Marie, mon neveu, je n'aime pas ces présages, je ne parle pas des jeux des enfants, mais des paroles répandues à si haute voix en faveur de Mahomet dans ce royaume de Hongrie, qui fut jusqu'à présent un bastion de la chrétienté. Je crains fort que les Turcs ne mettent que quelques années à conquérir le pays tout entier. (...)
Source : livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 10 Sep - 0:30 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS
VINCENT : Mais j'ai foi en le Christ, mon cher oncle, Il ne souffrira pas que cette abominable secte de ses mortels ennemis l'emporte sur les pays chrétiens.
ANTOINE : Bien dit, mon cher neveu ! Mettons en lui notre espoir et nous serons assurés de ne pas être déçus, car nous obtiendrons de lui, soit ce que nous avions demandé, soit une chose meilleure. Car Dieu ne nous envoie pas toujours ce que nous espérions. Je vous l'avais déjà dit dans notre premier entretien ! sauf en ce qui concerne le ciel, notre prière ni notre espoir ne doivent être trop précis, même si nous demandons une grâce tout à fait légitime.
En vérité, si nous autres chrétiens étions tels que Dieu nous souhaite, je ne craindrais pas les préparatifs du Grand Turc, pas plus que je ne doute que, finalement, aussi bas que soit tombée la chrétienté, elle se relèvera quand le moment sera venu, proche du jour du jugement, qui, je le crois à certains signes, est encore assez éloigné. Mais peu avant ce moment, la chrétienté souffrira beaucoup et sera dans une situation difficile. C'est ce qui ressort des paroles du Christ « Quand le Fils de l'Homme viendra, (c'est-à-dire au jour du jugement), trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc., 18, 8 comme qui dirait : « II n'en trouvera guère ». Certains passages de l'Apocalypse et de l'Évangile font clairement ressortir qu'à ce moment, la foi sera tellement effacée que, pour l'amour de ses élus, de peur qu'ils ne périssent également, il hâtera son retour. Mais il me semble que je n'aperçois pas certains de ces signes qui, d'après l'Écriture, viendront un long moment avant, entre autres, le retour des Juifs en Palestine et l'expansion générale du christianisme. Ainsi, à mon avis, je ne doute pas que la chrétienté ne connaisse un renouveau, qu'elle ne s'étende et ne refleurisse. Les bons, les vrais chrétiens qui viendront quand nous serons morts auront à la fois le réconfort et le plaisir d'être récompensés de leur fidélité et celui de voit le châtiment des lâches, car Dieu fera de ces infidèles, qui sont ses ennemis déclarés, l'instrument du châtiment de ces mauvais chrétiens, qui sont ses faux amis.
Je vois par bien des signes que cette épreuve va nous arriver mais aucun de ces indices ne me paraît plus odieux que celui que vous venez de mentionner. Sans aucun doute, cette façon qu'ont les gens de parler en faveur du Grand Turc montre qu'ils s'attendent à le voir envahir le pays, mais aussi qu'ils acceptent de vivre sous son règne et, en plus, de renoncer à Jésus pour tomber dans l'abominable secte de Mahomet. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 10 Sep - 22:10 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS VINCENT : C'est vrai, mon oncle. Je circule plus que vous, j'en entends orcément plus que vous et, c'est pénible, je veux croire que dans d'autres parties du royaume on ne parle pas comme cela, mais, dans notre contrée, beaucoup de gens s'attendent à la guerre. Ils ont commencé par parler en plaisantant du jour où, moyennant une conversion à la foi des Turcs, ils se rendraient maîtres des personnes et des biens des vrais chrétiens. Peu après, ils ne plaisantaient plus qu'à moitié, et maintenant, par Notre-Dame, ils ne sont pas loin de parler tout à fait sérieusement.
ANTOINE : Je sors peu, mon neveu, j'entends pourtant à peu près les mêmes nouvelles. Mais puisqu'il n'y a personne à qui nous pouvons nous plaindre pour opérer un redressement, quel autre remède y a-t-il que la patience ? Lequel de ces deux grands qui sont en lutte va régner sur nous ? Chacun d'eux s'intitule : roi et tous deux mettent les gens à la peine. L'un des deux est, comme vous le savez, trop loin pour nous aider, et l'autre puisqu'il espère l'aide des Turcs, ne voudra pas ou n'osera pas lutter contre ceux qui se mettront avec les Turcs. Car il ne manque pas ici d'authentiques Turcs ; ils vivent parmi nous sous divers prétextes, et informent le Grand Turc de tout ce qui se passe dans ce pays.
Mon cher neveu, je conseille à chacun de prier et d'en appeler à Dieu pour qu'il étende sa main sur nous et nous préserve de cette calamité, mais j'avertis également tout bon chrétien qu'il doit s'attendre à ce malheur, que chacun, homme et femme, fasse ses comptes minutieusement et sache ce qu'avec l'aide de Dieu il devra faire si le pire arrivait.
I. IL FAUT S'AFFERMIR PAR DE BONNES RÉSOLUTIONS
VINCENT : Soyez béni, mon oncle, pour ce bon conseil. J'ai toutefois entendu un homme sage et cultivé, soutenir que ce serait folie, de prétendre prévoir notre comportement en de telles circonstances, que ce serait doubler le risque de succomber à la lâcheté. Celui qui prend de telles résolutions pourrait répondre lui-même qu'il est prêt à subir une mort cruelle plutôt tôt que d'abandonner sa foi, et ensuite choir dans le péché de saint Pierre, qui avait fait une promesse téméraire et est ensuite tombé si bas. Il se pourrait aussi que, sous-estimant son propre courage, on se dise incapable de souffrir et prêt à renier Dieu, ce qui serait pécher gravement et peut-être inutilement, car le danger ne se présentera peut-être pas. Il serait donc plus sage, comme le soutient cet homme, de ne jamais s'attarder à ces sortes de pensées. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 11 Sep - 21:37 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS ANTOINE : Je veux bien croire, mon cher neveu, que vous ayez entendu parler de la sorte. J'ai lu à peu près la même opinion, écrite de la main d'un savant docteur qui était par surcroît un homme très bon ; mais pourtant, même si je trouvais d'autres écrits semblables signés par des hommes tout aussi savants et bons, je ne craindrais pas de conseiller le contraire à mes amis.
Si saint Pierre a répondu au Christ qu'il préférait mourir plutôt que de l'abandonner, et s'est ainsi surestimé, je ne vois pourtant pas en quoi cela peut déplaire grandement à Dieu. Saint Pierre s'est vanté, mais là n'est pas son péché : son péché, c'est de n'avoir pas agi comme il avait dit qu'il le ferait. Celui qui actuellement formerait ce projet pourrait très bien ne pas courir le risque d'y manquer, puisqu'il n'y a même pas un chrétien sur dix mille qui sera placé devant le problème. Conserver toute la vie cette bonne résolution, ne me paraît pas plus néfaste que la promesse que se ferait un gueux de distribuer, si jamais il devenait riche, une grande partie de sa fortune aux uvres charitables. Le danger est plutôt que le chrétien se dise prêt à abandonner le Christ, au moins en surface, tout en se promettant de lui rester fidèle au fond, plutôt que de subir une mort cruelle. Cette pensée même est un péché mortel, et il ne l'aurait pas commis s'il ne s'était pas posé la question. Mais celui qui se fait à soi-même une telle réponse n'a qu'une foi faible et froide et cette question qu'il se pose à lui-même ou qu'un autre lui pose, lui permettra de se mieux connaître, lui fera toucher du doigt la nécessité de prier pour obtenir la grâce de se fortifier dans la foi.
D'ailleurs, conseiller à quelqu'un de ne jamais penser à cela me paraît aussi stupide que ce remède-ci contre les maux de dents : « Vous faites trois fois le tour d'un cimetière sans penser à un goupillon ». Donner à quelqu'un ce conseil, c'est lui mettre en tête l'image du goupillon et, dès lors, il lui devient à peu près impossible de s'en débarrasser.
Bien peu nombreux sont ceux à qui on ne posera pas la question de savoir s'ils sont prêts à mourir pour le Christ, et ceux à qui on la posera, seront bien obligés d'y réfléchir.
Enfin, le Christ a parlé souvent et clairement de ce devoir des chrétiens de confesser leur foi, même sous la menace de la mort : cela implique d'avoir toujours en tête l'idée que si le cas se présentait, nous serions prêts, avec l'aide de Dieu, à témoigner. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 12 Sep - 23:22 | |
| LIVRE III DU DIALOGUE DU RÉCONFORT DANS LES TRIBULATIONS ANTOINE : (...) Il me semble donc nécessaire que tous les chrétiens y pensent continuellement. S'il leur arrive de défaillir devant les tableaux que leur offre leur imagination, qu'ils se souviennent alors des souffrances que le Christ a subies pour eux et prient de tout leur cur que Dieu leur donne, si besoin est, la force de résister. Ainsi, par l'exercice de la méditation, ils persévéreront et se fortifieront dans l'idée de la résistance tout en se disant qu'il ne faut jamais être trop sûr de ne pas tomber.
Il me semble que tous les prêtres devraient parler de cette fermeté nécessaire à leurs paroissiens, tous les parents à leurs enfants, depuis le plus jeune âge, et les amener progressivement à méditer sur ce sujet. Alors Dieu, dans sa bonté, enverra le Saint-Esprit et les fortifiera, si bien que tous les démons de l'enfer ne pourront le chasser de leur coeur.
VINCENT Par ma foi, mon oncle, voici qui est bien dit !
ANTOINE : Je le dis comme je le pense. Bien des gens habitent des contrées où ils ne risquent pas d'être mis à l'épreuve, mais il y en a qui se croyaient en sécurité et qui soudain sont mis devant le problème, soit pour la Foi soit pour la Justice (qui vont presque de pair). Mais pour vous, pour moi, pour nos amis, la question n'est pas là : il est manifeste que nous subirons bientôt cette épreuve et que nous aurions dû nous y préparer depuis longtemps.
VINCENT : Vous dites vrai, mon oncle, et je regrette que cela ne me soit pas venu plus tôt à l'esprit, mais mieux vaut tard que jamais et j'ai confiance que Dieu nous donnera du répit. Mais je vous en prie, mon cher oncle, continuez à me prodiguer vos bons conseils.
ANTOINE : Bien volontiers, mon cher neveu ; il ne nous reste plus qu'à traiter de la quatrième tentation.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 13 Sep - 22:22 | |
| II. DE LA QUATRIÈME TENTATION QUI EST LA TENTATION POUR LA FOI
La quatrième tentation dont parle le prophète dans le psaume déjà cité c'est la persécution claire et nette, c'est de cela qu'il traite par ces mots ab incursu et demonio meridiano.
De toutes les tentations, celle-ci est la plus dangereuse, la plus aiguë, la plus rigoureuse. Dans les autres tentations, le démon use de pièges attrayants, pour faire tomber le chrétien dans le péché, il se glisse dans l'obscurité, ou encore, il se déplace avec la rapidité d'une flèche, si bien que sa victime est trompée et ne s'aperçoit même pas de sa présence.
Mais dans cette tentation-ci, c'est-à-dire dans la persécution pour la foi, le Malin arrive au beau milieu du jour, c'est-à-dire, même sur ceux qui ont une foi très vive. Il lui est indifférent d'être distingué très nettement par ses haineuses persécutions contre les chrétiens, par sa haine de la vraie foi catholique et qu'aucun croyant ne puisse ignorer qui il est. Dans cette tentation, il se montre tel que le prophète l'appelle « le démon de midi », tant il est facile à un fidèle de l'apercevoir. C'est pour cela que le prophète parle du « bouclier » qui protégera le fidèle des attaques du démon de midi : cette sorte de tentation n'est pas une tentation par la ruse, c'est un assaut furieux. Dans la persécution que les Turcs ont déchaînée, le démon ne se fait pas renard, mais plutôt lion rugissant.
Dans les tentations de la prospérité, il n'emploie que des ruses séduisantes, dans celles de l'adversité, il n'emploie que la douleur et la peine pour amener sa victime à l'impatience et au blasphème, mais dans la persécution pour la foi, il emploie les deux méthodes c'est-à-dire qu'il présente des images de paix et de tranquillité et aussi des plaisirs qu'offre cette vie, et en même temps il terrifie par l'idée de douleurs intolérables.
Dans d'autres épreuves comme la maladie, la mort, la perte d'un être cher, le danger n'est jamais aussi grand. Dans les autres épreuves, le fait qu'on ne peut échapper à la peine incite à la patience, à remercier Dieu d'avoir envoyé cette épreuve, à se faire un mérite de la bien supporter et à espérer une récompense. Mais en ce qui concerne la persécution subie pour la foi je ne parle pas du combat sur le champ de bataille où fidèles et infidèles se dressent l'un contre l'autre de la même façon, mais bien du moment où le fidèle est pris et peut, s'il renie sa foi, être libéré et même garder la possession de ses biens dans ce cas, dis-je, puisqu'il ne souffrira que s'il le veut, il est en grand danger de tomber dans le péché que le démon voudrait lui faire commettre : c'est-à-dire renoncer à sa foi. C'est pourquoi, je le répète, de toutes les tentations du démon, la persécution pour la foi est la plus dangereuse
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 14 Sep - 23:41 | |
| II. DE LA QUATRIÈME TENTATION QUI EST LA TENTATION POUR LA FOI
VINCENT : Plus la tentation est dangereuse, mon cher oncle, plus ceux qui sont en danger doivent être armés, préparés par de bons conseils. C'est ainsi que nous supporterons le mieux cette épreuve quand elle viendra, et que nous écarterons le mieux la tentation.
ANTOINE : Vous dites vrai, mon neveu, et je suis heureux de voir que nous sommes d'accord sur ce point.
Mais il me semble que vous avez plus peur que moi de cette épreuve et, en quelque manière, vous êtes excusable. Je suis plus âgé que vous et j'ai déjà enduré tant de souffrances ; ce sont ces souffrances qui vous donnent à penser que vous pourriez en subir autant. Je vous donnerai contre chaque souffrance un conseil, et je vous fournirai des arguments de réconfort autant que mon pauvre esprit pourra s'en remémorer.
VINCENT : En toute bonne foi, mon oncle, je ne suis pas seulement effrayé pour moi-même, mais j'ai de bonnes raisons de craindre pour d'autres, hommes et femmes de tout âge.
ANTOINE : J'ai peur pour les mêmes personnes que vous, puisque vos parents sont également les miens. Mais, dans tout ceci, il faut craindre à la fois pour soi-même et pour les autres. Il est dit dans l'Écriture que chacun doit avoir soin des siens (1 Tm., 5, 8 Or, dans un danger comme celui-ci, il faudrait n'avoir aucune étincelle d'amour chrétien pour ne pas s'inquiéter non seulement des siens, mais aussi de ses ennemis. Aussi, mon cher neveu, n'allons-nous pas penser aux malheurs particuliers qui pourraient nous arriver à vous ou à moi, mais bien aux malheurs en général qui pourraient atteindre n'importe qui.
III. DE LA QUATRIÈME TENTATION (SUITE)
Un homme est composé d'un corps et d'une âme. Toute douleur qu'il subit doit nécessairement porter sur l'un ou sur l'autre de ces éléments, soit directement, soit en atteignant ce qui sert au plaisir ou au bien-être de l'un des deux.
Voyons d'abord ce qui concerne l'âme. Aucun mal ne peut l'atteindre dans cette sorte d'épreuve à moins que, dans son attachement immodéré à la chair, elle ne renonce à la foi et ainsi se fasse tort.
Reste le corps, et ces choses extérieures qui servent à le maintenir et à lui procurer du plaisir ainsi qu'à l'âme pendant qu'elle lui est unie.
Pensez que la perte de ces choses est moins importante que celle du corps lui-même. Dites-moi, que peut-il perdre, en quoi peut-il souffrir ? Source : livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 15 Sep - 20:58 | |
| III. DE LA QUATRIÈME TENTATION (SUITE)
VINCENT : Il peut perdre de l'argent, un bien meuble, une situation ou encore les terres qu'il a héritées et en priver ainsi lui-même et ses héritiers. Vous savez que comparativement à tel ou tel autre, je ne suis pas fort bien nanti, mais je le suis assez cependant pour que même un gros richard n'accepte pas de gaieté de cur la perspective de se voir dépouillé de biens aussi nombreux que ceux dont je suis pourvu.
C'est la pauvreté et la misère qui suivent la perte de ces biens, le dénuement, la mendicité. Ajoutez à cela la douleur de voir les bons, les fidèles, prisonniers d'une telle misère quand les infidèles, ces mortels ennemis, jouissent des commodités qu'on a perdues.
Pour le corps, je vois l'emprisonnement, une mort pénible et honteuse.
ANTOINE : Il n'en faut pas plus, mon cher neveu, étant donné ce qu'est le monde actuellement. Je crains bien que le quart suffirait à ébranler la foi de bien des chrétiens qui, faute d'avoir été mis à l'épreuve, se croient forts. Je supplie le Seigneur de les laisser dans cette pensée, et de ne pas les mettre à l'épreuve, comme saint Pierre.
Mais, mon cher neveu, comment nous y prendre pour préparer les gens à de telles horreurs ? Si la foi était encore ce qu'elle fut dans l'ancien temps, il suffirait de quelques conseils, de quelques paroles de réconfort. Nous ne serions pas tentés d'atténuer la peine par nos paroles, par nos raisonnements. Dans l'ancien temps, plus atroce était la douleur, plus fervente était la foi. Certes si un chrétien d'aujourd'hui éprouvait un désir aussi ardent que l'avaient ces martyrs de se trouver en présence de Dieu, il n'attacherait pas plus d'importance à la douleur corporelle, condition de cette faveur, que ne le faisaient les martyrs aux temps héroïques. Mais hélas ! si faible est devenue notre foi, si tiède notre amour de Dieu, si vif notre attachement à la chair que nous sommes peu désireux d'aller au ciel et nous avons peur de toute peine corporelle ; notre dévotion en est frappée à mort. C'est pour cela, mon cher neveu, que nous devons tous méditer ces pensées avant que le danger survienne, avant qu'il se précise. Alors la raison réfléchit plus sereinement, et la grâce engendre non pas un désir léger et passager de souffrir, pour l'amour de Dieu, mais une constance ferme et stable, comparable non à un roseau toujours prêt à plier, à un buisson sans racines, qui sera renversé par le premier souffle du vent, mais à un chêne robuste et solidement enraciné. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 17 Sep - 1:33 | |
| IV. LES ARMES DU DÉMON DE MIDI
Examinons, mon cher neveu, ces terreurs dont vous m'avez parlé, et qui sont les armes du démon de midi dans les persécutions des Turcs. Vous verrez qu'elles ne sont en réalité pas aussi épouvantables qu'elles le paraissent à première vue.
V. LA PERTE DES BIENS MATÉRIELS
Commençons par ce qu'on appelle la fortune, les biens, les honneurs qui ne font partie intégrante ni de l'âme ni du corps.
Que peut-il y avoir en eux de si précieux pour qu'ils portent le nom de « biens de ce monde » ? Un homme qui possède la force est fort, un homme qui a la vertu est vertueux, mais un homme qui possède beaucoup de « biens » n'est pas pour cela un homme de bien. Le plus souvent même, c'est le contraire. Pourquoi se réjouir de posséder ce qui se trouve à profusion dans les mains des plus mauvais ? Le Grand Turc et ses pachas ne surpassent-ils pas sur ce chapitre les seigneurs chrétiens ? Il y a une vingtaine d'années, le sultan de Syrie, qui menait aussi grand train que le Grand Turc, perdit tout son empire en un seul été : il fut envahi par les Turcs. Puisse son empire à lui être envahi par les chrétiens quand ceux-ci retrouveront la faveur de Dieu.
Puisque des royaumes entiers, de puissants empires sont si peu stables, qu'est-ce qu'un homme comme vous et moi, comme le plus puissant seigneur de ce pays, peut espérer de la possession d'un tas d'argent ou d'or ? Ce ne sont là que métaux blanc ou jaune, qui ne donnent rien par eux-mêmes si ce n'est de jolis reflets comme le fait aussi le fer.
VI. DU PEU DE SÉCURITÉ QU'OFFRE LA POSSESSION DES TERRES ET DES BÂTIMENTS
On a souvent plus de considération pour les terres que pour l'argent ou la vaisselle plate. La terre paraît plus sûre. L'argent peut être volé tandis que la terre restera toujours où elle est. Mais est-ce vraiment un avantage, puisque nous-mêmes pouvons être forcés de la quitter ? Quelle grande différence cela fait-il que nous possédions des biens meubles ou immeubles, puisque nous-mêmes sommes si mobiles et que nous pouvons perdre les deux ? Parfois, cependant, l'argent est un placement plus sûr. Car lorsque nous voulons fuir, nous pouvons emporter de l'argent mais pas un pouce de terre.
Si la terre est plus sûre que l'argent, comment se fait-il que, dans cette persécution, nous ayons si peur de la perdre ? Dans la chute de ces deux grands empires, la Grèce, avant votre naissance, et la Syrie après, c'est la terre qu'on perdit en premier. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 17 Sep - 22:34 | |
| VI. DU PEU DE SÉCURITÉ QU'OFFRE LA POSSESSION DES TERRES ET DES BÂTIMENTS
(...) Oh ! cher neveu, si le monde que nous habitons était mû par un esprit raisonnable, comme le pensait Platon, s'il avait la faculté de tout comprendre, le sol où le prince bâtit son palais rirait de mépris en le voyant si fier de sa propriété, en l'entendant se vanter que lui et ses descendants seront pour toujours ses possesseurs. Cette terre penserait en elle-même : « Pauvre sot ! Tu te crois un demi-dieu, tu n'es, dans toute ta gloire, qu'un homme richement vêtu ; et moi qui ne suis qu'une terre, j'ai eu des centaines de possesseurs, plus que tu ne t'imagines. Certains d'entre eux, qui me foulaient fièrement aux pieds, sont maintenant dans mes entrailles. Et, dans l'avenir, beaucoup d'autres encore s'intituleront mes propriétaires, et ce ne seront pas tes descendants et ils ne porteront pas ton nom. »
Cher neveu, qui était le propriétaire de votre domaine, il y a trois mille ans ?
VINCENT : Trois mille ans, mon oncle ! Il faudrait diviser par trois et même le reste par deux. Dans bien moins de trois mille ans, les descendants d'un laboureur pourraient s'élever jusqu'à la royauté, et ceux du roi être abaissés jusqu'à la charrue. Et le roi ne saura pas que son ancêtre était laboureur, ni le laboureur qu'il descend d'un roi.
ANTOINE : On trouve dans des histoires anciennes des changements aussi étranges survenus en très peu d'années. Faut-il, dès lors, accorder une telle importance à ces choses qui offrent si peu de sécurité ?
VINCENT : Mais, mon oncle, moins nous sommes sûrs de les garder, plus nous sommes désolés de nous en séparer, car elles offrent bien des commodités.
ANTOINE : Cet argument, mon neveu, je le tournerai contre vous. Car s'il en est comme vous dites, si, moins on est sûr de conserver une chose, plus on craint de la perdre, on peut dire aussi que, plus une chose donne de sujet de crainte, moins on a de raison de s'y attacher, et par conséquent, moins on devrait craindre de la perdre.
VII. DEUX FAÇONS DE CONSIDÉRER LES RICHESSES
Dans ces biens, savoir : les richesses, la bonne réputation, l'autorité, nous distinguerons entre ce qu'ils nous apportent dans cette vie, et l'usage que nous en faisons ici-bas pour mériter une récompense dans l'autre vie.
Voyons d'abord ce qu'ils nous apportent dans cette vie.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 19 Sep - 1:12 | |
| VIII. LA FORTUNE NE NOUS APPORTE QUE PEU DE COMMODITÉS, ET DANS CETTE VIE SEULEMENT
Si nous y réfléchissons, nous verrons que le bien-être que nous apporte la fortune n'est pas aussi grand que notre folle imagination nous le fait croire. Sans doute un costume de soie nous rend plus agréables à voir, plus élégants, mais la laine est plus chaude ! Une vie de luxe nous permet de manger des mets délicats, des nourritures plus abondantes, mais un régime plus sobre nous causerait moins d'indigestions et serait plus sain. Le mal que nous nous donnons pour acquérir des richesses, la crainte de ne pas les conserver, la douleur que nous éprouvons à nous en séparer, font plus que contrebalancer le plaisir qu'elles apportent.
L'argent enlève souvent à son possesseur la joie de vivre et parfois même la vie. Plus d'un homme a été tué pour ses richesses. Il y en a qui n'en tirent pas d'autre plaisir que de les garder, tout comme s'ils étaient les gardiens du trésor d'un autre ! Ils se contentent de vivre misérablement, dans le besoin ; de crainte de diminuer le magot, ils ne font rien d'autre que de le veiller. Et il y en a même qui, par crainte des voleurs, mettent leur argent dans un pot et l'enterrent jusqu'à leur mort et même après et sont ainsi leur propre voleur. Supposez que le pot ait été volé plusieurs années avant la mort de son propriétaire, sans qu'il s'en fût aperçu, en aurait-il été plus pauvre ?
VINCENT : Ma foi, non, pas d'un sou !
IX. DU PEU D'AGRÉMENT QU'APPORTENT LA BONNE RÉPUTATION, L'ESTIME ET L'HONORABILITÉ
ANTOINE : Examinons maintenant la bonne réputation, l'estime, et l'honorabilité. Ces trois choses n'en font qu'une et ne se distinguent entre elles que par des nuances et des degrés. On peut avoir bonne réputation sans être riche ; l'honorabilité, dans l'esprit des gens, ne s'applique qu'à celui qui a des biens, et jouit de l'estime générale. Dans le mot honorabilité, les gens voient l'idée de haute condition, réputation qui s'étend au loin, appuyée sur des actions louables.
Tout cet appareil, employé comme une chose plaisante et commode pour cette vie peut avoir de l'attrait pour celui qui s'y attache. Mais de par sa nature je ne vois pas ce que la chose apporte, je dis bien : de par sa nature, car il se peut qu'elle soit la cause de quelque avantage. Il se peut qu'en raison de l'estime dont ils jouissent, le pauvre et le riche s'appliquent à répandre le bien autour d'eux, de la même façon qu'un homme qui se sent haï s'applique à nuire.(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 20 Sep - 0:46 | |
| IX. DU PEU D'AGRÉMENT QU'APPORTENT LA BONNE RÉPUTATION, L'ESTIME ET L'HONORABILITÉ
Mais, qu'est-ce que l'honorabilité sinon un souffle aussitôt évanoui que proféré ? Celui qui s'y complaît se nourrit de vent. Il sera souvent déçu. Il s'imagine que beaucoup de gens le louent qui en vérité ne parlent jamais de lui, et ceux qui parlent de lui ne le font pas aussi souvent qu'il le pense. Ils ne passent pas toute leur journée à ne faire que cela. Ceux qui le louent le plus sont bien obligés de temps à autre de l'oublier ! De plus, si on en dit du bien ici, on en médit par là. Enfin ce sont ceux qui le flattent le plus quand il est là qui s'en gausseront le plus derrière son dos et parfois même, sournoisement, jusqu'en sa présence. Pourtant, il y a des gens si intoxiqués par cette idée de renommée qu'ils se réjouissent et se glorifient à la pensée que le monde ne fait rien d'autre nuit et jour que les encenser en chantant leur louange comme les anges célèbrent le Très-Haut.
X. DE LA FLATTERIE
Il y en a qui sont poussés à cette folie de la vanité par des gens qu'ils entretiennent pour leurs flatteries.
Ils seraient vexés si l'un d'eux, sans aller jusqu'à dire la vérité, montrait de la tiédeur dans ses louanges.
VINCENT : Vous dites vrai, mon oncle. Il m'est arrivé, il n'y a pas longtemps, une aventure que je veux vous conter. Elle montre à quel point vous avez raison.
ANTOINE : Dites, mon neveu, je vous en prie.
VINCENT : Quand j'étais en Allemagne, je fus l'hôte d'un grand prélat qui était par surcroît l'un des hommes les plus riches du pays. Vraiment, celui qui peut dépenser autant que lui est considéré comme très riche dans toute la chrétienté. Mais il était glorieux au delà de toute mesure, et c'était pitié, car cela lui faisait gâter bien des dons qu'il avait reçus de Dieu. Jamais il ne se lassait d'entendre ses propres louanges.
Il arriva qu'un jour, il fit un sermon devant un grand auditoire. Il était si content de la manière dont il l'avait dit qu'il fut sur des charbons ardents jusqu'à ce qu'il pût enfin demander à ses commensaux, ce qu'ils en pensaient. Il réfléchit un moment, pour trouver une manière élégante d'introduire la question. Finalement, n'en trouvant pas de meilleure, il nous demanda carrément notre avis. Nous étions assis aux deux bouts de la table, le milieu lui étant exclusivement réservé.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 20 Sep - 22:35 | |
| X. DE LA FLATTERIE
(...) À partir de ce moment chacun s'absorba si profondément dans la recherche d'un compliment bien tourné qu'il en oublia de manger. Il eût été honteux de ne faire qu'une plate louange. Nous commençâmes par le plus éloigné, nous procédions par ordre comme s'il se fût agi d'une délibération solennelle ayant pour objet le bien public. Quand ce fut mon tour, je ne dis pas cela pour me vanter, mon oncle, il me sembla m'en acquitter fort bien ! J'étais fier de moi et de l'aisance que je mis à m'exprimer dans la langue allemande qui m'est peu familière, car je mis ma coquetterie à refuser la facilité, qui eût été de m'exprimer en latin. J'espérais être apprécié plus encore par le fait que celui qui devait parler après moi était un prêtre ignorant ne sachant pas un mot de latin. Mais ce rusé renard était si rompu aux exercices de cour qu'il me surpassa et de beaucoup. Je vis à quel degré de perfection dans la flatterie un esprit retors pouvait arriver, en se tendant uniquement vers ce but. Mais je me promis bien que si nous nous trouvions réunis à cette table, lui et moi, et que nous devions de nouveau rivaliser dans la flatterie, j'userais du latin pour qu'il ne puisse plus se mesurer avec moi. Je veux bien me laisser distancer par un cheval, non par un âne.
Mais, mon oncle, écoutez ce qui arriva. Celui qui avait la place d'honneur et qui devait parler le dernier était le détenteur d'un grand bénéfice, et il était versé dans les lois de l'Église. Il fallait voir avec quelle application il suivait les paroles de chacun. Il me semble que mieux on parlait, plus il était ennuyé, car il pensait à la difficulté qu'il aurait à parler mieux encore. Il faisait de tels efforts qu'il en était en sueur et devait de temps à autre s'éponger le visage. Mais celui qui parla avant lui ne laissa pas un mot sensé à sa disposition.
ANTOINE : Pauvre homme ! L'un d'entre vous aurait dû lui venir en aide !
VINCENT : Il n'en eut pas besoin, mon oncle, car il trouva le moyen de nous surpasser tous.
ANTOINE : Que dit-il ?
VINCENT : Par Notre-Dame, il ne prononça pas un mot. Pline raconte que lorsque le peintre Apelle peignit le sacrifice d'Iphigénie, il voulut rendre la tristesse sur tous les visages des chefs grecs. Il laissa, pour le peindre en dernier, Agamemnon, père d'Iphigénie, parce qu'il voulait qu'il fût plus douloureux que tous les autres. Quand il en arriva à peindre ce visage paternel, il avait dépensé tant de talent pour les autres qu'il ne savait plus comment s'y prendre. (...)
Source : livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 22 Sep - 0:51 | |
| X. DE LA FLATTERIE
VINCENT : (...) Alors il eut recours à un artifice, il le peignit, la face enfouie dans un voile. Eh bien ! notre flatteur fit en quelque sorte la même chose. Quand il vit qu'il ne pouvait plus surpasser les autres, il se tut ; mais son silence exprimait le ravissement céleste où l'avait plongé l'éloquence du prélat ; avec un « Oh ! » du fond du cur, il étendit les deux mains, leva les yeux au ciel et versa des larmes.
ANTOINE : En vérité, il joua son rôle admirablement. Mais cette oraison du prélat valait-elle tant de louanges ? Vous l'avez entendue, je le vois bien. Vous ne voudriez pas, je suppose, faire comme le sénateur aveugle que Juvénal décrit avec humour. Il s'agit d'un des flatteurs de l'empereur Tibère. Avec ses collègues, il admirait un gros poisson que l'empereur leur avait envoyé pour le leur montrer. Ce sénateur aveugle, Montanus, faisait chorus avec les plus admiratifs. Il dit bien des choses en vue de dépeindre les beautés de ce poisson, mais il le croyait à sa gauche alors qu'il était à droite. Mais vous, vous n'auriez pas accepté de louer le discours si vous ne l'aviez pas entendu ?
VINCENT : Je l'ai entendu, mon oncle, et il n'était pas sans mérite. Pourtant, il ne valait pas tant de louanges, pas la moitié. Mais je puis vous assurer qu'eût-il été le plus médiocre que jamais on prononça, les louanges eussent été tout aussi excessives, car ceux qui les ont formulées ne se souciaient pas de savoir si la chose le méritait, mais de quelle flatterie ils pouvaient bien encenser Sa Grâce.
ANTOINE : De tels flatteurs rendent les gens fous, comme le dit Térence. Leurs supérieurs ont bien des raisons de leur en vouloir.
VINCENT : Dieu leur en veut, mais non leurs supérieurs, puisque c'est pour entendre leurs flatteries qu'ils entretiennent ces flatteurs. Car ceux qui sont vaniteux, qu'ils soient nobles ou non, préfèrent les louanges aux conseils. Ils ont beau demander qu'on leur dise la vérité, on leur plaira plus en leur servant de jolies fadaises qu'en disant la vérité.
Ils sont comme cet ami de Martial qui lui avait écrit pour lui demander son avis sur des vers qu'il avait faits, le priant de dire l'exacte vérité. Dans une épigramme, Martial répondit : « Tu me demandes la vérité ? Je vais te dire la vérité : Tu n'aimeras pas la vérité. »
Source : livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 22 Sep - 21:09 | |
| X. DE LA FLATTERIE
VINCENT : (...) Le prélat dont je vous ai parlé avait écrit un traité qui devait servir à une alliance entre ce pays et celui d'un grand prince. Il pensait avoir composé son traité si sagement que le monde entier l'approuverait. Là-dessus, assoiffé de louanges, il demanda l'avis d'un de ses amis, expert en ces matières car il avait été à diverses reprises ambassadeur dans ce pays et avait lui-même composé des traités. Le prélat lui remit donc le texte du traité et lui demanda ce qu'il en pensait : « Mais, je vous en prie, dites-moi la vérité. » L'ami se fiant à ce désir parla d'une erreur qu'il voyait dans ce traité. Le prélat s'écria : « Par la messe, vous n'êtes qu'un idiot ! » L'autre me confia par la suite qu'il ne serait plus jamais sincère avec ce prélat.
ANTOINE : Cela se comprend, mon cher neveu, c'est ainsi que des gens en arrivent à ce que tout le monde se moque d'eux. S'ils veulent la vérité, qu'ils accordent leur estime à ceux qui disent la vérité, et n'écoutent pas les flatteurs ! Le roi Ladislas, Dieu ait son âme, agissait ainsi avec ses serviteurs. Quand l'un d'entre eux louait un de ses actes, une de ses qualités, il ne disait rien s'il voyait qu'il était sincère. Mais s'il s'apercevait qu'il y mêlait quelque esprit de flatterie, le roi répondait sèchement : « Je vous en prie, mon ami, quand vous récitez à ma table la prière qui commence par Gloria Patri, louange à Notre Père, n'omettez pas, je vous prie, d'ajouter tout aussitôt la deuxième partie de cette oraison : « ainsi qu'il en a été de tout temps et qu'il en sera toujours (1). » Ne me portez pas aux nues avec des mensonges, car je n'aime pas cela. »
Si on en usait ainsi avec les flatteurs, il y en aurait moins.
J'estime juste qu'on approuve chez les autres ce qu'on trouve digne de louanges, mais à condition de rester dans les limites de la vérité, cela encourage. Les hommes sont semblables à des enfants, la louange les fait avancer.
Certes, mieux vaudrait agir bien sans en espérer nul éloge. Mais celui qui ne peut trouver en son cur de parole pour louer la bonne action d'un autre est un envieux, ou alors il est apathique et maussade. Au surplus, celui qui se complaît dans la louange des autres n'est qu'un sot. Le souffle de toute une foule disant sa louange ne servirait même pas à atténuer la douleur d'une légère brûlure qu'il aurait au doigt.
(1) C'est-à-dire : lorsque vous direz devant moi : Notre père, le roi Ladislas est grand, il doit être bien entendu que vous pensez : ses prédécesseurs l'étaient aussi.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 24 Sep - 1:36 | |
| XI. DU PEU D'AGRÉMENTS QUE TROUVENT DANS LES HAUTES CHARGES CEUX QUI N'Y CHERCHENT QU'AVANTAGES SUPERFICIELS
Voyons maintenant quels avantages les mondains trouvent dans ces hautes charges, dans ces positions élevées. Je ne traite ici que de ceux qui n'y cherchent qu'avantages superficiels ; des autres qui y poursuivent une fin meilleure, nous parlerons plus loin.
Ce qu'ils aiment tous, c'est de pouvoir commander sans avoir à obéir eux-mêmes. Je ne compris cela qu'un jour où un de nos amis me conta gaiement une querelle qu'il avait eue avec sa femme. L'épouse reprochait à son mari de manquer d'ambition, et, comme il venait de refuser une position honorable, elle se mit en colère :
Pourquoi ne faites-vous pas comme les autres ? Voulez-vous donc passer votre vie au coin du feu à dessiner dans les cendres comme les enfants ? Ah ! si j'étais un homme, moi... !
Eh ! bien que feriez-vous, ma mie ?
Je chercherais à m'élever, car ma mère disait toujours : « Mieux vaut commander qu'obéir ». Et je vous assure que je ne suis pas assez sotte pour obéir quand je pourrais commander.
Ça c'est vrai, femme, je ne vous ai jamais trouvée portée à l'obéissance.
VINCENT : Je vous suis très bien, mon oncle. C'est une maîtresse femme que celle-là et ce dont elle parle est bien ce que les mortels recherchent le plus dans les positions qui donnent de l'autorité.
ANTOINE : Et pourtant, il me semble que bien peu y trouveront un avantage car dans un royaume une seule personne peut donner des ordres sans en recevoir et c'est le roi. Lui seul peut tout gouverner, tout contrôler sans être ni contrôlé, ni gouverné. Tous les autres sont sous ses ordres, la plupart doivent obéir à plus d'un supérieur, et maint parmi ceux qui occupent une position élevée exige moins de travail de ceux qu'il a sous ses ordres que son chef n'en exige de lui seul.
VINCENT : Pourtant, cela leur plaît, mon oncle, qu'on s'incline, qu'on reste nu-tête et même qu'on s'agenouille devant eux. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 25 Sep - 0:08 | |
| XI. DU PEU D'AGRÉMENTS QUE TROUVENT DANS LES HAUTES CHARGES CEUX QUI N'Y CHERCHENT QU'AVANTAGES SUPERFICIELS
ANTOINE : Cher neveu, ce n'est souvent qu'un prêté-rendu : on leur fait des courbettes, eux doivent en faire à d'autres. Si, comme je l'ai dit, nous exceptons le roi, nous voyons que même celui qui se trouve à l'échelon directement inférieur, fait plus de courbettes qu'il n'en reçoit ; et si, par hasard son genou lui fait mal, les génuflexions de vingt personnes ne calmeront pas sa douleur. Un grand officier du roi m'a dit un jour que vingt personnes se découvrant devant lui, ne lui tenaient pas aussi chaud que ne le fait son chapeau, et le plaisir qu'il éprouvait à les voir nu-tête devant lui n'était rien en comparaison du dépit qu'il éprouva quand il attrapa un rhume, pour être resté longtemps nu-tête devant le roi.
Mais laissons là ces avantages et voyons les inconvénients que comportent de telles charges. Tout va-t-il éternellement comme chacun le désire ? Autant vaudrait, n'est-ce pas, demander si tout le monde est content du temps qu'il fait, puisque dans une même chaumière, le mari désire le soleil pour son blé et la femme, la pluie pour ses poireaux ! Ainsi en va-t-il de ceux qui détiennent l'autorité. Ils ne sont d'accord ni sur le profit, ni sur les règlements, ni sur le maintien des causes, ils sont tirés à hue et à dia par leurs différents amis et il est impossible qu'ils l'emportent tous. Il est toujours déplaisant de ne pas l'emporter, mais, pour eux la défaite est bien plus cuisante que pour un pauvre homme. Et ceci est vrai aussi bien pour les plus puissants. Les princes eux-mêmes ne peuvent avoir tout ce qu'ils désirent. Comment cela serait-il possible alors que chacun d'entre eux voudrait régner sur les possessions de tous les autres ? Ils sont enviés et haïs par ceux qui sont sous leurs ordres, qui leur parlent en les flattant, mais qui, si le prince vient à tomber, se transforment en une meute hurlante et dévorante.
Enfin, le coût, la charge de la guerre leur incombe à eux bien plus qu'au pauvre, ils sont beaucoup plus exposés à ses dangers. Plus d'un laboureur peut rester tranquillement assis devant son feu alors qu'eux doivent se lever et marcher.
Il suffit d'ailleurs que leur maître change d'humeur pour que s'écroule du même coup l'autorité dont ils jouissaient. Nous en voyons tous les jours maints exemples, qui viennent illustrer cette pensée du philosophe : il comparait ceux qui servent de grands princes à ces comptoirs dont on se sert pour régler les paiements. On les dresse pour un sou aussi bien que pour mille livres. Aussitôt après, on les démonte, pour les dresser de nouveau pour un sou. Ainsi en est-il de ceux qui cherchent à s'élever par la protection des grands princes, ils s'élèvent puis retombent, et c'est toujours à recommencer. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 25 Sep - 21:16 | |
| XI. DU PEU D'AGRÉMENTS QUE TROUVENT DANS LES HAUTES CHARGES CEUX QUI N'Y CHERCHENT QU'AVANTAGES SUPERFICIELS
ANTOINE : (...)Même celui qui garde sa situation jusqu'à sa mort doit finalement abandonner tout. Et ce « finalement » ne se fait pas longtemps attendre, car au moment où on peut s'élever, bien des années ont déjà passé. Ceux qui y réfléchissent n'auront guère à se réjouir, ils verront que les honneurs dont ils sont revêtus, que leur autorité ne dureront guère, sans parler des chances qu'ils ont de les perdre encore plus vite. Inutile de vous dire que de telles pensées plongent dans la désolation ceux qui les conçoivent.
Vraiment, mon cher neveu, je ne vois guère d'avantages dans le fait d'avoir de l'autorité, mais beaucoup de désagréments. Il y a tant de chances de perdre cette autorité et de toutes façons on ne peut la conserver longtemps, s'en séparer cause tant de douleur que je ne vois pas pourquoi on la désirerait tant.
XII. CES BIENS QUE NOUS DÉSIRONS FONT PEU DE BIEN AU CORPS ET GRAND TORT À L'ÂME
Nous avons vu quels maigres avantages les vaniteux retirent de ces « dons de la fortune » ; si, maintenant, nous considérons le tort que font ces dons à l'âme qui les reçoit nous verrons qu'il est préférable d'en être privé.
Ce sont des choses qui par leur nature ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais peuvent servir au bien ou au mal. Ne doutons pas cependant que ceux qui n'y voient que matière à plaisir humain, terrestre, ceux qui ne poursuivent aucun but élevé, spirituel, ceux qui ne voient pas dans leur autorité un moyen de servir Dieu, pour ceux-là, le démon transformera ces choses indifférentes en choses mauvaises, car si, par leur nature, elles sont indifférentes, l'usage qu'on en fait ne l'est pas. Celui qui recherche les honneurs seulement pour le plaisir humain et non pour en faire un instrument du bien n'a guère de chance d'atteindre un but meilleur que celui qu'il poursuit ; il usera donc de ses dons non pour le bien mais pour le mal.
Examinons, par exemple, l'effet que produisent les richesses sur celui qui les recherche comme un bien temporel et non en vue de servir Dieu. Saint Paul le dit dans sa lettre à Timothée : « Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège du démon, dans une foule de désirs insensés et nuisibles qui font sombrer les hommes dans la mort et la perdition » (1 Tm., 6, 9). Et l'Écriture sainte dit dans le chapitre 24 des Proverbes : « Celui qui amasse des trésors sera précipité dans les pièges de la mort. »
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 27 Sep - 0:48 | |
| XII. CES BIENS QUE NOUS DÉSIRONS FONT PEU DE BIEN AU CORPS ET GRAND TORT À L'ÂME Ainsi le Seigneur dit par la bouche de saint Paul, que ces gens cupides tombent dans le piège du démon ; il dit ailleurs qu'ils y seront précipités avec violence, et en vérité quand un homme désire les richesses non à des fins spirituelles mais à des fins humaines, il a nécessairement peu de scrupules sur la façon de les obtenir, il y arrivera par n'importe quel moyen, même mauvais, soit qu'il amasse sou par sou, comme un avare, ce qui est vous le savez condamnable, soit qu'il se répande en folles dépenses, par orgueil ou gourmandise, ce qui est pis encore. Quant à la gloire, et à la renommée, recherchées pour le plaisir qu'elles procurent, elles font à l'âme un tort immense ; à cause d'elles les hommes ne connaissent plus de mesure et, poussés par des flatteurs, ils se gonflent d'orgueil au point d'en oublier complètement qu'ils sont faits d'un peu de terre et qu'ils retourneront à la terre ; ils se prennent pour des dieux et s'imaginent qu'ils vont gouverner le monde entier. C'est ce qui cause, entre les princes, ces guerres qui font tant de mal à tant de gens, c'est cela qui répand tant de sang, qui fait qu'un roi, incapable de gouverner son propre royaume, ambitionne d'en régenter cinq. Pensez à tous ceux que détient dès maintenant le Grand Turc, eh bien ! il désire en avoir plus encore, il les gouverne bien mal, mais c'est sa propre personne qu'il gouverne encore le plus mal. Voyons maintenant quels effets produisent sur l'âme les positions qui donnent de l'autorité. Ceux qui ne les désirent que pour satisfaire leur caprice, ne peuvent pas ne pas abuser de cette autorité, car ils ne prendront pas leur tâche au sérieux et soutiendront des requêtes absurdes pour plaire à leurs amis ; ils voudront caser tous ceux qui dépendent d'eux au détriment de gens faibles qui ne leur ont fait aucun tort et qu'ils transforment ainsi en innocentes victimes. S'ils font des lois contre les malfaiteurs, ils les feront, comme dit un vieux philosophe, comme des toiles d'araignées qui attrapent les petits moucherons mais laissent passer les gros bourdons. Ainsi ces lois qui devraient être le bouclier des innocents seront en réalité le glaive qui les transpercera, et l'âme du législateur en portera la responsabilité. Ainsi vous le voyez, mon cher neveu, si on recherche ces biens de la fortune non dans un but spirituel mais pour un bénéfice terrestre, pas un seul n'apporte grand profit au corps et tous sont pernicieux pour l'âme. Source : livres-mystiques.com Que Jésus Miséricordieux vous bénisse ami de la Miséricorde - Code:
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Et c'est exactement ce qu'on vit actuellement avec nos mauvais gouvernements. Philippe.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 28 Sep - 0:52 | |
| XIII. LES PERSÉCUTIONS DES TURCS PERMETTRONT DE DÉCELER SI CEUX QUI OCCUPENT DES FONCTIONS ÉLEVÉES SONT INTÉRESSÉS OU NON
VINCENT : Ce que vous dites, mon oncle, est si évident que personne ne le pourra nier. Personne n'avouera désirer des richesses à des fins purement humaines : chacun veut paraître auréolé de sainteté et déclare désirer les richesses accessoirement pour le bien-être qu'elles procurent mais surtout pour le bien qu'elles permettent d'accomplir.
ANTOINE : C'est ainsi que chacun fait. Mais ceux qui déclarent ne convoiter qu'accessoirement les jouissances terrestres montrent bientôt que c'est leur but principal et que les affaires de Dieu ne les intéressent point. Ils prétendent le contraire mais c'est pour leur propre malheur car « on ne se moque pas de Dieu » (Ga., 6, 7). Il y en a peut-être qui s'abusent eux-mêmes ; leur imperfection est plus grande qu'ils ne l'imaginent. Seul Dieu la voit ; c'est pourquoi le prophète dit à Dieu : « Tu as les yeux sur mon imperfection » (Jb., 14, 16) et plus loin le prophète prie : « Seigneur, lave-moi de mon péché caché » (Ps., 51, 4).
Mais, mon cher neveu, si le Grand Turc dépouille de leur avoir les vrais croyants et non ceux qui acceptent de renier leur foi pour garder leurs biens, cette épreuve sera une pierre de touche, et cela ouvrira les yeux de ceux qui se croient meilleurs qu'ils ne sont en réalité. Beaucoup de gens pleins de bonnes intentions dont ils remettent toujours à plus tard l'exécution, devront, s'ils ne se mentent pas à eux-mêmes, abandonner leurs biens pour l'amour de Dieu.
Je vois dans cette persécution des Turcs, mon cher neveu, un sujet de grand réconfort. Le riche, le puissant sert nécessairement ou bien Dieu ou bien le monde. Celui qui sert le monde trouve dans ces biens, comme je vous l'ai montré, peu de profit pour son corps et fait tort à son âme. S'il est sage, il peut estimer avantageux de perdre sa fortune ou sa situation dans un malheur général et d'une façon aussi méritoire. D'un autre côté, celui qui les conservait dans un but élevé, dans l'intention de les donner pour plaire à Dieu, ne regrettera pas de les perdre dans une persécution de la foi.
Car en s'en séparant, il fait plus plaisir à Dieu qu'il ne le pourrait faire autrement. Il eut peut-être été préférable d'avoir distribué ces biens plus tôt, mais maintenant, empêché de les distribuer généreusement comme il l'avait prévu, ils ont beau lui être arrachés par la violence, il les donne tout de même volontairement à Dieu puisqu'il préfère s'en séparer plutôt que de renoncer à la foi.
Source : livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 28 Sep - 23:38 | |
| XIV. C'EST FOLIE QUE DE RENIER LE CHRIST POUR CONSERVER RICHESSES ET HONNEURS
VINCENT : En toute bonne foi, mon cher oncle, je ne puis nier ceci. Il me semble que ceux qui auront été dépouillés au cours de l'invasion turque et qui n'auront pu sauver que leur vie, ceux-là, je pense, pourront tirer quelque vertu de leur malheur et y trouver sujet de réconfort.
Mais dans le cas qui nous occupe, ils ont encore leur fortune intacte entre leurs mains et le fait de la conserver ou de la perdre dépend d'eux et de la réponse qu'ils feront aux Turcs ; garderont-ils leur foi ou l'abandonneront-ils ? Il me paraît, mon oncle, que la tentation est bien forte, et bien peu de riches renonceront à leur fortune.
ANTOINE : Je le crains aussi beaucoup, mon cher neveu. Cette épreuve révèlera le vide du cur de ceux qui se flattent de sauver leur fortune dans un but élevé mais n'ont pas de Dieu une vision ferme, intime et profonde.
Pourtant, même à ceux-là, je poserais volontiers quelques questions. Je vous en prie, mon cher neveu, jouez le rôle d'un de ces personnages et répondez à sa place.
« Votre Seigneurie, dirais-je, (nous ne prendrons pas un homme de basse condition, ni de fortune modeste, car il me semble qu'un homme qui rejetterait Dieu pour pas grand'chose ne vaut pas la peine qu'on lui adresse la parole), Votre Seigneurie, pourquoi hésiter entre votre foi et votre fortune ? »
VINCENT : Mon oncle, je ne suis pas sûr de la pensée d'un autre, ni de la façon dont il répondrait, mais puisque vous me demandez de jouer ce rôle, voici ce que je dirais, et vous pouvez d'ailleurs le deviner : « Je ne tiens pas à perdre tous ces avantages que je détiens maintenant : richesses, biens, terres, héritage, et l'autorité que j'ai dans le pays. Toutes ces choses, le Grand Turc me permet de les conserver, et même, de les faire prospérer si je veux renoncer à la foi du Christ ; mais oui, ajouterais-je, je ne suis même pas obligé d'y mettre un tel prix, on ne me forcera pas à renoncer complètement au Christ ni à la foi chrétienne, mais seulement à la portion de cette foi qui ne s'accorde pas avec la religion de Mahomet. Il me suffirait de reconnaître Mahomet pour un vrai prophète et de servir les Turcs dans leurs guerres contre les rois chrétiens ; moyennant quoi, on ne m'empêchera pas de louer le Christ, de l'honorer, de le servir, et de le tenir pour un homme de bien ». (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Sam 30 Sep - 11:02 | |
| XIV. C'EST FOLIE QUE DE RENIER LE CHRIST POUR CONSERVER RICHESSES ET HONNEURS
(...)ANTOINE : Le Christ n'a pas un tel besoin de votre Seigneurie qu'il accepte de telles conventions et qu'il partage les services de votre Seigneurie avec son ennemi plutôt que de les perdre. Il vous a déjà prévenu par la bouche de saint Paul qu'il ne veut pas partager : « Quel rapport y a-t-il entre la lumière et les ténèbres, entre le Christ et Bélial ? » (2 Co., 6, 15) ; et il vous dit lui-même : « Nul ne peut servir deux maîtres » Mt., 6, 24). Il veut que vous croyiez tout ce qu'il vous a enseigné, que vous fassiez tout ce qu'il vous a ordonné, que vous vous absteniez de tout ce qu'il vous a défendu, sans aucune exception. Brisez un seul de ses commandements et vous brisez tout. Abandonnez un seul point de sa foi et vous abandonnez tout, de même que les remerciements qu'il vous adresserait pour le reste. Si vous faites avec Dieu de tels marchés, si vous décidez vous-même de ce que vous voulez bien faire pour lui et de ce que vous lui refusez, je dis que dans de tels contrats vous signez vous-même les deux parties et qu'il ne vous en saura aucun gré.
Mais écoutez bien ceci : vous pensez faire des arrangements avec les Turcs ; moi je vous dis qu'ils ne vous permettront pas de vous en tenir là ; mais, insensiblement, ils vous forceront à renier complètement le Christ et à mettre Mahomet à sa place. Quand ils vous font dire que le Christ n'est pas Dieu, ce n'est qu'un commencement. Car s'il n'est pas Dieu, il n'est pas non plus un homme de bien, puisqu'il a dit lui-même qu'il était Dieu. Non, le Christ ne veut pas être pour une part dans vos obédiences, il veut que vous l'aimiez de tout votre coeur. Il a vécu il y a quinze cents ans, pourtant il avait prévu vos pensées quinze cents ans à l'avance, Il vous a répondu : « Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l'argent ! » (Lc., 16, 13).
Ceci est bien clair et vous devez le croire si vous avez la foi. Si vous ne le croyez pas, cette discussion est inutile, car pourquoi préféreriez-vous perdre vos biens plutôt qu'une foi que vous avez déjà perdue ? Mais si nous partons de l'idée que vous avez toujours la foi, et voulez la conserver, si, pour vous, le problème est de savoir si vous préférez perdre votre fortune plutôt que de renoncer ouvertement à Dieu, et si vous me répondez que plutôt que de perdre cette fortune vous préférez renoncer extérieurement à Dieu, je vous réponds ceci : Je passe sous silence le peu de bien que ces choses apportent au corps et le grand tort qu'elles font à l'âme et, puisque le point de départ de votre hésitation est cette promesse des Turcs de vous laisser la jouissance de vos biens si vous reniez le Christ, je vous demande, moi, comment vous pouvez vous fier à cette promesse ?(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 1 Oct - 1:31 | |
| XIV. C'EST FOLIE QUE DE RENIER LE CHRIST POUR CONSERVER RICHESSES ET HONNEURS
(...)VINCENT : Quelle autre garantie peut-on obtenir d'un grand prince que sa parole que, pour son honneur, il est tenu de respecter ?
ANTOINE : Il l'a déjà violée plusieurs fois ; qui oserait le lui reprocher en face ? Lui n'a guère souci des reproches que personne n'osera jamais lui faire !
Au surplus, il ne s'en soucierait guère à supposer qu'on les lui adresse. Voici ce qui est arrivé, à l'un de mes amis, qui voulut un jour protester auprès du Sultan de Syrie. Mon ami fut plusieurs années dans ce pays pour ses affaires. Un jour il donna au Sultan une forte somme d'argent, pour obtenir la concession d'un certain emploi temporaire, mais il venait à peine de lui remettre la somme que le Sultan affermait cette charge à quelqu'un de sa secte, mettant ainsi notre Hongrois à la porte. Mon ami s'en fut le trouver et lui rappela la convention qu'il venait de passer, la parole prononcée de sa bouche, le papier signé de sa main. Le Sultan lui répondit froidement : « Apprends de moi, chien, que ni ma bouche ni ma main ne m'obligent à quoi que ce soit. Elles m'obéissent, je ne leur dois rien. Quant à toi, quitte le pays immédiatement ! »
Songez, Seigneur, que le Sultan et le Grand Turc sont de la même secte. Ne pensez-vous pas qu'ils se comportent de la même manière devant la parole donnée ?
VINCENT : Force m'est néanmoins d'en courir le risque, car je ne puis avoir d'autre garantie.
ANTOINE : C'est risquer de façon bien peu sage, que de mettre votre âme en danger de damnation, pour des biens matériels que vous n'êtes même pas sûr de garder !
Mais allons plus loin. Supposons que vous puissiez être sûr de la parole du Grand Turc, garderez-vous alors votre avoir ?
VINCENT : Mais oui.
ANTOINE : Et jusqu'à quand ?
VINCENT : Jusqu'à ma mort.
ANTOINE : Admettons. Mais bien qu'il y ait peu de chances pour que le Turc vous laisse votre fortune aussi longtemps, si vous avez cinquante ans, toute la faveur qu'il pourra vous témoigner ne vous rajeunira pas d'un jour, et en un seul moment vous devrez tout perdre.(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 2 Oct - 1:38 | |
| XIV. C'EST FOLIE QUE DE RENIER LE CHRIST POUR CONSERVER RICHESSES ET HONNEURS
(...)VINCENT : On est déjà content de ne manquer de rien pendant la vie.
ANTOINE : Si le Grand Turc vous donne des biens, personne ne peut-il vous les retirer ?
VINCENT : Il me semble que non.
ANTOINE : Les Turcs ne pourraient-ils perdre de nouveau ce pays que les chrétiens reprendraient, et vous courriez alors de nouveau ce danger que vous essayez d'éviter.
VINCENT : En vérité, je pense que si les Turcs nous envahissent, ils ne quitteront pas le pays de notre vivant.
ANTOINE : Mais s'ils le quittent quand nous n'y serons plus, adieu l'héritage de vos enfants ! Supposons toutefois qu'ils ne le quittent jamais plus, personne ne pourrait-il vous prendre votre bien ?
VINCENT : Non, personne.
ANTOINE : Absolument personne ? Même pas Dieu ?
VINCENT : Si, naturellement. Qui en douterait ?
ANTOINE : Qui en doute ? Mais ceux qui se demandent si oui ou non il y a un Dieu, et de telles gens ne manquent pas, comme l'atteste le prophète quand il dit : « L'insensé dit en son coeur : il n'y a point de Dieu ! » (Ps., 14, 53).
Le plus fou ne le dira pas ouvertement, mais ils se le disent tout bas, et je crains qu'il n'y ait bien plus de fous qu'on ne le croit, et s'ils ne le disent pas ouvertement, c'est par crainte des hommes, non de Dieu. Mais ceux qui sont assez fous pour penser qu'il n'y a point de Dieu et qui pourtant l'honorent en paroles, tout en le niant dans leurs actes, de ceux-là nous ne nous occuperons pas, nous les laisserons jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de se manifester à eux, soit intérieurement et alors qu'il en est encore temps par sa grâce miséricordieuse, soit extérieurement, et trop tard, par son terrible jugement.
Mais vous, Seigneur, vous qui croyez, comme doit le faire un homme sage, vous qui savez que même si les Turcs tiennent leur promesse, et vous permettent de jouir de vos biens à la condition de renier votre religion, vous savez que Dieu à qui vous déplaisez peut vous enlever ces biens et que le Grand Turc, malgré toute sa puissance, ne serait pas capable de vous les conserver, dès lors pourquoi seriez-vous assez déraisonnable pour faire plaisir aux Turcs en perdant votre âme, dans le seul but de conserver vos biens, alors que vous savez que Dieu, à qui vous déplaisez, peut vous les enlever ?
Puisque vous croyez en Dieu, vous savez que les Turcs ne peuvent pas plus vous enlever vos biens que le démon ne le pouvait pour Job. Pensez-vous que s'il permet aux Turcs de vous enlever vos biens, parce que vous faites une chose qui lui est agréable, il vous permettra d'en jouir tranquillement au prix d'un acte aussi répréhensible ?
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 3 Oct - 1:33 | |
| XIV. C'EST FOLIE QUE DE RENIER LE CHRIST POUR CONSERVER RICHESSES ET HONNEURS
(...)VINCENT : Dieu est bon, et quand des hommes l'ont offensé, il leur permet néanmoins de continuer à vivre longtemps dans la prospérité.
ANTOINE : Longtemps, en vérité ? Non, Seigneur, il ne le permet à personne, car la vie entière est brève, et la vôtre est déjà à moitié écoulée, peut-être même plus qu'à moitié. Quand une chandelle est à moitié consumée, peut-il en rester un long bout ?
Il n'est pire état d'esprit que de se réjouir d'avantages mal acquis. C'est le chemin direct qui mène à l'arrogance, laquelle entraîne au péché, à l'infidélité. On en arrive bientôt à penser que Dieu ne se soucie pas de ce que font les hommes, ni de ce qu'ils pensent. L'Écriture dit : « Ne dites pas : J'ai péché et il ne m'est rien arrivé, car Dieu tolère avant de châtier » (Eccl., 6, 4). Mais, comme le dit saint Augustin, plus il tarde, plus ses coups sont violents.
Soyez sûr, quand vous déplaisez à Dieu pour garder vos richesses, qu'il ne permettra pas qu'elles vous fassent du bien. Mais il vous les enlèvera, ou il vous permettra de les garder pour un moment, ce qui vous fera le plus grand tort, et plus tard quand vous y penserez le moins, il vous arrachera à elles.
Quel ne sera pas votre chagrin, quand vous verrez que subitement vous devez les laisser à tel endroit, tandis que votre corps sera déposé en un autre ? Mais le plus pénible de tout sera de vous apercevoir que votre âme d'abord, et ensuite votre corps au jugement dernier, seront engloutis dans les entrailles de la terre, dans l'antre du démon, et devront y rester pour l'éternité. Quel plaisir humain pourrait compenser cette souffrance intolérable, même s'il ne fallait la subir que pendant un an, un jour, une heure ? Dès lors, quelle folie, pour de misérables plaisirs, si brefs, de vous jeter tête baissée dans le feu éternel de l'enfer qui jamais ne s'apaise, même pas pour une minute, et d'y rester pour des centaines de milliers d'années ?
Notre-Seigneur réfutait en peu de mots les folies de ceux qui, pour la jouissance passagère des biens de ce monde refusaient sa foi et donnaient leur âme au diable : « Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme ? » (Mt., 16, 26). Cela devrait suffire, me semble-t-il, pour que ceux qui ont du bien acceptent de s'en séparer plutôt que perdre leur âme en essayant de le garder ou d'accroître ce qu'ils ont.
VINCENT : Vous avez raison, mon oncle, et je ne vois pas ce que ces gens pourraient alléguer pour défendre leur folie. Je ne désire pas jouer leur rôle plus longtemps, mais je prie Dieu de me donner un rôle qui serait le contre-pied de celui-ci. Je prie le Seigneur de ne jamais renier ma foi, ni en pensées, ni en paroles, je me fie pour cela en sa grande bonté.(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 3 Oct - 23:40 | |
| XV. LA TERREUR QU'INSPIRE CETTE ÉPREUVE ÉCLAIRERA LES GENS SUR LEURS PROPRES IMPERFECTIONS
ANTOINE : Même si cette persécution ne s'abat pas effectivement sur les gens, il suffira de la terreur qu'elle inspire d'avance pour les éclairer sur leurs propres imperfections et cela peut leur être très utile, s'ils ont l'esprit et aussi la grâce d'y parer quand il en est temps encore ; car maintenant ils peuvent trouver une cachette pour leurs trésors, et si sûre que jamais l'armée turque ne la découvrira.
VINCENT : Soyez certain, mon cher oncle que, si vous leur indiquez ce moyen, ils ne l'oublieront pas. Mais j'en ai connus qui ont eu cette pensée ; ils avaient bien caché leur argent, l'enterrant très profondément, pourtant, quand ils revinrent ils s'aperçurent qu'ils avaient été volés.
ANTOINE : Ce n'est pas étonnant, car ils avaient caché leur trésor très sottement et dans un endroit où on leur avait recommandé de ne pas le faire. Ils connaissaient bien celui qui leur faisait une telle recommandation et le tenaient pour un homme qui savait ce qu'il disait.
VINCENT : Alors, ils étaient complètement fous ; mais leur avait-il indiqué également un endroit sûr, ou s'était-il contenté de leur en déconseiller un autre ?
ANTOINE : Mais, oui, par Notre-Dame, il l'a indiqué très clairement, il leur a dit qu'il ne fallait pas enterrer leur trésor, car les voleurs pourraient le leur dérober.
VINCENT : Mais où le cacher alors ? Les voleurs peuvent le trouver n'importe où.
ANTOINE : Il leur conseilla de le cacher au ciel, et l'y laisser car là il sera en sécurité, et celui qui donna ce conseil savait ce qu'il disait car c'est Notre-Seigneur lui-même qui dit dans le 6ème chapitre de saint Matthieu : « N'enfouissez pas vos trésors dans la terre, où ils sont rongés par la rouille et la vermine, où les voleurs peuvent vous les enlever, mais amassez vos trésors au ciel, où il n'y a ni vermine, ni rouille, ni voleurs, car là où est votre trésor, là est aussi votre coeur » (Mt., 6, 19).
Si nous méditions bien ces paroles de Notre-Seigneur, nous n'aurions plus besoin de conseils ni de réconfort au sujet de la perte de nos biens temporels ; nous les donnerions aux pauvres. C'est là qu'ils seront en sécurité, car qui irait fouiller le sac du mendiant ?
Si nous donnons aux pauvres pour l'amour du Christ, nous donnons au Christ lui-même ; aucun persécuteur n'est assez fort pour lui arracher quoi que ce soit.
VINCENT : Personne ne discutera cela. Cependant chaque homme éprouve dans le fond de son cur on ne sait quelle aversion, on ne sait quel dégoût pour la pauvreté.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 5 Oct - 0:04 | |
| XV. LA TERREUR QU'INSPIRE CETTE ÉPREUVE ÉCLAIRERA LES GENS SUR LEURS PROPRES IMPERFECTIONS
(...) ANTOINE : C'est vrai pour ceux qui n'écoutent jamais, ou rarement un bon conseil destiné à les détourner de cet état d'esprit, ceux qui, quand ils entendent un conseil de ce genre, n'y prêtent guère plus d'attention qu'à une histoire sans importance, par politesse, et non avec l'intention d'en tirer sagement profit. Si nous nous appliquions, non seulement avec nos oreilles, mais aussi avec notre coeur à écouter les paroles de Notre-Seigneur, si nous considérions que ces paroles ne sont point l'oeuvre d'un faiseur de sentences ou d'un poète lyrique, mais le verbe sacré du Dieu tout-puissant, nous serions honteux de nous-mêmes ; nous éprouverions des remords en ne sentant pas que de les avoir entendues, nous sommes devenus plus forts qu'avant pour le bon combat.
Cela nous montre que les broussailles et les buissons épineux ont tellement envahi nos coeurs, qu'ils étouffent la bonne semence de la parole de Dieu. Le Seigneur est pour nous un bon maître quand il appelle ses gens aux champs (car en ceci les persécuteurs sont ses gens), et leur fait arracher toutes ces mauvaises herbes, ces ronces qui sont nos richesses terrestres, et les éloigne de nous pour que la parole divine trouve en nos coeurs assez de place pour croître et s'épanouir. Car nous trouverons vraies alors ces paroles de Notre-Seigneur : « Là où est votre trésor est aussi votre coeur » (Mt., 6, 19). Si nous mettons notre trésor en terre, notre coeur sera en terre, si nous le mettons au ciel, notre coeur y sera aussi.
Si ton coeur était en dehors du monde, au ciel, toutes les peines, tous les tourments qu'on peut inventer sur terre ne le toucheraient pas. Que nos coeurs soient donc au paradis, et, pour cela débarrassons-nous de ce qui nous attache à la terre, et ne doutons pas qu'aussitôt, nous nous trouverons à merveille d'avoir suivi le conseil du Christ, car le grand réconfort de l'Esprit-Saint diminuera en nous la souffrance que nous pourrions subir, il l'adoucira et, d'une certaine manière, il l'effacera.
Supposez que dans un certain temps, nous soyons obligés de quitter ce pays et de nous réfugier dans un autre, ne trouverions-nous pas fou l'homme qui ne serait pas heureux d'envoyer ses biens dans cet autre pays et de s'en séparer pour un moment ? Mais nous sommes bien plus fous, puisque, sachant que nous n'en avons plus pour longtemps ici-bas, nous sommes incapables d'envoyer nos biens dans l'autre monde, retenus que nous sommes par la crainte de manquer d'une chose ou l'autre. Car là-haut nous sommes assurés de vivre dans l'opulence, si nous y avons envoyé notre trésor terrestre alors que, si nous ne l'avons pas fait, nous risquons d'être misérables pour l'éternité.
VINCENT : Ces considérations, mon bon oncle, me paraissent encourageantes à suffisance. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 5 Oct - 23:51 | |
| XVI. ENCORE UN ARGUMENT POUR NE PAS PERDRE COURAGE EN CAS DE PERTE DES BIENS TERRESTRES
ANTOINE : Il suffirait de bien moins, mon cher neveu, en demandant l'aide de Dieu, sans laquelle tout ceci serait inutile. Mais la ferveur de la foi chrétienne diminue beaucoup de nos jours, c'est comme un feu qui devrait être ranimé. Or je pense que pour un vrai fidèle, une seule considération suffirait à rendre du courage.
VINCENT : Et qu'est-ce, mon oncle ?
ANTOINE : Il lui suffirait de se rappeler la pauvreté que Notre-Seigneur a volontairement supportée pour nous. Imaginez qu'un grand roi, par amour pour son serviteur, pour le tirer d'un danger se soit dépouillé à la fois de sa fortune et de sa royauté, que le serviteur, peu après, se soit fait quelques économies, il est inconcevable que ce serviteur refuse de risquer de les perdre, si besoin est, pour venir en aide à son maître.
Considérons la grande bonté de Notre-Seigneur envers nous quand nous n'étions même pas ses serviteurs mais plutôt ses adversaires et quelle fortune humaine il a volontairement laissée pour nous, car il était en réalité roi de ce monde. Mais au lieu d'en profiter et afin de nous rendre riches au paradis, il a vécu ici-bas dans la misère et la pauvreté et il n'a voulu ni d'un trône, ni de la fortune. Si nous nous en souvenions, chacun de nous abandonnerait volontiers tout ce que Dieu lui a prêté, plutôt que de lui être infidèle, car c'est lui qu'ils abandonnent s'ils renient la foi chrétienne.
Pour en finir avec ce qui concerne la peur de perdre les biens de ce monde, songeons aux minces avantages qu'ils présentent, de quels durs labeurs ils sont payés, songeons à la brièveté du temps pendant lequel nous en pouvons jouir, de quel chagrin leur plaisir est mêlé, quel tort cela fait à l'âme d'y être attachée, quelle perte cela représente de vouloir les garder en perdant le Christ, quel bénéfice cela représente pour nous de les perdre pour l'amour du Christ, disons-nous qu'il vaut mieux les bien distribuer que de les garder pour un mauvais motif ; et finalement n'oublions pas que ce serait ingrat de notre part d'abandonner pour eux le Christ qui pendant qu'il vécut pour nous refusa le trône du monde. Nous parlerons plus tard de ses souffrances et de sa mort cruelle.
Méditons profondément ces pensées, prions Dieu de les imprimer dans nos curs. Si nous conservons bien ferme l'espoir de son secours, alors, comme dit prophète : « Il nous enveloppera comme d'un bouclier » et nous ne craindrons pas, dans cette persécution du démon de midi, un quelconque arrachement des biens de ce monde. Si nous renonçons au mince plaisir qu'ils nous donnent sur cette terre, nous serons éternellement récompensés par Dieu dans l'éternelle félicité et l'éternelle gloire. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Sam 7 Oct - 0:44 | |
| XVII. DE LA SOUFFRANCE CORPORELLE - IL NE FAUT PAS PERDRE COURAGE PENDANT UNE PERSÉCUTION
VINCENT : Mon oncle, nous en avons assez dit sur ces richesses temporelles. Personne n'est sûr de sa force ni de la résistance dont il pourra faire preuve le moment venu. Moi non plus, je n'en sais rien, et saint Pierre lui-même a subitement faibli à un mot prononcé par une femme, il a lâchement renié son Maître pour qui il s'était courageusement battu quelques heures auparavant ; par cette faute, il s'est rendu compte qu'il avait été trop prompt dans sa promesse et qu'il était tombé justement parce qu'il avait eu trop grande confiance en lui-même. Il me semble, à présent, que si les Turcs me prennent tout ce que jai, jusqu'à ma chemise, s'ils m'offrent cinq fois plus que je ne possède pour que j'embrasse leur croyance, je choisirai la sainte religion du Christ. Mais, mon oncle, quand je pense aux souffrances qui peuvent m'atteindre dans ma chair, je me mets à trembler.
ANTOINE : Cela ne m'étonne pas, et vous ne devez pas en être découragé. Notre-Seigneur lui-même a ressenti dans sa chair une grande terreur en face de sa cruelle Passion. Je puis vous affirmer que votre raison ne se laissera pas abattre par cette terreur de la chair, non, elle résistera virilement, et dans votre envie de fuir cette mort cruelle, méditez sur la mort de Notre-Seigneur. Lui-même, si vous le désirez vraiment, ne manquera pas de vous soutenir dans votre lutte et vous donnera la grâce de vous soumettre et de conformer votre volonté à la sienne, comme lui-même soumit sa volonté à celle de son Père. Le Saint-Esprit vous réconfortera secrètement, de même que l'ange est venu réconforter le Christ après son agonie. Vous, en vrai disciple, vous le suivrez, sans murmure et avec bonne volonté, vous prendrez votre croix et vous mourrez avec lui, pour la vérité. Ensuite, vous régnerez avec lui dans la gloire éternelle.
Je dis ceci pour que celui qui éprouve de l'horreur à la vue de la mort ne succombe pas à la peur dégradante de la chute, car plus d'un homme qui a ressenti cette peur résiste fermement, et soutient mieux le choc que d'autres qui n'ont jamais éprouvé aucune peur. Mais il se peut aussi que le choc ne se produise jamais, car il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père et Dieu n'exalte pas chaque homme de bien jusqu'à la gloire du martyre. Mais, prévoyant la faiblesse de certains, sachant que, même s'ils sont de bonne volonté et courageux ils agiraient comme saint Pierre et que leur âme risquerait l'éternelle damnation, il trouve le moyen de leur épargner le martyre, comme il le trouva pour ses disciples quand lui-même fut volontairement pris, ou encore ; il les fait échapper, à la manière de saint Jean l'évangéliste qui laissa ses vêtements entre les mains de ses poursuivants et s'enfuit nu (1). Il les délivre parfois de la prison où ils sont enfermés, comme il le fit pour saint Pierre. Parfois encore, il les appelle à lui directement de la prison et ne permet pas qu'ils endurent les tourments auxquels ils étaient destinés ; c'est ce qu'il fit pour plus d'un saint.(...)
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Messages : 6669 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 8 Oct - 12:57 | |
| XVII. DE LA SOUFFRANCE CORPORELLE - IL NE FAUT PAS PERDRE COURAGE PENDANT UNE PERSÉCUTION
ANTOINE : (...) Parfois encore il permet qu'ils endurent leur supplice mais non qu'ils y succombent, et ils y survivent de nombreuses années, et meurent de leur mort naturelle, comme saint Jean l'évangéliste et beaucoup d'autres, ainsi que nous pouvons le lire dans des récits, comme ceux que rapporte saint Cyprien. Nous ne pouvons prévoir quel moyen Dieu utilisera pour nous.
Mais, si nous sommes de vrais chrétiens, nous devons espérer, avec l'aide de Dieu, endurer patiemment toutes les tortures que pourraient nous faire subir les Turcs. Si nous soumettons notre volonté à la sienne, si nous prions pour obtenir sa grâce, nous sommes assurés qu'il ne permettra pas qu'on nous inflige plus de tourments que nous n'en pouvons supporter. Nous savons aussi qu'en nous tentant comme ils le feront, ils nous offriront un sûr moyen de salut. « Dieu est fidèle », dit saint Paul, « il ne veut pas que vous soyez tentés au delà de vos forces et, avec la tentation, il vous apportera aussi le moyen d'en sortir » (I Cor., 10, 13). Ou bien il veut simplement nous effrayer, pour éprouver notre foi, pour nous inciter à demander sa grâce, ou peut-être, permettra-t-il que nous tombions dans leurs mains, et alors, à condition que nous lui restions fidèles et que nous ne cessions de demander son aide.
« Sa vérité nous enveloppera comme un bouclier », et « nous ne craindrons pas le démon de midi. » Les Turcs, ses persécuteurs, qui envahiront notre pays, n'auront pas le pouvoir de nous toucher, et s'ils l'ont, la courte peine qu'ils nous infligeront nous assurera l'éternelle récompense, à la fois dans notre âme et dans notre corps. Cher neveu, nous devons avoir l'âme en paix, car nous sommes, par notre foi, absolument certains que l'Écriture sainte est la parole de Dieu, et la parole de Dieu ne peut être que vraie, et il nous a promis, par la bouche de son Apôtre bien-aimé, que nous ne serions pas tentés au delà de nos forces ; il nous a promis de nous fournir le moyen d'en sortir, comme il avait déjà promis de nous envelopper de son bouclier, pour que nous n'ayons plus de raison de craindre le démon de midi et ses assauts.
Nous ne pouvons, dès lors, qu'être certains (à moins que nous ne soyons honteusement pusillanimes, et que notre foi soit faible, que notre amour pour Dieu soit tiède et même frigide), nous pouvons être assurés, dis-je, que Dieu n'acceptera pas que les Turcs envahissent le pays, ou que s'ils l'envahissent, il nous donnera une telle force de résistance qu'ils ne l'emporteront pas. Si, malgré tout, ils devaient l'emporter, à condition que nous choisissions le chemin dont je vous ai parlé, nous ne souffrirons guère de leurs persécutions et peut-être même pas du tout, et ce qui paraîtra un mal sera en réalité un bien. Car si Dieu nous fait et nous garde bons, comme il nous l'a promis, si nous l'en prions, alors il en sera pour nous comme pour les gens de bien dont parle l'Écriture, et nous tirerons du bien de toutes choses (Mt., 12, 35 ; Lc 4, 45).
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 9 Oct - 9:43 | |
| XVII. DE LA SOUFFRANCE CORPORELLE - IL NE FAUT PAS PERDRE COURAGE PENDANT UNE PERSÉCUTION
ANTOINE : (...) Dieu connaît l'avenir et nous l'ignorons ; prenons donc la résolution de rester fermes dans sa foi et de résister aux persécutions. S'il nous arrivait de succomber à la peur, que ce soit par lâcheté ou parce que nous avons perdu la grâce à cause de nos péchés, nous aurons eu, cependant, le mérite de nos bonnes pensées et il est bien possible que Dieu nous rétablisse par la suite dans sa grâce. Si cette persécution a lieu, nous serons fortifiés par nos méditations et nos bonnes résolutions, et nous aurons plus de chances de résister. S'il se fait que les Turcs ne nous envahissent pas, soit qu'ils rencontrent une trop forte résistance, soit que nous nous soyons suffisamment amendés, alors, pardi, cette bonne résolution nous vaudra des mérites que nous n'aurons vraiment pas payés trop cher.
Si, au contraire, par crainte d'une peine corporelle que se serait forgée notre esprit, nous nous laissions aller en pensée à renier Notre-Seigneur, alors, que les Turcs viennent ou non, cela ne changera rien au fait que c'est nous qui aurons quitté Dieu. S'ils ne viennent pas, s'ils sont mis en fuite, quelle honte ce serait de l'avoir abandonné pour une peine que nous n'aurions même pas subie ! VINCENT : Mon oncle, je vous remercie, ce que vous venez de dire sur la douleur physique m'a merveilleusement réconforté.
ANTOINE : J'en suis heureux ; mon cher neveu, mais, s'il en est ainsi, c'est Dieu que vous devez remercier et non moi, car je ne puis dire de bonnes paroles qu'inspiré par lui et toutes les bonnes paroles prononcées de par le monde, même celles qui viennent de sa bouche, ne peuvent éclairer ni fortifier une âme sans le secours de l'Esprit-Saint ; mais Dieu est toujours prêt à envoyer son Esprit-Saint ; c'est nous qui ne sommes pas toujours prêts à le recevoir.
(1) Le fait est rapporté dans l'évangile selon saint Marc ; un jeune homme le suivait, n'ayant pour tout vêtement qu'un drap, et on le saisit, mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu (Mc., 14, 51-52). Beaucoup de commentateurs ont vu dans ce jeune homme l'évangéliste lui-même (Note de la Bible de Jérusalem) ; il s'agirait donc de saint Marc et non de saint Jean.
XVIII. CONSEILS POUR LUTTER CONTRE LA CRAINTE QU'INSPIRE LA DOULEUR PHYSIQUE ET SPÉCIALEMENT LA CAPTIVITÉ
Maintenant que nous avons quelque peu repris courage, nous pouvons considérer toutes ces choses d'un esprit plus serein. Nous évoquerons d'abord la douleur physique. Vous disiez que c'était ce qui vous effrayait le plus. Vous avez évoqué, si mes souvenirs sont exacts, la déportation, l'emprisonnement, et une mort pénible et honteuse. Commençons par la déportation.(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 9 Oct - 23:59 | |
| XVIII. CONSEILS POUR LUTTER CONTRE LA CRAINTE QU'INSPIRE LA DOULEUR PHYSIQUE ET SPÉCIALEMENT LA CAPTIVITÉ
VINCENT : Il me semble, mon oncle, qu'il est très pénible d'être emmené loin de chez soi, dans un pays étranger et inconnu.
ANTOINE : Je ne puis le nier, mon neveu, mais si loin qu'on nous emmène, Dieu saura toujours nous retrouver, et se manifester à nous ! Mais si mon transfert dans un pays étranger devait me peser à ce point, c'est à moi que la faute en incomberait. Je sais que, quel que soit l'endroit où on m'emmène, Dieu sera avec moi. Si je puis obtenir la grâce (et je le puis si je le veux) de ne désirer que lui, il me sera indifférent d'être emmené ici ou là. Si je souffre beaucoup de n'être plus dans mon pays, la raison de cette souffrance est ma propre imagination qui est faussée et qui me fait tort car je me suis mis en tête que ce pays est mien, alors qu'il n'en est rien car, comme dit saint Paul : « Nous n'avons ici ni cité, ni pays mais nous cherchons celui qui doit venir ! » (Héb., 13, 14). Quel que soit le sol que nous foulons, nous ne sommes ici que des pèlerins et des voyageurs, et si je prenais un pays pour le mien, ce devrait être non le pays d'où je viens, mais celui où j'arrive. Ce pays me paraîtra étrange pendant un moment, mais mon pays natal aussi me parut étrange quand je vins au monde. S'il m'est pénible d'être loin de chez moi, mon chagrin sera encore aggravé si je ne remets mon âme entre les mains de Dieu, car c'est là qu'elle doit être ; si je le fais, ma peine en sera grandement soulagée.
Je ne puis nier que les maux qui accompagnent la captivité soient très affligeants. Pourtant, si cela nous est pénible à ce point, c'est beaucoup parce que nous avons pris notre liberté pour un bienfait plus grand qu'il n'est en réalité. Considérons le problème comme ceci : la captivité, la servitude, l'asservissement, qu'est-ce sinon la soumission par la contrainte violente d'un homme à un autre ? Quand nous serons emmenés par les Turcs et que nous serons obligés de faire ce qu'ils veulent, nous nous lamenterons avec raison sur la perte de notre liberté, nous penserons que, par notre actuelle servitude, nous portons un très lourd fardeau. Mais nous nous lamenterions moins si nous nous souvenions de ce qu'était en réalité la liberté que nous avons perdue, et si nous ne l'embellissions pas. Nous nous disons que nous pouvions faire ce que nous voulions : mais là nous nous trompons. Qui peut se vanter de faire ce qu'il lui plaît ? Dans bien des domaines, disons : la moitié, Dieu a, par sa volonté suprême, limité notre liberté. Mais nous faisons la sourde oreille et nous faisons ce qui nous plaît. Elle est bien réduite par les lois des hommes. Ceux-ci non plus ne diminueraient pas notre liberté, si nous n'avions peur des châtiments. Des hommes, qui ont sur nous de l'autorité, ne nous commandent-ils pas des travaux que nous n'osons refuser et que nous accomplissons contraints et forcés ? Certains sont même si pénibles qu'aucun seigneur ne les commanderait à ses serfs. Que chaque homme qui se considère comme libre réfléchisse à ceci et j'affirme qu'il aura moins d'admiration pour sa liberté (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 11 Oct - 1:16 | |
| XVIII. CONSEILS POUR LUTTER CONTRE LA CRAINTE QU'INSPIRE LA DOULEUR PHYSIQUE ET SPÉCIALEMENT LA CAPTIVITÉ
VINCENT : (...) Pourtant, je n'ai pas encore parlé de l'esclavage où se trouvent presque tous ceux qui se vantent d'être libres : l'esclavage du péché. C'est le Seigneur lui-même qui nous dit que c'est là un esclavage : « Celui qui commet le péché est l'esclave du péché » (Jn., 8, 34). Qui, dès lors, peut se vanter d'être libre et considérer comme une calamité de devenir, par les hasards de la guerre, l'esclave d'un homme, puisqu'il est déjà, par son péché, l'esclave du démon ? Chaque jour le démon nous fait commettre des vilenies en se servant des passions que nous suivons aveuglément parce que notre manque de foi nous rend trop faibles pour les réfréner. Donc, notre liberté est, en réalité, l'esclavage le plus dur, celui du serf le plus vil envers le maître le plus cruel. Rappelons-nous, dans notre esclavage, ce que nous faisions à cette heure du jour, quand nous étions libres et ce que nous ferions si nous l'étions encore ; peut-être verrons-nous qu'il vaut mieux pour nous être occupés à ce que nous faisons, qu'à ce que nous aurions fait si nous eussions été libres. Nous trouverons matière à grand réconfort dans la pensée que notre esclavage apparemment causé par la guerre nous vient, en réalité, de Dieu et que, si nous le prenons bien, il servira pour la rémission de nos péchés et aussi qu'il nous vaudra une récompense dans l'autre monde. Le plus pénible à supporter dans la captivité c'est que nous sommes astreints à un travail qui nous répugne. Sénèque donne à ceci un bon remède : « Tâche ne jamais rien faire sans l'avoir voulu, mais si tu te vois contraint à une tâche, mets-y tout ton coeur. »
VINCENT : C'est vite dit, mon oncle, mais difficile à faire.
ANTOINE : Notre esprit indocile, rend pénible chaque bonne chose, et cela nous fait grand tort. Mais dans le cas qui nous occupe, si nous voulons être bons chrétiens, nous aurons raison de nous réjouir à cause du grand réconfort que nous trouverons dans cette épreuve ; car il nous souviendra que dans l'accomplissement patient et serein de notre service envers cet homme à qui nous sommes assujettis, nous obéissons à un ordre de Dieu, donné par la bouche de saint Paul Servi, obedite dominis carnalibus et que nous serons compensés par Dieu.
Souvenons-nous, enfin, de l'humble douceur de notre sauveur le Christ, qui « étant lui-même, Dieu tout-puissant, s'humilia et prit la condition d'esclave » (Phil., 2, 6), afin que nous ne fussions pas abandonnés par son Père. Nous ne sommes que des ingrats et des imbéciles, si plutôt que d'endurer temporairement cet esclavage, nous le renions, lui qui nous délivra, par sa mort, de l'esclavage du démon, lui qui veut en salaire de notre bref esclavage, nous donner l'éternelle liberté.
VINCENT : Mon oncle, ceci est fort bien dit ! L'esclavage est une condition à laquelle tout homme sensé espère échapper, mais vous m'avez présenté la chose de telle façon qu'elle ne me paraît plus si affreuse, et surtout vous m'avez fait comprendre qu'un homme quelque peu sensé n'a pas le droit de renier sa foi pour cela. Maintenant, je vous en prie, parlez-moi de l'emprisonnement.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 12 Oct - 0:35 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) ANTOINE : Bien volontiers, mon cher neveu. Considérons d'abord ce qu'est l'emprisonnement, quelle est la nature de cette épreuve, cela nous aidera à ne pas en concevoir une telle frayeur ; car de soi-même, ce n'est qu'une diminution de la liberté, qui empêche un homme d'aller là où il le voudrait.
VINCENT : Oui, par Notre-Dame, mon oncle, mais il me semble que c'est bien plus pénible que vous ne le dites, car, en plus de la diminution de la liberté, cela comporte beaucoup de tourments.
ANTOINE : C'est vrai, mon neveu. Je n'oublie pas ces peines si pénibles, je ne les perds pas de vue. Mais, pour l'instant, je ne veux considérer que l'emprisonnement en lui-même, car il se peut qu'on soit enfermé, sans autre incommodité, sans être mis aux fers ou attaché par le cou, et on peut aussi, sans être en prison, avoir des boulets aux pieds ; c'est la condition des esclaves dans notre pays, de même qu'à Séville et au Portugal. Je ne veux pas prétendre que la douleur physique n'existe pas ; pourtant, puisque c'est à cause de ce genre de douleur que nous avons une telle horreur de la condition de prisonnier, il me semble que nous devrions nous rendre compte une fois de plus que notre répulsion est due en bonne partie à notre imagination. Rappelons-nous la condition de beaucoup d'autres gens dont nous envions la situation. Ne sont-ils pas soumis à des contraintes tout aussi cruelles que celles des prisonniers ? Considérons ces choses dans l'ordre. D'abord, les maux dont vous parlez ne sont pas particuliers à l'emprisonnement, puisqu'ils peuvent accabler des gens qui ne sont pas emprisonnés ; ils n'en sont pas non plus inséparables, puisqu'on peut être emprisonné sans avoir à les subir. Nous allons donc commencer par chercher quelle peine, quelle incommodité comporte l'emprisonnement de par sa nature propre. Ensuite, dans le cours de la conversation, vous pourrez à votre guise, vous exciter à la terreur en nous énumérant tous ces pénibles accidents.
VINCENT : Je regrette de vous avoir interrompu, car je vois que vous vous proposiez de procéder suivant un certain ordre. Je vous en prie, continuez. Je sais que l'emprisonnement peut être très différent suivant les cas, et que, appliqué avec le maximum de douceur, il est simplement chose très ennuyeuse.
Si un grand prince est fait prisonnier sur le champ de bataille par un roi chrétien, il est d'usage qu'en considération de sa condition, et en se représentant que les hasards de la guerre peuvent renverser la situation, il se peut, dis-je, qu'il soit traité avec la plus grande humanité. Quant aux infidèles, ils traitent souvent plus mal les grands princes que les pauvres gens. Quand Tamerlan (1) tenait prisonnier le Grand Turc, il le forçait à lui prêter son dos quand il montait à cheval. Mais comme j'avais commencé à vous le dire par l'exemple d'un prince fait prisonnier, si bénin que soit le traitement, si spacieuse que soit la prison, son sort est toujours pénible. Même si le prisonnier a le droit de se promener dans de beaux jardins, il lui sera humiliant de voir sa liberté restreinte par la volonté d'un autre homme.
ANTOINE : Vos observations sont très judicieuses et vous remarquez que l'emprisonnement, de par lui-même, n'est que la diminution de la liberté d'une certaine personne à l'intérieur d'un certain espace. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 12 Oct - 23:53 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) VINCENT : C'est bien cela.
ANTOINE : Mais j'ai oublié de vous poser une question.
VINCENT : Dites.
ANTOINE : Voici : si deux hommes sont prisonniers dans un château, enfermés dans deux chambres différentes, l'une beaucoup plus grande que l'autre, sont-ils prisonniers tous les deux, ou seulement celui qui a le moins d'espace ?
VINCENT : Quelle question, mon oncle ! Ils sont tous deux prisonniers, même si l'un est au cachot tandis que l'autre a tout le château.
ANTOINE : Il me semble, mon neveu, que vous dites vrai. Si l'emprisonnement est ce que vous dites, ne plus avoir la possibilité d'aller et venir à sa guise, pouvez-vous dire que vous connaissez quelqu'un qui soit hors de prison ?
VINCENT : Comment, mon oncle, mais je n'en connais point d'autre ! Je ne connais pas de prisonnier que je sache !
ANTOINE : Je vois que vous ne visitez guère les pauvres prisonniers.
VINCENT : Non, mon oncle, j'en demande à Dieu pardon. Je leur fais parvenir mes aumônes, mais je n'aime pas me trouver en présence d'une telle misère.
ANTOINE : Cher neveu, vous avez beaucoup de belles qualités, mais ceci n'en est pas une. Si vous vous corrigiez, vous auriez une qualité de plus et peut-être même trois ou quatre, car de visiter les prisonniers procure à l'âme un bien inestimable.
Mais si vous ne connaissez aucun prisonnier, citez-moi donc le nom d'un homme libre, puisque vous dites mieux les connaître. Pour ma part c'est plutôt le contraire, je connais plus de gens qui ne sont pas libres.
VINCENT : C'est bien étrange, mon oncle, car un homme est libre qui peut aller où il veut, fût-il le mendiant le plus pauvre de la ville. Et il me semble en toute bonne foi qu'un pauvre mendiant, qui peut aller où il veut, est plus heureux qu'un roi emprisonné qui ne peut faire que ce qu'on lui permet.
ANTOINE : Nous verrons plus loin si un mendiant ayant la faculté de circuler à sa guise est, pour autant, libre de toute prison. Pour ma part, je ne vois aucun prince dont je puisse dire qu'il me paraît libre. Si vous appelez emprisonnement le fait de ne pas pouvoir circuler à sa guise, alors le Grand Turc lui-même est prisonnier, car il ne peut aller où il veut. S'il le pouvait, il irait au Portugal, en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne, en Angleterre et aussi chez le Prêtre Jean et jusque chez le Grand Khan.
Si le mendiant dont vous parlez peut aller où il lui plaît, il me paraît plus libre non seulement qu'un roi emprisonné, mais aussi que n'importe quel prince, car je ne doute pas qu'un mendiant puisse circuler plus aisément sur les terres d'autrui que le plus grand prince sur les siennes propres. Si un prince pénètre en territoire voisin, il risque la prison tandis que le mendiant, avec son sac et son bâton, pourra peut-être aller son chemin. Mais pourtant, mon neveu, ni le mendiant ni le prince ne sont vraiment libres d'aller où ils veulent ; dès lors si vous définissez l'emprisonnement comme l'impossibilité d'aller où on veut, il me semble que votre libre mendiant, votre libre prince, sont tous deux prisonniers. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Sam 14 Oct - 1:20 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) VINCENT : Oui, mon oncle, mais tous deux ont la possibilité de circuler, l'un sur ses terres, l'autre sur les terres d'autrui et tous deux sur la grand'route, où ils peuvent marcher jusqu'à épuisement sans que personne les en empêche.
ANTOINE : Mais le roi que vous me citiez en exemple tout à l'heure et qui, prisonnier dans un château, pouvait toutefois y circuler librement peut également marcher jusqu'à épuisement sans que personne y trouve rien à redire. Pourtant, vous dites vous-même qu'il est prisonnier, sans toutefois subir une captivité aussi rigoureuse que celui qui est au cachot.
VINCENT : Mais ils peuvent au moins se rendre où cela leur est nécessaire et commode, aussi ne désirent-ils aller que là où ils peuvent et par conséquent ils peuvent aller où ils veulent.
ANTOINE : Je ne passerai pas mon temps, mon cher neveu, à réfuter point par point votre réponse. Nous passerons sur le fait que, fût-il emmené par son gardien à tous les endroits où il doit se rendre pour sa commodité, un prisonnier n'en reste pas moins un prisonnier, car il ne pourrait circuler pour son plaisir.
Passons aussi sur le fait qu'il serait nécessaire à ce mendiant, commode à ce roi de se rendre en divers endroits, où ni l'un ni l'autre ne peut aller, comme aussi sur le fait qu'aucun des deux n'est si modéré dans ses désirs qu'il soit capable de les limiter à ses possibilités, puisque d'après vous ce qui conditionne la liberté c'est de ne désirer aller que là où on le peut, je veux bien vous l'accorder.
Voyons maintenant nos autres prisonniers, ceux que nous avons enfermés dans un château, et nous verrons que celui des deux qui est le plus étroitement gardé, s'il a la sagesse et la grâce de calmer son esprit et de se contenter de rester où il est, de ne pas s'abandonner à ses « envies » comme une femme enceinte, lui aussi répond à votre définition de la liberté, car il est là où il veut, il est donc libre.
D'ailleurs, même s'il ne désire se rendre que là où il peut, le fait que s'il désirait aller ailleurs on ne le lui permettrait pas suffit à en faire un prisonnier. Votre mendiant, votre prince, dont vous dites qu'ils sont tous deux libres, ont beau être exceptionnellement sages et modérés dans leurs désirs, il me semble à moi que le seul fait de ne pouvoir désirer se rendre ailleurs que là où ils en ont la possibilité leur fait manquer le bénéfice de la liberté.
VINCENT : Mon oncle, si, d'après vos raisons, tout le monde est prisonnier dans une prison au sens large, pourtant, être jeté dans ce qu'on appelle généralement une prison au sens propre est chose que chacun redoute, aussi bien pour les traitements qu'on y subit que pour l'étroitesse des locaux.
Nous ne nous apercevons pas des peines que nous apporte cet emprisonnement au sens large et figuré et nous ne le craignons pas. Aussi chacun éprouve-t-il une vive répugnance pour le premier et aucune pour le second.
Mon oncle, je ne puis trouver d'argument à vous opposer mais je vous avoue franchement que mon esprit n'est pas satisfait ; vous ne me convainquez pas et vos arguments me paraissent des sophismes. Pour moi, quand on ne se trouve pas dans ce qu'on appelle généralement une prison, on ne s'y trouve pas du tout. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 15 Oct - 1:06 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...)ANTOINE : Cher et bon neveu, vous n'avez pas prononcé depuis le début de notre entretien une seule parole qui me plaise autant que celle-ci ! Si vous aviez donné votre assentiment en paroles seulement, sans être persuadé dans le fond de vous-même, vous auriez perdu le fruit de notre entretien, si ce que j'avance est vrai ; si c'était faux, c'est moi qui aurais été trompé, car j'aurais cru que vous étiez d'accord avec moi et vous m'auriez confirmé dans mon égarement.
Cher neveu, je suis probablement bien malhabile dans l'art de persuader les gens ; tout à l'heure, cependant, il me semblait qu'avec vous, je n'y réussissais pas trop mal, mais voilà que pour conclure, vous me dites que je n'ai prononcé que des sophismes ! Pendant des années, j'ai moi-même pris tout ce que je viens de vous dire pour l'exacte vérité, et maintenant mon esprit ne peut penser différemment.
Mais je ne voudrais pas faire comme ce prêtre français qui avait si longtemps prononcé le mot « Domînus », en allongeant la deuxième syllabe, que finalement il s'était persuadé que cela devait se prononcer ainsi, et qu'il n'eût pas osé le prononcer autrement. Ainsi, pour que vous me compreniez mieux, pour que moi-même j'y voie plus clair, nous allons, à nous deux, réexaminer la chose.
Crachez dans vos mains, tenez-vous ferme et ne me cédez pas contre votre conviction, car alors, nous n'approcherons jamais.
VINCENT : Mon cher oncle, je n'ai nullement l'intention d'abandonner la joute, je ne l'ai jamais fait depuis que nous avons commencé nos entretiens. Vous avez bien dû vous en apercevoir par certaines questions que, sans grande raison, simplement pour satisfaire mon esprit, j'ai posées et débattues.
ANTOINE : Vous devez continuer, mon cher neveu. Pour moi, je veux abandonner la partie, si je ne puis vous convaincre que tout homme est effectivement emprisonné dans une véritable prison, sans qu'il entre dans ma pensée la moindre idée de sophisme et aussi qu'il n'y a sur terre aucun prince qui ne soit plus tragiquement prisonnier, dans ce sens général, que ne le sont les pauvres ignorants, prisonniers dans le sens propre, comme vous dites.
En plus de cela, dans cet emprisonnement au sens large, au sens général, les gens sont traités si durement que l'on devrait redouter d'être ainsi maltraité, comme on redoute le triste sort de ceux qui sont emprisonnés au sens étroit du terme.
VINCENT : Par ma foi, mon oncle, je voudrais que vous me prouviez ceci.
ANTOINE : Dites-moi, mon neveu, si un homme était accusé de trahison ou de félonie, si, après un jugement qui l'aurait condamné à mort, le choix du jour de l'exécution était laissé au bon plaisir du souverain, s'il était livré à des geôliers, enfermé dans une prison sûre, dont il lui serait impossible de s'échapper, cet homme serait-il, oui ou non, un prisonnier ? (...)
VINCENT : Oui, certainement !
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 16 Oct - 9:30 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) ANTOINE : Mais si, en attendant l'exécution, il était traité de telle sorte qu'il pût agir à sa guise, tout comme du temps où il était libre, s'il pouvait jouir de ses terres et de ses biens, si sa femme et ses enfants avaient permission d'être avec lui, s'il pouvait recevoir ses amis, se faire servir par ses domestiques, si l'endroit où il serait détenu était un château royal, avec des parcs et autres agréments, et s'il avait la possibilité d'y circuler, ajoutez encore, si vous voulez, qu'on lui permettrait d'aller à cheval quand il voudrait et où il voudrait ; en imposant comme unique restriction que toujours il serait gardé à vue et qu'il lui serait impossible de s'échapper, il pourrait donc faire ce qu'il lui plaît, mais il saurait qu'il lui est impossible de s'évader et que, le moment venu, il serait finalement mis à mort, voyons mon neveu, comment appellerons-nous cet homme ? Dirons-nous qu'il est prisonnier pour la raison qu'il est enfermé pour l'exécution ? Ou dirons-nous qu'il ne l'est pas puisqu'il est traité avec une telle faveur ? Je vous en prie, réfléchissez avant de répondre. Vous pourriez par la suite regretter ce que vous avez dit.
VINCENT : Non, mon oncle, inutile de retourner la question dans tous les sens. Malgré la faveur dont il bénéficie, malgré la liberté qu'on lui prête, puisque cet homme est condamné à mort et enfermé pour cela, puisqu'on l'a mis sous bonne garde, il est bel et bien prisonnier.
ANTOINE : Vous avez dit vrai, mon neveu, mais, continuons. Imaginez un autre homme, jeté en prison pour une peccadille, et que ses gardiens, par mauvaise humeur, auraient enchaîné, dans un sombre cachot, où il devrait peut-être moisir un certain temps, où il devrait souffrir certains maux, sans être toutefois condamné à mort, et qu'une fois libéré il se remettrait de ses maux, lequel de ces deux prisonniers est dans le plus triste état : celui qui jouit de toutes les faveurs ou celui qui est traité durement ?
VINCENT : Par Notre-Dame, mon oncle, je pense que la plupart des gens, s'ils avaient à choisir, préféreraient le sort du prisonnier maltraité.
ANTOINE : Jugez vous-même, mon neveu, si ce que je vais vous dire est un sophisme, car cela me paraît à moi la vérité et même si vous pensez différemment je serais heureux de voir lequel de nous deux se trompe. D'abord, il me paraît évident à moi que tout homme qui vient au monde y vient par la volonté de Dieu. Est-ce là un sophisme ?
VINCENT : Certainement non, c'est la vérité.
ANTOINE : Ceci me paraît aussi vrai. Il ne vient au monde ni homme ni femme qui ne soient condamnés à mort dès avant leur naissance, à cause du péché originel qu'ils apportent avec eux du sein de leur mère et qui fut contracté par la race corrompue de notre père Adam. Est-ce ainsi, oui ou non ?
VINCENT : C'est ainsi.
ANTOINE : Dieu a mis l'humanité sous si bonne garde que tous ceux qui vivent ici-bas ne peuvent espérer échapper à la mort. Ceci est-il une fantaisie de mon imagination ? (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Lun 16 Oct - 23:07 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) VINCENT : Certainement pas, personne n'essaiera de le nier.
ANTOINE : Je n'ai pas besoin d'en dire plus, mon neveu, cela devient clair et évident, et je suis même allé un peu plus loin que quand vous traitiez mes arguments de sophismes. Lorsque vous disiez que j'avais beau affirmer que tout homme est un prisonnier, vous pensiez, vous, qu'il n'y en avait d'autres que ceux qu'on appelle généralement prisonniers. Et maintenant vous reconnaissez comme une grande vérité, le fait que tout homme, fût-il le plus grand roi, est mis sur terre par la volonté de Dieu et qu'il ne peut lui échapper.
Vous m'accordez aussi que chacun, ici-bas, doit répondre immédiatement à l'appel de Dieu et mourir. Dès lors, cher neveu, chaque homme n'est-il pas un prisonnier, puisqu'il est gardé dans un endroit d'où on le conduira il ne sait où ? VINCENT : Je dois reconnaître qu'il en est ainsi.
ANTOINE : Ce serait vrai même si un homme était pris par le bras et conduit à son jugement de la façon la plus courtoise. Mais nous savons qu'aucun roi, fût-il le plus puissant, fût-il gardé par l'armée la plus nombreuse, cherchât-il mille distractions pour n'y plus penser, le plus grand roi sait bien qu'il ne peut échapper à la mort ; il sait que la sentence est déjà prononcée et qu'il mourra.
Il espère sans doute un long répit avant son exécution, mais il ne peut savoir quand il mourra et, à moins d'être fou, il ne peut être sans constamment craindre que, soit aujourd'hui soit demain, cet horrible bourreau, la Mort, qui depuis sa naissance le regarde en face, ne l'invite brutalement à le suivre. Car ce bourreau-là ne fera pas de cérémonies ; il le saisira à la gorge, il fera grincer ses os et le jettera dans une certaine prison, où il souffrira de longs et affreux tourments.
Son corps sera jeté en un trou dans la terre, il y pourrira et sera rongé des vers, tandis que son âme subira un jugement encore plus effroyable. Il ne sait, à sa mort temporelle, si le jugement lui sera ou non favorable ; il peut, par la grâce de Dieu, conserver quelque espoir, mais il a toujours à redouter le feu éternel.
Il me semble, mon neveu, que cette sentence de mort suspendue au-dessus de chacun de nous en ce monde fait de nous de véritables prisonniers. Et le plus grand roi, dans cette prison, est bien plus en danger, malgré toutes ses richesses, que ne l'est un homme maltraité dans ce qu'on appelle communément une prison. Car dans ces prisons-là, on n'est pas nécessairement condamné à mort mais l'homme le plus grand, le plus riche de cette prison universelle qu'est le monde où nous sommes, est de toute manière un condamné à mort.
VINCENT : Pourtant, mon oncle, le pauvre prisonnier est dans le même cas, car lui aussi sait qu'il doit mourir.
ANTOINE : Votre objection est très juste, mon cher neveu, mais je vous ferai remarquer qu'il n'est pas en danger de mort à cause de la prison où il fut peut-être jeté à la suite d'une vétille ; le danger qu'il court lui vient de cette autre prison, la terre, où tous les princes sont prisonniers aussi bien que lui. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 18 Oct - 11:43 | |
| XIX. DE L'EMPRISONNEMENT
(...) ANTOINE : Votre objection est très juste, mon cher neveu, mais je vous ferai remarquer qu'il n'est pas en danger de mort à cause de la prison où il fut peut-être jeté à la suite d'une vétille ; le danger qu'il court lui vient de cette autre prison, la terre, où tous les princes sont prisonniers aussi bien que lui.
Si un homme condamné à mort était enfermé dans une prison où il jouirait de quelque liberté, si, en attendant son exécution, il était, à la suite d'une rixe avec ses compagnons, mis au cachot dans cette même prison, il y serait en danger de mort, non parce qu'il est au cachot, puisqu'il n'y est qu'à la suite d'une querelle ; il était en danger de mort avant cela, quand il jouissait de quelque liberté. Ainsi, le prisonnier dont vous parlez est-il enfermé non seulement dans son étroite prison mais aussi dans le vaste monde, et tous les princes du monde y sont prisonniers avec lui. Par cet emprisonnement, ils courent tous le même danger de mort ; je ne parle pas de la prison au sens étroit du terme mais de ce qu'on appelle généralement : liberté, à cause de l'espace dans lequel on peut se mouvoir, et vous me traitiez de sophiste parce que je l'appelais prison !
Maintenant vous voyez que toute cette terre est une prison pour le genre humain, que tous les hommes sans exception, même ceux qui jouissent de la plus grande liberté et se considèrent comme de grands seigneurs, comme les propriétaires de grandes parties de la terre, et qui en arrivent à oublier leur état de mortels, tous sont dans la même condition que ceux qui, dans ces étroites geôles généralement dénommées prisons sont dans la plus affreuse des conditions, celle des condamnés à mort.
Si maintenant, mon cher neveu, ceci vous paraît encore un sophisme, je serais heureux de savoir ce qui vous le fait penser. Car, je vous l'ai déjà dit, cela me paraît à moi l'exacte vérité.
(1) Grand conquérant, fondateur du second empire mongol, né à Keach près de Samarcande en 1336, mort à Otrar en 1405. Un demi-siècle après la mort de Thomas More, le dramaturge Marlowe écrivit une tragédie intitulée Tamerlan.
XX. DE L'EMPRISONNEMENT (SUITE)
VINCENT : En toute bonne foi, mon oncle, je ne vois rien à vous opposer et il me semble qu'il ne peut en être autrement. Car nous sommes tous en ce monde des prisonniers, puisque nous sommes gardés jusqu'à ce que nous soyons mis à mort, tout comme des gens qui attendent le jour de leur exécution.
Mais pourtant, mon oncle, le cachot, les fers, le sol froid sur quoi il faut dormir dans ce qu'on appelle communément une prison rendent ce genre d'emprisonnement beaucoup plus effrayant que la captivité prise dans le sens large du terme, où nous pouvons aller et venir à notre guise dans le vaste monde. Car, dans cette vaste prison, extérieure aux prisons exiguës, les prisonniers ne sont pas traités aussi durement.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 18 Oct - 23:02 | |
| (...)XX. DE L'EMPRISONNEMENT (SUITE)
ANTOINE : Mon cher neveu, j'ai dit, il me semble, que je tenterais de vous montrer que, dans cette vaste prison qu'est le monde où nous vivons, les gens sont traités si durement, si cruellement, ils sont tellement rompus, brisés, que, si nous y réfléchissions, nous nous indignerions tout autant contre ces mauvais traitements que contre ceux des prisons ordinaires.
VINCENT : Oui, mon oncle, vous m'avez promis de me le prouver.
ANTOINE : Non, cher neveu, je ne me suis pas tant avancé. Mais j'ai dit que je m'y efforcerais, et que, si je n'y réussissais pas, j'abandonnerais la partie. Je ne pense pas, toutefois, en être réduit à une telle extrémité. La chose me paraît simple.
Dites-vous bien, mon cher neveu, que Dieu est non seulement le Roi du monde, mais aussi le principal geôlier de cette vaste prison, ayant sous ses ordres non seulement les anges, mais aussi les démons. Je suppose que, jusqu'ici, vous êtes d'accord avec moi.
VINCENT : Certainement.
ANTOINE : Supposez qu'on mette un homme en prison, simplement pour l'enfermer, car il n'y a contre lui aucune charge grave ; son gardien, s'il est bon et honnête, ne se montrera pas assez cruel pour le faire souffrir par pure malice, ni assez cupide pour le forcer à demander à ses amis pour un sou de confort. Si la prison est assez sûre pour que le prisonnier ne s'en puisse évader ou si l'évasion n'apportait que des souffrances supplémentaires, le geôlier n'infligera pas à son prisonnier ces tourments qui nous font tant redouter l'emprisonnement. Mais si l'endroit n'offre aucune sécurité, le gardien sera impitoyable ; si le prisonnier est difficile, s'il se bat avec ses compagnons, s'il joue de mauvais tours, alors le gardien le punira en lui faisant subir les mauvais traitements que vous avez évoqués.
Mais, mon cher neveu, Dieu, le principal gardien de cette immense geôle, n'est ni cruel, ni cupide. Et cette prison est si sûre, si intelligemment bâtie que, sans qu'elle soit entourée d'aucun mur, nous savons que nous ne pourrons jamais nous en évader, si loin que nous allions. Dieu n'a nul besoin de nous enchaîner ; il nous laisse aller et venir, aussi longtemps qu'il lui plaît de nous laisser du répit.
Et c'est à cause de cette faveur temporaire que nous devenons si libertins et que nous oublions où nous sommes. Nous nous prenons pour des seigneurs, alors que nous ne sommes que de pauvres détenus, car en vérité, cette terre est notre prison. Nous nous en attribuons des parties, par des arrangements pris entre nous, ou bien par fraude et par violence. Nous ne l'appelons pas notre prison, nous l'appelons notre pays, notre patrie. Nous y bâtissons, nous l'ornons, nous l'embellissons, on y fait du commerce, on s'y querelle, on s'y bat, on y joue aux cartes et aux dés, on y fait de la musique, on s'y amuse, on y chante et on y danse. Il faut dire aussi que plus d'un homme ayant la réputation d'être honnête se réserve d'être en secret un redoutable gredin. (...)
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| | | ami de la Miséricorde consacré
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Jeu 19 Oct - 22:20 | |
| XX. DE L'EMPRISONNEMENT (SUITE)
ANTOINE : (...) C'est ainsi que tant que Dieu, notre roi et notre principal geôlier, nous laisse faire, nous nous croyons en liberté. Nous abhorrons l'état de prisonnier, parce que nous nous croyons libres. Jusqu'à ce que nous soyons emmenés à l'exécution, nous oublions notre prison, nos geôliers, les anges et les démons et même Dieu, qui ne nous oublie pas, lui, mais nous tient constamment sous son regard.
Il est mécontent de voir le désordre régner dans la prison, alors il envoie le bourreau, la Mort, ici et là, pour y exécuter les détenus par milliers à la fois. Et ceux dont il suspend l'exécution sont souvent traités aussi durement, aussi cruellement, que les captifs de ces prisons dont vous dites avoir une telle horreur.
VINCENT : Je ne vous contredirai pas sur le reste, car il me semble voir les choses comme vous, mais quand vous appelez Dieu notre principal geôlier je ne vous suis plus, car je ne le vois jamais mettre personne aux fers, ni au bloc, ni même l'enfermer dans une chambre.
ANTOINE : N'est-il d'autre ménestrel que celui qui joue de la harpe, d'autre musicien que celui qui joue du luth ? On peut être musicien et jouer d'un instrument étrange, que personne n'a jamais vu.
Dieu est notre principal geôlier et comme il est invisible, ses instruments le sont également. Ils ne sont pas pareils à ceux des geôliers ordinaires mais leur effet est le même et tout aussi pénible. À l'un il donne une fièvre chaude et le cloue sur un lit de douleur tout aussi inconfortable que la paille du prisonnier. Il torture celui-ci par la migraine, celui-là par une angine, il enchaîne cet autre par la paralysie, il met les menottes de la goutte aux mains d'un troisième, il tord les jambes dans d'horribles crampes à cet autre qui ne peut pas plus remuer que s'il était au bloc.
Le prisonnier d'une prison ordinaire peut chanter et danser dans ses fers, sans craindre de heurter une pierre, tandis que le prisonnier de Dieu enchaîné par la goutte, gît, tout gémissant sur sa couche, et tremble qu'il lui tombe sur les pieds un simple coussin.
Oui, mon cher neveu, si nous réfléchissons bien, nous voyons que dans ce vaste bagne qu'est le monde, les prisonniers sont aussi mal traités que dans les prisons ordinaires. Et même dans celles-ci il y a des prisonniers aussi gais que certains dans notre vaste prison.
Des gens qui seraient nés en captivité, qui n'auraient jamais pu jeter un regard sur le monde extérieur, ni même en entendre parler, mais qui verraient d'autres prisonniers, plus étroitement gardés qu'eux-mêmes, qui n'auraient entendu traiter de prisonniers que ceux-là, alors qu'eux-mêmes seraient qualifiés de « libres », auraient sans doute d'eux-mêmes l'opinion que nous avons de nous ; et quand nous nous croyons libres nous nous trompons aussi lourdement qu'eux.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 20 Oct - 21:13 | |
| XX. DE L'EMPRISONNEMENT (SUITE)
ANTOINE : (...) C'est ainsi que tant que Dieu, notre roi et notre principal geôlier, nous laisse faire, nous nous croyons en liberté. Nous abhorrons l'état de prisonnier, parce que nous nous croyons libres. Jusqu'à ce que nous soyons emmenés à l'exécution, nous oublions notre prison, nos geôliers, les anges et les démons et même Dieu, qui ne nous oublie pas, lui, mais nous tient constamment sous son regard.
Il est mécontent de voir le désordre régner dans la prison, alors il envoie le bourreau, la Mort, ici et là, pour y exécuter les détenus par milliers à la fois. Et ceux dont il suspend l'exécution sont souvent traités aussi durement, aussi cruellement, que les captifs de ces prisons dont vous dites avoir une telle horreur.
VINCENT : Je ne vous contredirai pas sur le reste, car il me semble voir les choses comme vous, mais quand vous appelez Dieu notre principal geôlier je ne vous suis plus, car je ne le vois jamais mettre personne aux fers, ni au bloc, ni même l'enfermer dans une chambre.
ANTOINE : N'est-il d'autre ménestrel que celui qui joue de la harpe, d'autre musicien que celui qui joue du luth ? On peut être musicien et jouer d'un instrument étrange, que personne n'a jamais vu.
Dieu est notre principal geôlier et comme il est invisible, ses instruments le sont également. Ils ne sont pas pareils à ceux des geôliers ordinaires mais leur effet est le même et tout aussi pénible. À l'un il donne une fièvre chaude et le cloue sur un lit de douleur tout aussi inconfortable que la paille du prisonnier. Il torture celui-ci par la migraine, celui-là par une angine, il enchaîne cet autre par la paralysie, il met les menottes de la goutte aux mains d'un troisième, il tord les jambes dans d'horribles crampes à cet autre qui ne peut pas plus remuer que s'il était au bloc.
Le prisonnier d'une prison ordinaire peut chanter et danser dans ses fers, sans craindre de heurter une pierre, tandis que le prisonnier de Dieu enchaîné par la goutte, gît, tout gémissant sur sa couche, et tremble qu'il lui tombe sur les pieds un simple coussin.
Oui, mon cher neveu, si nous réfléchissons bien, nous voyons que dans ce vaste bagne qu'est le monde, les prisonniers sont aussi mal traités que dans les prisons ordinaires. Et même dans celles-ci il y a des prisonniers aussi gais que certains dans notre vaste prison.
Des gens qui seraient nés en captivité, qui n'auraient jamais pu jeter un regard sur le monde extérieur, ni même en entendre parler, mais qui verraient d'autres prisonniers, plus étroitement gardés qu'eux-mêmes, qui n'auraient entendu traiter de prisonniers que ceux-là, alors qu'eux-mêmes seraient qualifiés de « libres », auraient sans doute d'eux-mêmes l'opinion que nous avons de nous ; et quand nous nous croyons libres nous nous trompons aussi lourdement qu'eux.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 22 Oct - 0:32 | |
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VINCENT : Cher oncle, vous avez rempli votre promesse. Mais puisque de tout ceci il ressort que nous aussi nous sommes prisonniers, que nous aussi nous sommes maltraités, nous savons bien que ceux qui sont enfermés dans ces geôles sont plus à l'étroit que nous, qu'ils sont devant une porte verrouillée, et que ce n'est qu'un minimum car il peut leur arriver des choses bien pires, c'est courant dans ces endroits, aussi ne faut-il pas s'étonner si notre cur s'insurge.
ANTOINE : Certainement, cher neveu, en cela vous avez raison, mais vos paroles m'auraient touché davantage si j'avais dit que l'emprisonnement ne comporte aucun désagrément, alors que ce que je dis pour notre réconfort en la matière c'est que notre imagination nous induit en erreur, et nous fait, du sort des prisonniers, un tableau plus noir que nature, et cela parce que nous nous croyons plus libres que nous ne le sommes et croyons l'emprisonnement une chose plus étrangère à notre condition qu'il ne l'est en réalité.
Et tout ceci je vous l'ai démontré.
Examinons maintenant les incommodités dont vous parlez sans cesse, et qui sont propres à l'emprisonnement ; savoir : disposer de moins d'espace pour circuler, se heurter à une porte verrouillée. Ces inconvénients me paraissent trop minces pour nous faire hésiter à embrasser la cause de Dieu. Bien des gens s'imposent volontairement ces rigueurs et même de plus dures. Je veux parler de l'ordre des chartreux, qui ne quittent leur cellule que pour se rendre à l'église, de l'ordre de sainte Brigitte, de sainte Claire, et, d'une manière générale, de tous les ordres cloîtrés, tous les ermites et les anachorètes. Pourtant ces enfermés volontaires vivent aussi heureux de leur sort et parfois plus, que ceux qui vont et viennent de par le monde. Puisque tant de gens choisissent de vivre ainsi pour l'amour de Dieu, vous voyez bien que le manque d'espace, la porte verrouillée, tout cela n'est horrible que parce que notre imagination nous porte à le concevoir comme tel.
J'ai connu une dame qui, par charité, allait rendre visite à un pauvre prisonnier. Elle le trouva dans une cellule qui était assez belle ou du moins, soyons justes, assez solide. Grâce à des nattes de paille qu'il avait disposées contre le mur et sur le sol, le prisonnier était parvenu à attiédir l'atmosphère. La dame s'en réjouit beaucoup pour lui car cela l'empêcherait de prendre froid, mais elle ne put se retenir de le plaindre pour certaines choses, entre autres celle-ci, c'est que la porte de la cellule était fermée la nuit. « Vraiment, dit-elle, je ne pourrais dormir avec une porte ainsi fermée sur moi ! » À ces mots, le prisonnier sourit intérieurement, sans toutefois extérioriser son hilarité, car c'est surtout grâce à la générosité de cette personne qu'il était nourri. Il savait bien qu'elle tenait toujours très soigneusement fermées et pour toute la durée de la nuit, la porte et la fenêtre de sa chambre. La belle différence en vérité que la porte soit fermée extérieurement ou intérieurement !
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 22 Oct - 22:45 | |
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ANTOINE : (...) Vraiment, mon neveu, ces deux dangers dont vous parlez ne devraient pas faire hésiter un chrétien à embrasser la cause du Christ, et l'un en tout cas est vraiment trop puéril.
Quant aux mauvais traitements, je ne suis pas stupide au point de les sous-estimer, mais je dis que dans notre frayeur, nous pouvons les croire beaucoup plus pénibles qu'ils ne sont en réalité, et j'affirme que, tels qu'ils sont, bien des hommes, oui, et même bien des femmes, les endurent, et ensuite s'en remettent très bien.
Maintenant, je voudrais savoir quelle résolution nous allons prendre. Accepterons-nous la perspective de souffrir pour l'amour de notre Sauveur, qui a tant souffert pour nous dans son corps béni, ou bien nous résignerons-nous à prendre congé de lui et à l'abandonner plutôt que de souffrir ? Il est bien inutile de vouloir réconforter celui qui, même en pensée en arrive à la deuxième option, car il ne veut pas entendre de paroles d'encouragement, ni de conseils. Je crains, du reste, que les conseils ne lui soient inutiles si la grâce l'a quitté. Mais d'un autre côté, si nous prenons la résolution de souffrir pour Notre-Seigneur plutôt que de l'abandonner, la crainte des mauvais traitements ne nous fera pas renoncer à notre foi plutôt que de subir l'emprisonnement. Il se peut très bien que nous ne souffrions, en prison, d'aucun mauvais traitement, ou qu'alors ils ne durent pas longtemps. Tout dépend de la volonté de Dieu. Si nous montrons de bonnes intentions, il ne voudra pas qu'on nous fasse souffrir au delà de ce qu'il sait être nos possibilités. Il nous donne lui-même la force de supporter ces épreuves, et vous connaissez la promesse qu'il nous fit par la bouche de saint Paul : « Dieu est fidèle, il ne permet pas que vous soyez tentés au delà de vos forces, mais avec la tentation, il vous envoie aussi le moyen d'en sortir » (1 Cor., 10, 13).
Si nous avons encore la foi, nous savons très bien que si nous la renions par peur, nous méritons l'enfer, et qu'il nous est impossible de savoir à quel moment. Dieu peut nous permettre de vivre encore un certain temps comme il peut nous précipiter dans la geôle infernale avant même que les Turcs ne nous mettent au pied du mur. Il faut être complètement dépourvu de bon sens pour se précipiter dans une prison éternelle par crainte d'une autre prison dont nous savons fort bien que nous serons délivrés dans un temps plus ou moins court.
Joseph était en prison et ses frères en liberté, mais par la suite, c'est auprès de lui que les frères allèrent chercher du blé (Gn., 39 et 42).
Daniel fut jeté dans la fosse aux lions, mais Dieu l'y garda sain et sauf et l'en délivra. Ne doutons pas qu'il fera de même pour nous et peut-être même mieux, car le mieux serait qu'il nous rappelât à lui et qu'il nous permît de mourir (Dn., .6, 17-23). (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 24 Oct - 0:15 | |
| XX. DE L'EMPRISONNEMENT (SUITE)
ANTOINE : (...) Saint Jean-Baptiste était en prison pendant qu'Hérode et Hérodiade festoyaient, et la fille d'Hérodiade les ayant charmés par ses danses obtint la tête de saint Jean (Mt., 14). Mais maintenant c'est lui qui prend part au festin de Dieu, tandis qu'Hérode et Hérodiade brûlent tous deux en enfer, et contemplent les danses que la donzelle exécute avec un démon.
Enfin, mon cher neveu, rappelez-vous que Notre-Seigneur lui-même fut fait prisonnier pour nous. C'est dans cette situation qu'il fut emmené, enfermé et conduit devant Anne, puis, d'Anne à Caïphe, de Caïphe à Pilate puis à Hérode, puis d'Hérode de nouveau à Pilate. Il fut ainsi captif jusqu'à la fin de sa Passion. Son emprisonnement ne fut pas long, mais il y dut subir autant de ces mauvais traitements qui nous épouvantent que bien des gens pendant un temps plus considérable. Réfléchissons que c'est pour nous qu'il souffrit ainsi et alors, à moins d'être vraiment vils, nous ne serons pas assez lâches pour le renier dans notre crainte de la prison, ni assez fous pour lui donner, par notre reniement, l'occasion de nous renier. Ce serait fuir une prison pour se précipiter dans une autre, bien pire.
Au lieu de la prison, où nous ne pouvons rester longtemps, nous tomberions dans cette autre, dont nous ne nous échapperions jamais, alors qu'un court emprisonnement nous eût mérité une liberté éternelle.
XXI. DE LA CRAINTE QU'INSPIRE UNE MORT HONTEUSE ET PÉNIBLE
VINCENT : Mon oncle, s'il n'y avait rien de plus dans notre sentiment que la peur de la prison, vos paroles me suffiraient (Dieu vous en récompense !) et avec la grâce de Dieu, je lui resterais fidèle. Mais nous voici arrivés à ce dernier point, à ce qui fait que cette invasion des Turcs, cette persécution contre la foi, cette attaque du démon de midi nous paraît si épouvantable. Bien que le respect de Dieu ait le dessus contre tous les maux que nous avons examinés jusqu'à présent, comme la perte des biens, de la liberté, pourtant, quand nous nous représentons la mort honteuse et pénible que nous risquons de subir, nous oublions tout ce qui devrait nous réconforter, nous sentons notre foi refroidir, notre cur faiblir, la terre se dérober sous nos pieds.
ANTOINE : Je ne nierai pas, mon cher neveu, que c'est bien là que le bât blesse. Pourtant, vous voyez qu'ici aussi la peur augmente ou diminue suivant les pensées que nous avons cultivées en notre esprit et qui s'y sont enracinées. On peut voir des gens accorder tant d'importance à leurs richesses, qu'ils craignent moins la mort que la perte de leurs biens. Oui, on voit parfois un homme supporter des tortures si horribles que n'importe qui eût préféré mourir plutôt que de les supporter et cela pour ne pas dévoiler où il a caché son argent. Vous avez certainement entendu vous-même raconter que des hommes, pour l'une ou l'autre raison, n'ont pas hésité à mourir volontairement dans l'abaissement et dans les souffrances. Cela vous montre l'importance de l'esprit avec lequel on les affronte. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mar 24 Oct - 23:08 | |
| XXI. DE LA CRAINTE QU'INSPIRE UNE MORT HONTEUSE ET PÉNIBLE
ANTOINE : (...) Bien des choses influencent et façonnent l'esprit des gens. Il y a d'abord les sens, par lesquels le monde extérieur l'impressionne de façon plaisante ou déplaisante et ceci est commun aux hommes et aux animaux. Il y a ensuite la raison qui souvent tempère les impressions reçues par le moyen des sens et qui sont charnelles ou sensuelles, et ceci est propre à l'homme, le rend supérieur aux animaux et le dispose souvent aux vertus spirituelles ; et si le démon, notre ennemi invisible, nous pousse à suivre nos penchants sensuels, d'un autre côté, Dieu tout-puissant, dans sa bonté, nous inspire de bons mouvements par le moyen de son Esprit-Saint et, nous envoyant sa grâce, il nous aide à y répondre. Par divers moyens, il nous enseigne comment les recevoir : ce sont comme des semences qui germent dans nos âmes, nous ne devons pas nous contenter de les recevoir, nous devons les entretenir, les arroser, de façon à leur permettre de s'enraciner profondément. Selon que l'un ou l'autre penchant est plus ou moins enraciné dans notre cur, nous aurons plus ou moins de résistance contre la crainte de la mort.
C'est pour ce motif, mon cher neveu, que nous tenterons d'expliquer les raisons pour lesquelles nous devons maîtriser nos mauvais penchants, nos penchants sensuels. Si nous ne pouvons les dominer complètement, nous devons nous efforcer de les freiner, de façon qu'ils ne nous précipitent pas, malgré nous, vers l'enfer.
Considérons pour commencer cette chose que nous craignons tant : une mort humiliante et pénible.
XXII. LA MORT, CONSIDÉRÉE EN SOI-MÊME, N'EST QU'UN DÉPART DE CETTE VIE
Je comprends bien, par ces deux adjectifs dont vous la qualifiez : humiliante et pénible, que la mort vous paraîtrait moins horrible si elle vous arrivait sans douleur et sans honte.
VINCENT : Sans aucun doute, mon oncle, beaucoup moins. Mais, malgré cela, je connais bien des gens qui ne veulent pas mourir, même d'une mort sans honte et sans douleur.
ANTOINE : je le crois sans peine, mon cher neveu, car cette peur de la mort vient le plus souvent d'un manque de foi, d'un manque d'espérance, ou encore d'un manque d'esprit.
Ceux qui ne croient pas à la vie dans l'au-delà ont peur de quitter celle-ci car alors, pensent-ils, ils perdront tout ; et voilà d'où viennent ces mots impies qui fleurissent sur tant de lèvres : « Ce monde-ci, nous le connaissons, de l'autre nous ne savons rien. » Et quelques-uns disent en plaisantant (mais le pensent sérieusement) : « Le diable n'est pas aussi noir qu'on veut bien le dire ! » ou « Si noir qu'il soit, il ne peut l'être plus qu'un corbeau » et ainsi de suite. Chez d'autres, la foi est assez forte, mais une vie dissolue leur fait perdre l'espoir du salut, et je m'étonne peu qu'ils répugnent à mourir.
D'autres encore, qui ont l'intention de se corriger et souhaitent en avoir le temps, peuvent répugner à mourir incontinent. Il me semble à moi qu'un désir joyeux de mourir et d'être avec Dieu, lui serait agréable et mériterait la rémission des péchés et de la peine, tout autant que de longues années de pénitence.
Il y a aussi des gens qui, sans souhaiter la mort, sont heureux de mourir et s'en réjouissent.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Mer 25 Oct - 21:24 | |
| XXII. LA MORT, CONSIDÉRÉE EN SOI-MÊME, N'EST QU'UN DÉPART DE CETTE VIE
VINCENT : Ceci est bien étrange, mon oncle.
ANTOINE : Je crains, mon cher neveu, que ce ne soit pas très fréquent, mais cela arrive à de belles âmes comme le fut saint Paul. Malgré le désir qu'il éprouvait d'être avec Dieu, il était content de vivre ici dans la peine et de remettre à plus tard l'infinie félicité du ciel, car il pouvait, sur terre, se dévouer aux autres hommes. « J'ai le désir de mourir et d'être avec le Christ, mais il est bien préférable pour vous que je reste en vie » (1 Phil., 23).
Mais il me semble, mon neveu, qu'aucun croyant ne devrait hésiter à mourir pour sa foi, à moins que la crainte de la honte et de la douleur violente ne mette un obstacle au désir de quitter ce monde, car le croyant sait que la mort pour la foi le lavera de tout péché et l'enverra droit au ciel. Les derniers dont j'ai parlé ne craignent pas tant la mort qu'ils ne l'acceptent, dans ces conditions, bien volontiers puisqu'ils savent que refuser la foi pour quelque raison que ce soit, les séparerait de Dieu, et on ne peut appeler charité le fait de déplaire à Dieu quand bien même ce serait pour venir en aide au monde entier, qui fut créé par lui.
Il y en a qui répugnent à mourir, tout simplement par manque d'esprit. Ils croient au ciel et espèrent bien y aller, mais ils aiment tant les richesses et les agréments de ce bas monde qu'ils veulent les garder aussi longtemps que possible, et les défendent même avec bec et ongles. Quand il leur faut absolument s'en séparer, quand la mort vient les en arracher, ils comptent bien, faute de rester en vie, être hissés tout droit en paradis en la présence de Dieu ! Ces gens sont aussi fous que celui-là, qui gardait depuis son enfance, un sac de noyaux de cerises et s'en était tellement épris, qu'il ne voulait plus le lâcher, même pas pour un sac d'or.
Ces gens se comportent comme l'escargot d'Esope. Un jour, Jupiter invita tous les pauvres vers à une grande fête. L'escargot resta chez lui et ne s'y rendit point. Quand Jupiter lui demanda par la suite pourquoi il n'avait pas assisté à la fête où il eut été accueilli, bien traité, en un beau palais, où il eût pu prendre part à mille divertissements, l'animal répondit qu'il ne se trouvait nulle part aussi bien qu'en sa maison. Cette réponse rendit Jupiter furieux. Puisque le limaçon aimait tant sa maison, dit-il, il la porterait toujours sur son dos où qu'il allât. Et, pour ma part, je n'ai jamais vu les escargots aller autrement.
VINCENT : Vraiment, mon oncle, il me semble que cette fable contient une grande part de vérité.
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 27 Oct - 0:38 | |
| XXII. LA MORT, CONSIDÉRÉE EN SOI-MÊME, N'EST QU'UN DÉPART DE CETTE VIE
ANTOINE : Esope veut nous représenter par là, la folie de ces gens qui mettent leur plaisir dans des choses sans valeur et ne peuvent s'en passer, même pour avoir quelque chose de précieux. Par ce travers à la fois sot et peu aimable, ils peuvent pâtir durement ; et les chrétiens qui imitent l'escargot en s'attachant trop à leur maison sur terre, ne peuvent pas éprouver dans leur coeur le joyeux désir de se rendre à cette grande fête que Dieu prépare au paradis, et à laquelle, dans sa grande bonté, il nous convie tous. Ils risquent fort, je le crains, de s'entendre donner la même réponse que l'escargot et peut-être une bien pire, car ils peuvent comme le colimaçon de la fable être condamnés à rester attachés à leur demeure, la terre, mais contrairement à l'escargot ils ne pourront la traîner là où ils veulent, ils devront rester enclos, au centre de la terre, dans le brasier infernal. C'est par leur faute qu'ils seront entraînés à cette folie, tout comme l'ivrogne s'entraîne à l'ivrognerie, et le mal qu'il commet pendant son ivresse ne lui est pas pardonné sous prétexte qu'il n'est pas conscient, mais son ébriété même lui est imputée à faute.
VINCENT : Mon oncle, ceci ne me paraît pas invraisemblable, et c'est bien par leur faute qu'ils tombent dans une telle folie. Mais si vraiment c'est une folie, alors bien des gens sont fous qui se croient sages.
ANTOINE : Mais, cher neveu, je n'ai jamais rencontré un fou qui ne se crût sage. Car de même qu'un ivrogne qui se sent ivre n'est pas complètement ivre, de même un fou qui se croit fou, montre par là un éclair de sagesse.
Cependant, mon cher neveu, assez parlé de cette sorte de fous qui répugnent à mourir tant ils sont attachés à leurs plaisirs terrestres, ceux qui pour cette raison préfèrent renier leur foi plutôt que de perdre leurs biens, même s'ils ne risquent pas, pour cela, la mort.
VINCENT : Oui, mon oncle, et vous avez rappelé autant que je puisse m'en souvenir, tous ceux qui craignent une mort humiliante et douloureuse. Vous avez mis à part ceux qui n'ont pas la foi ; aucun réconfort ne peut les atteindre, il faut leur conseiller d'essayer d'avoir la foi, car c'est la base de tout réconfort comme vous l'avez montré au début de notre entretien, le jour de ma première visite ; les autres, ceux qui risquent de perdre leur foi par crainte de la mort, nous les avons tous passés en revue. Mais vous ne m'avez pas encore parlé de ces deux aspects de la mort que nous risquons de subir pour notre foi : la honte et la souffrance. Je vous en prie, donnez-moi des arguments de réconfort contre cela, car si la mort devait nous emporter simplement vers une vie meilleure, sans que nous ayons à souffrir, il me semble qu'aucun homme sensé ne s'attacherait à la vie d'ici-bas.(...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Ven 27 Oct - 23:42 | |
| XXII. LA MORT, CONSIDÉRÉE EN SOI-MÊME, N'EST QU'UN DÉPART DE CETTE VIE
ANTOINE : (...) Ceux qui veulent examiner ce problème en se basant sur leur foi verront bien qu'ils ne se laisseront pas décontenancer par la honte et la souffrance au point de renier Dieu.
Pour prouver ceci, commençons par étudier la honte qui accompagnerait cette mort.
XXIII. DE LA HONTE ATTACHÉE À LA MORT DANS LA PERSÉCUTION POUR LA FOI
Comment un homme pieux et sage peut-il craindre à ce point la honte attachée à cette mort quand sa foi et sa raison lui montrent, clair comme le jour, qu'il n'y a là aucune honte ? Comment une telle mort serait-elle honteuse, puisqu'elle est glorieuse ? N'est-il pas glorieux de mourir pour le Christ, pour la foi, dans la foi, avec en même temps l'espérance et la charité ? Car l'Écriture dit clairement : « La mort de ses saints est précieuse aux yeux de Dieu » (Ps., 116, 15). Si la mort des saints a du prix aux yeux de lÉternel, elle ne peut en aucune façon être honteuse et nous pouvons être certains que, non seulement à la mort de saint Étienne, à qui il se montra dans le ciel entr'ouvert, mais encore à la mort de chaque homme succombant pour sa foi, Dieu et toute sa compagnie céleste contemplent le martyr.
Supposez, mon cher neveu, que vous suiviez une avenue dans une grande ville ; d'un côté de l'avenue, des gens misérables et fous vous injurient de mille façons, de l'autre, une noble compagnie, vous loue et vous approuve avec autant de force qu'en met à vous railler la canaille d'en face. Allez-vous rebrousser chemin et vous sentir humilié par les insultes de la foule imbécile, ou continuerez-vous le cur joyeux, vous sentant très honoré par les compliments des gens honorables ?
VINCENT : Sans aucun doute, je n'accorderais aucune importance aux insultes des gueux, et n'écouterais que les bonnes paroles des gens honnêtes.
ANTOINE : Dès lors, mon neveu, aucun homme ayant un peu de foi ne peut se sentir humilié par la mort qu'il subit pour le Christ. Si honteuse qu'elle paraisse ici-bas aux yeux de quelques personnes méprisables, cette mort est hautement approuvée comme une chose de grand prix par Dieu et par tous ceux qui l'entourent au ciel, et eux la voient tout aussi bien que ces imbéciles, ici sur terre. Ceux du ciel sont bien plus nombreux, à cent contre un au moins, et ils sont bien plus estimables. (...)
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| Sujet: Re: Dialogue du réconfort dans les tribulations de Saint Thomas More Dim 29 Oct - 1:06 | |
| XXIII. DE LA HONTE ATTACHÉE À LA MORT DANS LA PERSÉCUTION POUR LA FOI
ANTOINE (...) Si un homme est assez sot pour avoir honte de confesser la foi de Dieu de crainte d'être puni par des brutes comme celles-là, alors, par crainte d'un semblant de honte, il tombera dans la véritable honte, la honte qui entraîne la mort ! Car Notre-Seigneur a fait une promesse. Il a dit qu'il serait honteux de cet homme devant son Père et ses anges. « Celui qui aura honte de moi et de mes paroles, de celui-là le Fils de l'Homme aura honte lorsqu'il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des anges » (Lc., 9, 6). Et quelle honte affreuse ce sera là ! S'il lui est arrivé de rougir en ce monde, il aura les joues en feu dans l'autre, quand le Christ se dira honteux de lui.
Les bienheureux apôtres considéraient qu'il était glorieux de souffrir pour la foi du Christ alors que nous, pauvres imbéciles, nous nous en sentons humiliés. Quand on les couvrait d'outrages et de mépris, quand on leur défendait de prononcer le nom du Christ, « ils sortaient de la salle du conseil fiers et joyeux que Dieu eût daigné leur faire l'honneur de souffrir pour le nom de Jésus » (Act., 5, 41). Ils étaient même si fiers d'avoir à souffrir cette peine infamante, que malgré la défense du grand conseil ils ne cessèrent jamais de prêcher le nom de Jésus, non seulement dans le temple d'où ils avaient été chassés à coups de fouet pour cette raison même, mais encore ils s'en allaient prêcher de maison en maison.
Puisque nous accordons une telle importance à l'estime des gens, je souhaite que nous accordions de l'importance non seulement à ce qu'ils font de mal, mais aussi à ce qu'ils font de bien. On se fait une place dans le monde par un métier ou par le commerce, ou encore par une autre manière de vivre. Et souvent on confie les jeunes à des gens qui les forment à leur métier et sous la direction de qui ils grandissent. Mais si le maître voit que son apprenti refuse de faire ce que lui-même faisait quand il était en apprentissage, il considérera cet apprenti comme un prétentieux incapable. Alors, méditons bien ceci : notre Maître le Christ (qui n'est pas seulement le Maître mais aussi le Créateur du monde) ne rougit pas de souffrir pour nous la mort la plus honteuse qui existât alors.
Et il endura les moqueries les plus injurieuses, et les souffrances les plus atroces, comme le couronnement d'épines qui fit couler le sang sur sa figure. Ils lui mirent un roseau entre les mains en guise de sceptre, s'agenouillèrent devant lui, le saluèrent du nom de roi par dérision. Notre-Seigneur dit que le disciple ou le serviteur, n'est pas au-dessus du maître (Mt., 10, 24 ; Lc., 6, 40 ; Jn., 13, 16 ; 15, 20). Dès lors, si notre Maître endura tant de souffrances et d'opprobres, nous pouvons nous sentir de fières bêtes si nous refusons de faire ce qu'il fit. Alors que lui, en passant par la honte monta au ciel, nous serions assez stupides pour préférer d'être précipités dans la honte éternelle au lieu de le suivre dans l'éternelle gloire, en passant par une courte honte ici sur terre ?(...)
Source : livres-mystiques.com
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